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Un capharnaüm dans ma tête
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9 octobre 2009

Gardienne : chapitre 12

Chapitre n°12 : En Transylvanie.

 


 

Le jour était en train de se lever. Je me promenais dans les rues de la ville qui se trouvait à côté du château de Vlad Tepes. La Transylvanie… La patrie des Vampires comme je l'avais dit à Vlad. Cela ne m'étonnait pas de la part d'Ishta d'avoir choisi ce refuge. Je m'arrêtai bientôt devant l'une des multiples boutiques de souvenirs qui jalonnaient la ville. En vitrine, on trouvait de petits médaillons avec le portrait de Dracula. Dedans, je savais qu'il y avait de la terre… Comme pour les Vampires qui devaient dormir sur la terre qui les avaient vu naître pour obtenir une meilleure régénération.

 

C'était l'aube. J'adorais ce moment de la journée, peut-être plus encore que la nuit. L'aube était le seul instant où je pouvais être vraiment seule pour le moment. La nuit, tous les Vampires étaient avec moi. Je n'avais pas un instant pour moi seule. Il y avait les réunions pour préparer ce que nous allions faire qui duraient parfois des heures et des heures. Je n'étais jamais seule. Cela me manquait.

 

J’avais quitté la France la semaine précédente. Mais j'avais dû hypnotiser mes parents pour qu'ils appellent le lycée afin de signaler mon absence. Pendant ce temps, Gwen avait réuni tous les Vampires qui me soutenaient. Nous devions être une trentaine au total. C'était mince pour ce que je voulais faire. Ishta, lui, avait tout le reste des Vampires derrière lui. La guerre ne commençait pas sous les meilleurs auspices pour mon camp et moi. Bien sûr, je n'avais dit à personne que je n'étais pas la vraie Gardienne. Il valait mieux que les autres Vampires l'ignorent. S'ils l'avaient su, j'aurais perdu le peu de crédit que j'avais encore auprès d'eux.

 

J'humai l'air. Je sentais l'odeur d'Ishta dans les rues. Il était certainement passé par ici. Si j'avais réellement été la Gardienne, j'aurais pu plus facilement trouver Ishta. Il aurait été mon jumeau et les pouvoirs que conférait ce statut m’auraient vraiment aidée. J'aurais pu voir ce qu'il voyait. J'aurais pu entendre ce qu'il entendait. J'aurais pu ressentir ces émotions. Mais c'était impossible. Gwen m'entraînait dans ce sens mais cela ne servait à rien, strictement à rien.

 

Je regardai l'une des vitrines mais je ne m'y reflétai pas. Heureusement, la vitrine n'explosa pas. Le parfum devint soudain beaucoup plus fort. Je ne l'avais pas perçue très souvent mais je le connaissais très bien. Cette odeur rappelait un peu la mienne. Ishta ! Il était là ! Je sentis alors une présence derrière moi.

 

«Bonjour petite sœur. Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vu. Comment vas-tu ?»

 

Je reconnu immédiatement la voix rocailleuse d'Ishta. Je me retournai le plus rapidement possible en sortant le poignard des Gardiens. Je tentai de le lui planter dans le cœur. Mais Ishta était beaucoup plus rapide que moi. Il réussit à me plaquer contre la vitrine en me tenant par le cou et en immobilisant ma main au dessus de ma tête. Il serra. Il me broya le poignet. Je poussai un cri de douleur. Je lâchai aussitôt le poignard. Il m'avait certainement réduit en miette les os de mon poignet. Il lâcha ma main et mon cou mais il continua de se presser contre moi pour me maintenir contre la vitrine. Je n'avais déjà plus mal. Les os de mon poignet étaient en train de se ressouder.

 

Je plongeai mon regard dans le sien. Les yeux d'Ishta… Ses yeux flamboyants de Vampire me fixaient avec une lueur de folie. J'y distinguais des reflets enchanteurs que je n'avais encore jamais remarqués. Cet homme était superbe. Il avait tout pour lui. La beauté… La séduction… Tout.

 

«Ne refais jamais ça, chuchota-t-il.

 

-Et pourquoi ? Parce que ce serait mal ? Ironisai-je. Tu veux une guerre entre les Vampires. Pourquoi ne ferai-je pas tout ce qui est en mon pouvoir pour t'arrêter ? Vas-y, Dis le moi Ishta. Tu as certainement une réponse à cette question. »

 

Comme tu en as pour toutes celles que je me pose.

 

« Pourquoi ? C'est bien ce que tu m'as demandé ?

 

-Oui… Tu n'as pas entendu. Tu es sourds ?» ironisai-je.

 

Il sourit. La lueur de folie dans ses yeux disparut et il ne resta plus que les reflets enchanteurs.

 

«Parce que tu es moi et je suis toi, répondit-il enfin.

 

-Oh, la ferme.» répliquai-je en détournant les yeux.

 

Cette allusion me rappelait trop cruellement ce que j'avais appris la semaine précédente. Ce qu'il m'avait dit n’était pas possible puisque je n'étais pas la Gardienne. Je levai les yeux et vis soudain le soleil. Il était juste en face de moi et ses rayons tombaient directement sur nous deux. Ishta n'était pas du tout protéger contre eux ! Ishta était habillé comme moi. Il était vêtu de la même manière que n'importe quel mortel. Je compris enfin. Je regardai de nouveau Ishta dans les yeux.

 

«Tu m'as menti ! M’exclamai-je.

 

-Et oui petite sœur… Je t'ai menti. Tu n'es pas la seule. Tout comme toi, je peux aller dehors et profiter du soleil, sans courir le moindre risque. Tu vois, nous sommes pareils toi et moi.

 

-Pourquoi m'as-tu menti ?

 

-Tu le sais très bien petite sœur.

 

-Parce que cela t’amuse. Tu adores cela n'est-ce pas… Tout comme…

 

-Toi, finit-il à ma place. Je te l'ai dit. Nous sommes semblables toi et moi. Tu ne peux rien y faire.

 

-Je ne suis pas comme toi ! M’exclamai-je.

 

-En es-tu vraiment sûre ? Mes pouvoirs sont tes pouvoirs. Tes pensées sont mes pensées. Nous sommes pareils toi et moi et tu sais pourquoi ?»

 

Je ne répondis pas.

 

«Parce que nous sommes les deux derniers Gardiens et parce que nous sommes jumeaux. Je t'attends depuis si longtemps Ahélya.

 

-C'est faux ! Criai-je.

 

-C'est vrai.» contra-t-il d'une voix calme.

 

Je décidai de détourner la conversation.

 

«Où est Shiva ? Lui demandai-je.

 

-Je ne te le dirai pas Ahélya. Shiva est mon jouet. Maintenant, je peux faire tout ce que je veux de lui.

 

-Comment as-tu découvert qu'il était…

 

-Le Premier de tous les Vampires, m'interrompit-il. Après mon initiation, je me suis enfui… Tout comme toi… ainsi que nous le faisons tous… Mais j'ai fini par revenir. Peu de temps après que je sois revenu, il y a eu une autre cérémonie d'initiation. J'ai surveillé les coupes de sang et j'ai vu.

 

-Cela ne te prouvait nullement ce qu'il était, répliquai-je.

 

-En effet mais les visions m'ont aidé. J'ai moi aussi ce pouvoir tout comme toi.

 

-Tu avais pourtant dit à Gwen que…

 

-Ne crois pas tout ce que l'on te dit.»

 

Ce fut à son tour de détourner la conversation.

 

«Ne trouves-tu pas que les visions sont très utiles petite sœur ? Hélas, elles ont un petit inconvénient…

 

-Quel est-il ?

 

-Tu es trop curieuse petite sœur.»

 

Il approcha son visage du mien et il m'embrassa sauvagement. Le baiser dura plusieurs minutes. Malgré sa violence, j'aimais ce baiser. Ishta m'avais mise dans une rage folle. Je lui mordis la lèvre puis goûtai son sang. Il était délicieux. Le Gardien s'écarta de moi. Du sang coulait de ses lèvres. Ce sang que je venais de goûter, j'avais envie de le boire. J'en voulais encore. Cette fois-ci, ce fut moi qui approcha lentement ma bouche de la sienne. Je léchai lentement le sang qui coulait puis fis le contour de ses lèvres avec ma langue. Ishta ferma les yeux. Il aimait cela. Contrairement au premier, ce baiser ne fut pas aussi violent et il ne tarda pas à l'approfondir. Plusieurs minutes délicieuses s'écoulèrent. Les Vampires ne possédant aucun souffle, ce baiser aurait pu durer des heures. Ishta y mit fin. Il me mordit de la même manière que moi puis il s'écarta légèrement de moi.

 

«Nous sommes quitte maintenant petite sœur.» murmura-t-il doucement.

 

Ses lèvres entrèrent de nouveau en contact avec les miennes. Il se colla contre moi et commença à descendre la fermeture éclair de mon blouson en cuir et je ne l'en empêchai pas. Au plus profond de moi, je savais que j'étais en train de tromper Vlad et même si j'avais des remords, je ne voulais pas arrêter Ishta. Je n'en avais pas la moindre envie. Les Vampires vivent l'instant présent. Nous agissons à l'instinct et celui-ci est plus fort que tout. Mon instinct de Vampire recherche le désir et le plaisir. Je ne pouvais pas lutter contre Ishta à cause de ça.

 

«Tu es magnifique.» souffla Ishta contre ma gorge.

 

A quel moment sa tête avait-elle dérivé jusqu'à mon cou ? Je ne le savais pas mais ses lèvres sur ma peau étaient un pur plaisir. Je lui répondis par un gémissement. Mes mains s'insérèrent sous sa chemise. J'étais en train de lui caresser le torse. Ishta descendit encore plus bas. Quel étrange spectacle nous devions donner ? Moi, appuyée contre cette vitrine, la tête rejetée en arrière et Ishta à genoux devant moi. Il était en train d'ouvrir la braguette de mon jean et je ne protestai toujours pas. Pardonne moi Vlad!

 

«J'adore ta lingerie.» murmura Ishta.

 

Je sentais sa bouche sur mon ventre. Il continua de me déshabiller. Et si quelqu'un vient Ishta ?

 

«Il est encore bien trop tôt pour que les gens sortent. Nous sommes seuls. Rien que toi et moi petite sœur.» répondit-il en retrouvant mes lèvres.

 

Il inséra sa main entre mes cuisses et commença à me caresser. Oh mon Dieu ! Cet homme était si expert dans ses gestes. Je ne pouvais pas lui résister et je n'avais pas la moindre envie de le faire. Je l'embrasser à pleine bouche. A mon tour, j'ouvris son pantalon. Il me souleva. Ma poitrine se retrouva alors à la hauteur de sa bouche. Je nouai mes jambes autour de ses hanches. Sa langue caressa lentement ma poitrine. Je me mordis les lèvres pour réprimer un gémissement de plaisir. Mon sang coule de nouveau. Ishta m'embrassa sur la bouche pour le boire. J'avais tellement envie de lui. Le plaisir avait bel et bien remplacé les remords. Vlad n'était plus qu'un vague souvenir. J’étais en train de coucher sans vergogne avec mon pire ennemi et j'aimais ça… Ishta murmurait mon nom contre ma poitrine. Nous gémissions en chœur.

 

«Je suis sûre que ton petit mortel ne t'a jamais donné autant de plaisir.» déclara soudain Ishta sur un ton méprisant.

 

Je redescendis enfin sur terre. Ishta… Il était mon ennemi ! Faisant appel à toute ma force de Vampire, je le repoussai loin de moi. J'aurais voulu qu'il disparaisse et qu’avec lui disparaisse de ma mémoire ce qui venait de se passer mais c’était impossible. Je le savais déjà.

 

Il alla s'écraser contre la vitrine du magasin qui se trouvait de l'autre côté de la rue. Cette dernière explosa… Au sens littéral. Je remis rapidement mes vêtements mais je sentais encore sa bouche contre la mienne, ses lèvres sur ma peau, ses mains en train de me caresser… Le plaisir que tout ceci m'avait procuré. Plus de plaisir qu'avec Vlad… Il avait raison. Je haïssais cet homme, ce Vampire. Mais qui pouvais-je haïr le plus ? Réalisai-je soudain. Lui ou moi ?

 

Ishta se releva. Il rajusta sa tenue. Il se rapprocha ensuite de moi. J'étais en colère… Très en colère mais plus contre moi que contre lui. Je sentis le temps se rafraîchir. Un orage se préparait. Ishta leva la tête. Le ciel était déjà en train de s'obscurcir. Shiva avait raison. Je devais à tout prix apprendre à contrôler ce pouvoir. Malgré le temps écoulé, je n'y arrivais toujours pas. Mais qu'est-ce qui cloche chez moi bon sang !

 

«Le temps, murmura Ishta. Je suis certain qu'il s'agit de ton pouvoir préféré mais aussi de ton pouvoir le plus puissant. Ai-je tort Ahélya ?

 

-Je te hais !» m'exclamai-je.

 

A la vitesse de l'éclair, il revint se coller contre moi. Je formai dans mon esprit le visage de Vlad. Je ne devais pas l'oublier. Je me concentrai dessus. Je me répétai intérieurement son prénom. Je faisais défiler nos souvenirs communs. C'était le seul moyen qui me permettrait de résister à Ishta. La bouche du Vampire était presque contre la mienne.

 

«Tu peux me haïr autant que tu veux ma belle. Je m'en fiche. De toute façon, cela ne te fera jamais oublier qu'il y a à peine deux petites minutes, tu gémissais de plaisir dans mes bras.

 

-J'ai encore beaucoup à apprendre sur la manipulation Ishta. C'est aussi simple que cela.

 

-Oh non chérie… Tu étais consentante si je me souviens bien. Tu as répondu à mes baisers et à ma passion. Avoue-le. Tu en avais envie autant que moi petite sœur.

 

-C'est faux.»

 

Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres. Je savais qu'il avait raison comme il savait que j’étais en train de lui mentir. Il ne m’avait pas le moins du monde forcée. J'en avais eu envie autant que lui, c'était vrai. Je me détestais et je me dégoûtais. Je pris alors une importante décision… Dès que tout ceci serait fini, je ferais en sorte d'éloigner Vlad de moi. C'était la seule solution. Même si je le voulais, je ne réussirais jamais à changer. Même pour lui. Même pour l'homme que j'aimais. Je me mis à détester ce que j'étais devenue.

 

« Cela fait mal n'est-ce pas, murmura Ishta la bouche contre ma tempe. C'est lui qui t'a fait ça. C'est à cause de lui que tu es comme ça. Rejoins-moi Ahélya. Nous serons les maîtres de ce monde. Nul ne pourra nous résister… Pas même le Premier.

 

-Jamais.»

 

Il m'embrassa et s'éloigna de moi. Il souriait et je savais pourquoi. Je n'avais même pas réussi à réprimer le frisson de plaisir qui avait parcouru ma peau au moment où j'avais senti ses lèvres sur les miennes. J'avais encore envie de lui. Je devais pourtant résister à ce désir. Ishta plongea en une rapide révérence.

 

«Très bien, me dit-il, tu as fait ton choix. Mais souviens-toi petite sœur… Les apparences peuvent être trompeuses.»

 

Il y eut comme un bruit d'explosion. Une chauve souris s'envolait à tire d'aile d'ici. Ishta… Nous pouvions donc bien nous transformer en animaux nocturnes.

 

«Et je devrais te croire !» criai-je à l’adresse de l’animal.

 

Je courus à la poursuite de la chauve souris mais la chasse ne fut pas longue. Je dus bientôt me contenter de la suivre du regard. Elle entra par l'une des fenêtres du château de Dracula. Je décidai d'aller là-bas cette nuit. A nous deux Ishta ! Que le duel commence ! Je t'en fais la promesse mon cher Gardien… C'est moi qui gagnerai.

 

Je jetai un rapide coupe d’œil à la vitrine avant de partir. Je fus soudain prise de nausée en me rappelant ce qui venait de s'y passer. J'allais rejoindre Gwen. Je devais lui dire ce que j'avais décidé. Mais si jamais elle me demandait de quelle manière j'avais obtenu ces informations, je ne répondrais pas. De toute façon, la prêtresse ne m'interrogerait pas… elle croyait que j'étais la Gardienne, elle devait donc m'obéir. Personne ne devait savoir ce qui s'était passé entre Ishta et moi. Ce secret s'ajouterait à l'autre.

 


 

«Où sont les autres ? Me demanda Gwen en entrant à l'intérieur de ce que les autres Vampires avaient fini par baptiser l'antre de la Gardienne.

 

-Partis se nourrir, répondis-je.

 

-Par ce temps ! s'exclama la prêtresse. Ils sont fous ! Il pleut des cordes et le vent est très violent.»

 

Elle n'avait pas tout à fait tort j'en ai bien peur. Depuis trois jours, il n'avait pas cessé de pleuvoir. On n'avait jamais vu une telle tempête et elle n'était pas prête de s'arrêter. Quelque chose au plus profond de moi me disait que je n'étais pas étrangère à ce phénomène. De plus, Gwen m'avait interdit de tenter une incursion dans les murs du château de Dracula par ce temps de chien. Malgré mes prières, mes ordres, je n'avais pas réussi à la faire changer d'avis. J'avais pourtant essayé de faire revenir le soleil mais je n'y arrivais plus. Tous mes pouvoirs se trouvaient comme court-circuités et je ne savais pas pourquoi. Il ne me restait plus que les pouvoirs des simples Vampires… La force, la vitesse, les sens surdéveloppés. Mais tous les dons particuliers que j'avais reçus lors de ma transformation semblaient s'être envolés. Ce n'était pas tout. Les pouvoirs que j'avais conservé étaient aussi moins puissants qu'avant.

 

Je n'étais pas sortie de mon antre depuis qu'Ishta et moi avions… Je me levai brusquement du divan sur lequel j'étais couchée comme si je voulais éloigner ce souvenir de mon esprit. Je me dirigeai vers une table sur laquelle se trouvait tout un assortiment d'armes blanches. Gwen s'assit sur le divan que j'occupais quelques secondes plus tôt.

 

«Il faut que tu sortes te nourrir.» me dit-elle d'un ton inquiet.

 

Trois jours sans sortir… Trois jours pendant lesquels je n'avais pas bu la moindre goutte de sang et pourtant, je n'avais pas soif. J'effleurai de la main le fourreau de mon poignard posé sur la table. Je sentis soudain les mains d'Ishta sur ma peau, ses lèvres tout près de mon oreille. Trois jours… Et je me demandais comment je faisais pour ne pas devenir folle. Je me demandais comment je pouvais tenir. Trois jours qu'il me torturait de cette manière ! Je le sentais en permanence à mes côtés. J'allais finir par devenir folle ! Je devinais qu'il était en train de s'agenouiller derrière moi en parcourant mon dos avec sa langue. A la vitesse de l'éclair, je sortis le poignard de son fourreau et je le lançai de toutes mes forces.

 

«Laisse-moi !» criai-je.

 

Le poignard effleura Gwen et alla se planter dans la porte de bois sur laquelle j'avais dessiné Ishta. Le dessin que j'avais fait était vraiment des plus fidèles. C’était étrange puisque je n'avais jamais eu ce talent de mon vivant. Encore une chose qui avait changé ! Ma vision était plus développée, la conscience de mon espace et le contrôle de mes gestes eux aussi. Voilà pourquoi j'étais capable de faire des dessins aussi ressemblants maintenant. Je lançai ensuite tous les poignards, haches et couteaux qui se trouvaient sur la table en me représentant mentalement Ishta. Les coups de langues dans mon dos finirent par cesser. J'entendis soudain un immense cri de douleur. Je me pris la tête à deux mains et je m'accroupis.

 

«Sors de ma tête. Sors de là Ishta. Je t'en supplie ! Laisse-moi tranquille.»

 

Je pleurai. Je poussai à mon tour un grand cri de souffrance. Ma chemise blanche était en train de se tâcher de sang au niveau du cœur. Je m'écroulai par terre. Une deuxième tâche de sang apparut au niveau de l'abdomen… Et puis d'autres encore. Gwen se précipita vers la porte et en retira le plus rapidement possible tout les armes que je venais de lancer. Ses yeux étaient brillants de colère contenue. Soudain, elle éclata.

 

«Au moins, vous avez trouvé comment vous blesser mutuellement tous les deux !» cria-t-elle.

 

Elle s'approcha de moi puis s'accroupit à mes côtés. La prêtresse me prit violemment par le poignet. Elle serra.

 

«Ce n'est pas comme cela que tu réussiras à sauver Shiva Ahélya !»

 

Elle lâcha ma main et se releva. On aurait dit que mon comportement l'exaspérait.

 

«Ahélya… Cette affaire est en train de devenir une vengeance personnelle pour toi. Oublierais-tu que si tu le tues, tu meures toi aussi. Nous avons besoin de toi Ahélya. Nous avons besoin des Gardiens. Il existe d'autres moyens pour l'empêcher de nuire.

 

-Je ne risque rien.» grommelai-je.

 

C'est la vérité. Je ne risque rien… Puisque je ne suis pas la Gardienne, complétai-je en mon fort intérieur. Ce n'est pas moi que Shiva a choisi. Je me demandais parfois où pouvait être la ou le vrai Gardien.

 

Je me relevai enfin. Toutes mes blessures avaient disparues. Seules les tâches rouges sur mes vêtements pouvaient témoigner de ce qui s'était passé. Je me dirigeai vers la table. J'ai besoin d'un verre ! Je me servis un verre. Depuis que j'avais couché avec Ishta, je m'étais mise aux alcools forts et tout y passait. Gwen m'arracha le verre des mains avant que je puisse boire une gorgée d'alcool et le jeta loin de moi. Elle était en colère.

 

«Et te soûler n'arrangera pas le problème !» s'exclama-t-elle.

 

Techniquement, c'était impossible. La seule chose qui pouvait peut-être soûler un Vampire c'était le sang. L'alcool… Autant boire du lait ! Cela ne nous a jamais fait aucun effet, à part brûler la gorge.

 

«Fiche-moi la paix Gwen.» répliquai-je avec lassitude.

 

Je filai vers le divan qui se trouvait dans un coin de la pièce. Je me couchai dessus puis posai un tissu noir sur mes yeux. J'en avais marre de tout cela. Pourquoi ne me laissait-elle pas tranquille ?

 

«Pas question !» contra la prêtresse.

 

Mais fiche-moi la paix ! Elle s'approcha du divan et s'accroupit à côté de celui-ci. Je sentais son regard posé sur moi. Elle me scrutait attentivement… Comme si elle cherchait à savoir ce que je cachai. C'était impossible. Les Vampires ne sont pas télépathes… Sauf entre jumeaux.

 

«Tu as vu Ishta.» déclara-t-elle soudain.

 

J'arrachai le tissu nouer de mes yeux. J'attrapai la prêtresse par le poignet puis le lui tordis. Avant que je ne puisse lui ordonner de se taire, elle ajouta :

 

«Oh oui, tu l'as vu. Il y a trois jours n'est-ce pas ? Pourquoi ne sors-tu plus ? Aurais-tu peur de le rencontrer de nouveau ?»

 

Peur de lui ! Pas le moins du monde. De ce qui pourrait se passer ? Oui.

 

«Je sais que tu l'as vu il y a trois jours. Ce que j'ignore par contre, c'est-ce qu'il a pu se passer entre vous deux…»

 

Je lui tordis un peu plus le poignet. Je voulais qu'elle se taise. Je voulais oublier ce qui s'était passé ce jour-là, contre cette vitrine. Les incursions d'Ishta dans ma tête suffisaient amplement… Je n'avais pas besoin qu'elle s'en mêle, elle aussi. Mais même si j'étais en train de lui tordre le poignet, la prêtresse poursuivit sa phrase.

 

«Pour qu'à la simple évocation de son nom et de ce jour, tu entres dans de telle colère.»

 

Dehors, la pluie était devenu orage. La tempête avait retrouvé la vigueur de ses débuts. Elle était de nouveau violente et dévastatrice… Comme lorsqu'elle avait débuté. Je serrai le poignet de Gwen et je sentis les os se rompre mais la prêtresse ne poussa aucun cri de douleur. Elle n'allait pas s'arrêter en si bon chemin. Elle avait encore beaucoup de choses à me dire.

 

«Tu sais, poursuivit-elle sur le ton de la conversation, je connais bien les Gardiens. Depuis que je suis devenue Vampire, j'ai transformé beaucoup d'humains… D'abord en Vampire puis en Gardien. Vous possédez toujours un pouvoir qui domine tous les autres.»

 

Elle marqua une pause. Je ne l'avais toujours pas lâchée. J'avais envie de lui crier de se taire.

 

«J'ai bien connu Ishta aussi. Je vais donc te dire quel est le pouvoir qui a toujours dominé son être.»

 

Elle approcha sa bouche de mon oreille et elle montra de sa main libre la fenêtre. Un éclair déchira le ciel. La tempête était en train de redoubler de violence.

 

«C'était le temps… Tout comme toi.»

 

Je lui lâchai enfin la main. J'avais envie de hurler que je n'étais pas la Gardienne qu'elle attendait, que ce n'était pas moi que Shiva avait choisie, qu'ils s'étaient tous trompés ! L'orage cessa mais la pluie recommença aussitôt. J'en avais marre de tout cela. J'aurais voulu… Mais le soleil ne me détruisait pas. C’était pourtant la façon de mourir la plus simple pour un Vampire.

 

«Je sais aussi, poursuivit Gwen, que les anomalies climatiques de ces trois derniers jours sont ton oeuvre. C'est involontaire bien sûr mais c'est bien toi qui fais tout cela. Je viens d'en avoir la preuve. L'orage a repris de sa vigueur au moment même où tu as commencé à t'énerver. Il faut te reprendre Maîtresse, me supplia la prêtresse. Nous avons trop besoin de toi. Tu ne peux pas nous abandonner maintenant.»

 

Je m'étais rallongée sur le divan et j'avais reposé le tissu noir sur mes yeux. J'entendis Gwen se relever puis se diriger vers la porte. C'est ça Gwen… Part. Je voulais rester seule et elle l'avait enfin compris mais je m'étais trompée sur les intentions de la prêtresse.

 

«Bien, dit-elle, si tu ne veux pas m'écouter, j'espère que tu prêteras une oreille un peu plus attentive à mon invité.»

 

Gwen marque une pause. Elle attendait sûrement une réaction de ma part mais elle ne vint pas.

 

«J'ai appelé Vlad. Il vient d'arriver. Lui, tu l'écouteras peut être.»

 

J'avais précipitamment retiré le tissu de mes yeux et je m'étais enfin sortie du divan. Mais Gwen était déjà partie. J'allai à la porte et je tentai de l'ouvrir mais la prêtresse l'avait fermé à clé. Je voulus la forcer mais la porte était très solide même pour un Vampire et je n'avais pas bu de sang depuis trois jours. Même si je n'avais pas soif, mon corps était plus faible. Je me mis à taper du poing contre la porte.

 

«Laisse-moi sortir Gwen !» criai-je.

 

Mais la prêtresse ne répondit pas.

 

«Laisse-moi sortir ! C'est un ordre !».

 

Toujours pas de réponse.

 

«Laisse-moi sortir, répétai-je plus faiblement en glissant contre la porte. Laisse-moi sortir.»

 

Qu'allais-je faire mon Dieu ? Je ne pouvais pas voir Vlad ! Pas après ce que j'avais fait avec Ishta ! J'avais couché avec le Gardien ! Jamais plus, je ne pourrais regarder Vlad dans les yeux. Je réalisai soudain que Gwen avait raison. Toute cette affaire était bel et bien devenue une vengeance personnelle pour moi. Mais, ce n'était pas la personne à laquelle la prêtresse pensait qui en était l'objet. Je voulais me venger de moi-même. La seule personne que j'avais envie de détruire c'était moi. Le soleil ne voulait pas me faire ce plaisir mais, il existait un autre moyen. Gwen était certaine que si je tuais Ishta, je me tuerais en même temps. Bien ! Si je veux mourir… autant que cela serve à quelque chose n'est-ce pas ?

 

J'avisai le poignard d'argent qui était toujours par terre avec toutes les armes que j'avais lancées sur le dessin d'Ishta. Je le ramassai. J'enlevai ensuite mon chemisier et mon pantalon tâchés de sang et les jetai sur le divan. Je pris dans ma valise un autre pantalon noir et un haut moulant rouge sang. C'était plutôt léger pour la saison mais je ne craignais plus la morsure du froid depuis longtemps. J'en avais même oublié ce qu'avoir froid voulait dire puis je me dirigeai vers la table pour y prendre le fourreau d'argent. Je l'attachai autour de ma taille. J'y rangeais ensuite le poignard. J'enfilai enfin un long manteau en cuir noir puis je me préparai à sortir.

 

 

Je jetai un coup d’œil dehors. La pluie s'était enfin arrêtée. Cela voulait dire que j'avais repris le contrôle de mes pouvoirs. Je serrais les poings. Oui, je sentais de nouveau le pouvoir qu'il y avait dans mes veines. Il était revenu. Mes sens avaient repris leur ancienne acuité. J'entendais au loin Gwen et Vlad approcher de l'antre de la Gardienne. J'avisai une feuille blanche et un stylo sur la table. Je griffonnai rapidement un petit message pour Gwen et Vlad.

 

Ils étaient presque à la porte maintenant. Je me changeai en brume et j'attendis. Lorsque la prêtresse l'ouvrit, je me glissai dehors sous cette apparence. Ils ne me virent pas. Toujours transformée en brouillard, je me dirigeai vers le château de Dracula. Le message que j'avais laissé à Gwen et à Vlad s'inscrivait de nouveau dans ma tête.


 

Tu as raison Gwen, je veux me venger mais pas de la personne à laquelle tu penses. Ce qui s'est passé entre Ishta et moi restera un secret entre lui et moi. S'il ne l'a pas encore divulgué, c'est que lui aussi désire que cela reste un secret.

 

 

Salue Vlad pour moi et dis lui de repartir. Je ne mérite pas cet homme Gwen.

 

Tu as réussi à me secouer. C'est-ce qu'il fallait faire. Mais à un moment, j'ai cru voir de la peur dans tes yeux. Je crois avoir compris de quoi il s'agissait. N'aie plus peur de ce que tu as lu en moi Gwen. Oui… J'ai compris que tu avais trouvé la ressemblance qu'il y avait entre Ishta et moi. Tu as réussi à voir cette folie et cette colère qu'il y a en nous deux. De mon vivant, je me suis toujours cachée derrière une apparence de petite fille sage. Après tout ce qui s'est passé, je ne peux plus le faire. Je ne suis plus une petite fille maintenant.

 

Tu as sans doute dû comprendre ce que je suis allée faire maintenant. Oui Gwen, je suis partie le tuer.

 

Ma chère amie, quand tu créeras un nouveau Gardien, fait en sorte qu'il ne s'enfuit pas. Ishta et moi avons tous les deux souffert de cela. Je le sais et je le sens. Nous avons tous les deux soufferts de cette solitude, de ne pas savoir ce que nous étions et pour quelle raison on nous avait fait cela. Un Vampire a toujours un maître normalement. Pourquoi laisser les Gardiens se débrouillaient seuls ? Nous ne sommes pas si différents des autres Vampires. Le pouvoir et la puissance ne sont pas tout et cela ne m'a apportait aucune réponse en y réfléchissant bien et malgré tout ce qui s'est passé, je ne sais toujours pas ce que je suis. J'ignore encore pourquoi je suis devenue ce que je suis. Je pense qu'Ishta est dans le même état d'esprit. Mais contrairement à lui, j'ai peut-être mieux accepté cette absence de réponse.

 

Gwen, je te promets de ne le tuer que si cela est nécessaire. Si je dois mourir, je préfère que cela soit parce que j'ai voulu empêcher la folie d'un homme de contaminer et de détruire ce monde que j'aime tant.

 


 

Avec tout mon amour.

 


 

A. D.

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