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Un capharnaüm dans ma tête
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13 novembre 2009

Gardienne : chapitre 17

Chapitre n°17 : Explications


Nous cheminions en silence. Du moins… Ishta et moi, nous cheminions sans échanger la moindre parole derrière mes amis. Devant nous par contre… Les discutions allaient bon train. Même s’ils parlaient à voix basse, j’entendais tout ce qu’ils pouvaient dire. Jérémie, le petit copain d’Éva, avait pris la parole. Il semblait très paniqué.

« Il faut s’enfuir. »

Silence.

« Il a raison ! Intervint soudain Peter. Ce sont des Vampires ! Tous les deux. Ils boivent du sang humain. Ahélya aussi ! Ils vont finir par nous tuer. Ils ne peuvent pas nous laisser en vie alors que nous sommes au courant de leur existence !

-Je ne crois pas, le coupa Jenny. On est en train de parler d’Ahélya là ! Elle ne pourrait pas nous tuer.

-Ce n’est plus celle que tu connais. C’est une Vampire ! » Répéta Peter.

Il criait presque en disant cela. Lui qui gardait le silence d’habitude. Je ne l’avais jamais entendu prononcer plus de trois mots devant moi. Il pouvait être très bavard lorsqu’il le voulait vraiment en fin de compte.

« En tout cas, je comprends mieux certaines choses maintenant, leur dit Alex.

-Comme quoi ? » Demanda Jess.

Il y eut un nouveau silence mais plus étonné qu’effrayé. Jess reprit la parole.

« Je vous rappelle que je ne la connaissais pas encore l’année dernière ! Alors… Il me semble qu’elle agit comme elle l’a toujours fait. Je ne vois aucune différence. »

Jérémie lui lança un regard dubitatif.

« D’accord… Mis à part le fait qu’elle nous avoue qu’elle buvait du sang humain ! » Ajouta-t-elle.

Personne n’intervint pendant quelques minutes. Mais ce n’était qu’une courte pause dans la conversation.

« Alex a raison, dit Éva. Cela explique pas mal de choses… Ses absences répétées au self, ses soudains silences au moment où nous nous mettions à parler des Vampires.

-Sans oublier sa manière de s’habiller ! » Ajouta Alex.

Il n’y a bien qu’un garçon pour remarquer ce genre de chose… Quoique… J’étais en train de parler d’Alex là. Ils jetèrent tous soudain un regard vers nous… Sauf Marie.

« C’est vrai que ce n’est pas vraiment son style habituel. »  Confirma Ella.

Non…Tu croies ?!

« Qu’est-ce qu’on fait alors ?! S’écria Jérémie.

-On se tire ! répondit aussitôt Peter.

-Tu as encore d’autres idées de ce genre, lui dit Alex sur un ton sarcastique.

-Réfléchis donc pendant cinq petites minutes, ajouta Jenny. Comme tu l’as si bien dit. C’est une Vampire et lui aussi. Ils sont donc mille fois plus rapides que nous.

-Tu as vu ce qu’elle a fait à Alexia, la coupa Diane. Je suis désolée de te dire cela mais je n’ai pas du tout l’intention de finir la soirée dans le même état qu’elle.

-C’est vrai qu’ils sont plus rapide que nous mais ce n’est pas tout, dit Éva. Si les légendes disent vrais, ils sont aussi plus forts et ils possèdent certainement de nombreux pouvoirs. Comment pourrions nous lutter contre cela ? Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais Ahélya… Est capable de faire surgir des éclairs de ses mains.

-Quand je repense à ce qu’elle a fait à Alexia… ça me donne des frissons, chuchota Diane.

-Et quand elle nous a demandé une bouteille d’eau vide pour la remplir avec le sang de cette fille… Elle ne semblait rien éprouver. On aurait dit que cela n’avait aucune importance pour elle, ajouta Ella. Elle nous a demandé de nous retourner et cinq minutes après, le corps avait disparu.

-On a toujours dit qu’on aimerait devenir des Vampires, ajouta Jenny. Mais je ne suis plus sûre de rien maintenant…

-Et l’autre… Ishta, si c’est son vrai nom bien sûr…

-Tu as raison Ella. Si c’est son vrai nom… Mais en tout cas, s’il y a du danger, c’est de lui qu’il viendra, l’interrompit Jess.

-Qu’est-ce qu’on en sait ! s’écria soudain Marie. Vous avez vu ! Ils ont l’air si semblable lorsqu’on les regarde bien… »

Nouveau coup d’œil vers Ishta et moi. Je baissai la tête mais je sentais leur regard posé sur moi. Je sentais aussi celui d’Ishta. Son bras entoura mes épaules.

« Lâche-moi ! » ordonnai-je de mauvaise humeur.

Je n’avais pas envie de sa pitié. Il m’obéit.

« … Et en même temps si différent, ajouta Marie en tournant la tête. Vous avez peut-être raison. S’il y a du danger, il viendra de lui. De personne d’autre. Enfin j’espère.

-Ils ont l’air si proches. Je me demande ce qu’il y a entre eux.

-Voyons Alex… Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir entre deux Vampires ?

-Je n’aurais jamais cru cela d’Ahélya. »

Cette phrase de Jérémie m’aurait faite sourire en d’autres circonstances. J’aimerais tant effacer de leur mémoire ce qu’il viennent de voir.

« Et vous avez vu… quand elle a fait… cette… cette chose à Alexia… les visages qu’ils avaient. Tous les deux ! s’exclama Peter.

-Tu as raison, ajouta Jérémie. On aurait dit qu’il ressentait les mêmes sentiments qu’Ahélya.

-Et quand il l’a blessé à la main ! Il lui est arrivé la même chose, le coupa Jess.

-Je ne sais pas ce que vous en pensez mais… Ahélya semble avoir tellement changé. Est-elle toujours celle que nous connaissions ? »

Je gardai la tête baissée. Je croisai les bras comme si je voulais me protéger de ces paroles. Des larmes de sang coulèrent sur mes joues. Je m’arrêtai pour essuyer mes larmes. Ishta avait fait de même. Il s’approcha de moi pour essuyer mes larmes avec son mouchoir.

« Il est déjà couvert de sang Ishta.

-Désolé. »

Son bras s’insinua sous mon manteau pour le passer autour de ma taille. Je ne le repoussai pas cette fois-ci. Il me comprenait. J’avais tellement besoin de lui. Surtout en ce moment. Il se pencha vers moi et chuchota :

« Ne t’inquiète pas. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Ils finiront bien par accepter ce que tu es.

-Même si c’était le cas… Cela n’effacera jamais ce que j’ai entendu comme rien n’effacera ce qu’ils ont pu voir ce soir. »

Nous nous remîmes en marche en silence. Devant nous, par contre, c’était toujours le contraire. Il n’y avait pas une seule seconde de silence. Même quand ils jetaient un regard furtif vers nous, ils continuaient de parler. Seule Marie restait silencieuse. Ishta leva la tête pour la regarder attentivement.

« Elle se souvient que tu la mordues, murmura-t-il.

-Comment le sais-tu ?

-Je ne sais pas. Peut être l’ai-je vu dans ton esprit. Nous sommes sans doute en train de nous rapprocher. »

Je ne répondis pas tout de suite.

« Crois-tu, demandai-je, que nous pourrons être aussi proche qu’avaient l’air de l’être Olympe et Nirty.

-Je ne sais pas. En tout cas, je sais que l’on s’entend très bien sur un point! »

Cela me fit sourire. Je lui donnai une petite tape amicale.

« Sérieusement, ajouta-t-il,… Je n’en ai aucune idée. Tu sais, c’est aussi étrange pour toi que pour moi. J’ai toujours été seul…

-Et Léo ? Le coupai-je.

-En fait, j’ai toujours cherché à me détacher de ceux qui m’aimaient. J’aime mon fils Ahélya. Je serais capable de donner ma vie pour le sauver mais…

-Je comprends.

-C’était la même chose avec les autres Gardiens. J’étais le seul qui ne se consumait pas à la lumière du soleil. Même si certaines rumeurs disaient que Saëlle et Maek en était capable eux aussi.

-Qui ?

-Il s’agit des deux premiers Gardiens.

-Ah ! »

J’ignorais encore tellement de chose sur ce nouveau monde dont je faisais maintenant partie. Mais il me semblait que j'avais lu ces noms dans le journal qu'avait écrit Ishta il y avait trois mille cinq cents ans et qui se trouvait maintenant dans les archives du Clan.

« Tu sais quel est notre problème Ishta… »

Je marquais une pause de quelques minutes avant d’ajouter.

« Nous avons beau être des Vampires, nous sommes différents du reste de notre espèce. Cette capacité que nous avons… Pouvoir aller au soleil… C’est comme si nous avions un pied dans chaque monde, celui des immortels et celui des humains. C’est peut-être pour cette raison que nous n’arrivons pas à trouver notre place. »

Je m’étais arrêtée. Ishta aussi. Je nouai mes bras autour de son cou. Il noua les siens autour de ma taille.

« Ton fils aura certainement le même problème quand il grandira.

-Sans doute Ahélya mais moi… J’ai trouvé ma place. Je ne fais plus partie de leur monde depuis longtemps. Ils croient que je suis l’un des leurs alors que… J’attends juste le bon moment pour les tuer. J’ai trouvé ma place. Elle est à tes côtes. »

Pouvais-je réellement croire ce qu’il venait de dire ? Nous échangeâmes un baiser plein de tendresse pour nous rassurer mutuellement. Même si je perdais le soutien de mes amis et si Ishta perdait l’amour de son fils, il nous resterait toujours ce qu’il y avait entre nous, ce lien intemporel qui avait été tissé entre nous par nos esprits jumeaux. Notre baiser scella peut être notre union d’homme et de femme mais elle n’éteignit pas la guerre entre les deux Gardiens. Tout en l’embrassant, mes mains se glissèrent sous son manteau pour aller à la recherche de son poignard. Prendre ce poignard… le signe de notre caste, c’était peut être le moyen le plus sûr de le déstabiliser. J’avais réussi ! J’avais son poignard. D’un bond en arrière, je m’éloignai de lui. Mais… il avait fait de même. Dans ma main, il y avait son poignard et dans la sienne… le mien. Nous nous étions mis en position de combat. Nous étions prêts à nous battre l’un contre l’autre mais en voyant nos poignards respectifs dans la main de l’autre, nous abandonnâmes cette position. Nous avions eu la même idée et en même temps ! Cela ne nous était jamais arrivé auparavant. Mes amis s’étaient, eux aussi, arrêtés. Ils nous regardaient interloqués. C’est alors que…

« Ishta, appelai-je.

-Ahélya. » Appela-t-il au même moment que moi.

Je lui envoyai rapidement son poignard tandis qu’il me lançait le mien. Avec un synchronisme parfait, Ishta l’attrapa en même temps que moi. Agissant en parallèle, nous regardions de tous côté.

« Tu les sens toi aussi n’est-ce pas ?

-Bien sûr Ishta… Ils sont plus discrets d’habitude. A ton avis, viennent-ils en amis ou en ennemis ? »

Même si les mortels ne possèdent pas notre instinct, ils sentent le danger tout aussi bien que nous. Ils arrivent rapidement à comprendre que quelque chose ne va pas. C’est-ce qui était en train de se passer produire chez mes amis. Instinctivement, ils s’étaient rapprochés de nous. Ils étaient conscients que nous étions les seuls à être en mesure de les protéger efficacement. Toutes leurs interrogations avaient cessés. Il n’y avait plus que la peur de ce qui se rapprochait. La seule solution qu’ils avaient… C’était de nous faire confiance.

« Qu’est-ce qui se passe ? » nous demanda Marie.

Je ne répondis pas. Ishta prit la parole mais pas pour donner une réponse à l’interrogation inquiète de Marie.

« Croies-tu qu’il sera avec eux ?

-Je n’en ai pas la moindre idée Ishta. »

Je tournai la tête vers mes amis. Nous devions les mettre au courant. Je leur dis :

« Vous ne courez aucun danger. C’est nous qu’ils veulent.

-Mais de qui parles-tu bon sang ! » S’écria Éva.

C’est Jenny qui comprit la première quel pouvait être le problème.

« Humains ou Vampires ? demanda-t-elle.

-Ni l’un, ni l’autre, lui répondit Ishta. Ce sont des chasseurs. »

Alex prit un air rêveur. Je savais exactement à quoi il pensait. J’allais devoir détruire toutes ses illusions.

« Ne rêve pas, lui dis-je. Ce n’est pas aujourd’hui que tu pourras rencontrer… »

Je me tus. L’odeur est beaucoup plus forte maintenant. Ishta avait tourné la tête. Il avait repéré les chasseurs. Il s’approcha de moi et me tendit la main. Je savais parfaitement ce qu’il voulait.

« Associés ? » me demanda-t-il simplement.

Je lui serrai la main.

« Associés. » répondis-je en souriant.

Il n’eut pas le moins du monde besoin de me dire son plan. Je le savais déjà. Quelque chose venait de se passer entre nous deux et cette chose semblait avoir augmenté la puissance de notre connexion psychique. Cependant, elle n’atteignait pas encore sa puissance maximale, celle que nous avions connu au moment où nous nous étions transmis nos pouvoirs. Non, ce n’était pas du tout cette union si complète que j’avais ressenti lorsque je lui avais donné mes pouvoirs.

« Il faut que vous partiez, dis-je à mes amis.

-Pourquoi ? demanda Ella. Tu viens de nous dire que nous ne courrions aucun danger.

-Mais vous le serez en restant avec moi. Je refuse une telle chose. »

Ils ne bougèrent pas.

« Nous ne pouvons pas te laisser seule !

-Merci Alex mais je ne suis pas seule. Il y a Ishta pour m’aider.

-Mais…

-Il n’y a pas de mais ! Partez ! » Ordonnai-je.

Une brusque rafale de vent les éloigna de moi. Ishta quant à lui se rapprocha. Il ne voulait pas qu’ils entendent ce qu’il allait dire.

« Ils arrivent Ahélya.

-Je le sais bien.

-On pourrait vous aider. » Dit Jérémie.

Je me mis à rire. Sa proposition me touchait beaucoup mais… vu comme il sentait la peur, il n’allait pas nous être très utile.

« Vous ne pouvez pas lutter contre eux. Même les Vampires normaux ne peuvent pas leur échapper sans notre aide.

-Les Vampires normaux ? Mais de quoi es-tu en train de parler Ahélya? Me questionna Jenny.

-Je ne crois pas que cela soit vraiment le moment idéal pour s’expliquer… » Commença Ishta.

Il avait raison ! Je sentais quelque chose d’autre. C’était étrange… J’avais déjà senti cela auparavant. Je regardai Ishta. Il semblait très inquiet. Je savais qu’il sentait la même chose que moi.

« A terre !!!! » hurlai-je soudain.

Je me précipitai vers mes amis. Une colonne de flamme était en train d’arriver sur nous. Je n’avais plus le temps de l’éviter maintenant. Je n’avais qu’une chose à faire. Sauter ! Je crois qu’Ishta a fait de même. Lorsque je retrouvais la terme ferme, je pu voir que mes amis étaient sains et saufs. Ils étaient allongés par terre et commençaient tout juste à se relever.

« Et les pieux ?! S’écria Jess.

-J’ai fait la même réflexion lorsque je les ai vu pour la première fois, dis-je malicieusement.

-Ce n’est pas le moment de plaisanter Ahélya ! Me rappela à l’ordre Ishta. Il faut qu’ils partent ! Tu ne pourras te battre sérieusement tant qu’ils seront là. Tu as bien failli y passer en te précipitant vers eux tout à l’heure.

-Toi aussi, tu ne pourras pas te battre tant qu’ils seront là. » Répliquai-je.

Si j’étais affectée par la présence de mes amis, il en irait de même pour Ishta. Cette connexion psychique n’avait peut être pas que des avantages en fin de compte. J’avais dit à mes amis qu’ils ne couraient aucun danger mais c’était faux s’ils restaient avec nous. Si le Clan arrivait jusqu’à nous, il ne ferait pas la différence entre moi, Ishta et mes amis. Ce qui venait de se passer en était la preuve flagrante.

« Partez, répétai-je. Ishta et moi sommes suffisamment forts pour les contrer. Nous nous retrouverons chez Jess.

-Mais… Tu ne sais même pas où j’habite !

-On vous retrouvera à l’odeur ! » Criai-je tandis que je m’élançais à la suite d’Ishta.

Nous parcourûmes en courant plusieurs mètres. En humant l’air, nous découvrîmes que le Clan nous suivait. Tant mieux ! Nous aboutîmes à un champ plat, un lieu parfait pour nous battre.

« Tu es prête ? Me demanda Ishta.

-A ton avis ?

-Je parie que tu l’es tout autant que moi. »

Je souris. Le groupe du Clan arrivait vers nous. Ils débouchèrent enfin dans le champ dix bonnes minutes après que nous y soyons arrivés. Ishta avait mis un genou à terre. J’étais restée debout, les bras croisés.

« Bonsoir. » leur dit Ishta en souriant.

On se serait cru dans un salon mais pas pour longtemps. Ce fut un massacre ! Nous tuâmes la majorité des membres de la petite équipe en une seule attaque. Les autres avaient pris la fuite. Nous les rattrapâmes rapidement et nous continuâmes le massacre. Il ne resta bientôt plus qu’un seul membre du l’équipe qu’avait envoyé le Clan. Ishta agrippa le survivant par le col et dit :

« Va voir ton chef et répète-lui bien ce que je vais te dire. Si le Clan s’attaque encore, une seule fois, aux Gardiens, la guerre ne sera plus entre Vampires. Nous nous retournerons contre vous.

-Tous les Vampires se réuniront sous les ordres de leurs Gardiens et il y aura une guerre contre les mortels. Ils ne gagneront certainement pas, ajoutai-je.

-Dis-lui aussi qu’il y aura de nouvelles négociations. S’il ne veut pas… Cela sera la guerre. »

Ishta le lâcha. Il s’enfuit à tout jambe. Je le regardais faire en souriant. C’était incroyable. J’adorais cela… Les sentir en mon pouvoir. J’étais si puissante, bien plus qu’eux… Cela me fit soudain peur. Le bruit que fit Ishta en retirant son poignard de l’un des cadavres me sortit de ma rêverie. Il revint vers moi en le glissant dans le fourreau. Il me prit la main.

« Tu te bats bien. » jugea-t-il.

Il me fit un baise main. Il faut croire que c’était une manie chez lui. Je détournai les yeux. Son regard me gênait. Il a toujours eu une manière de me regarder… Toutes les femmes aimeraient être regardée ainsi. J’ai toujours l’impression que je suis la seule femme sur cette terre lorsqu’il me regarde. Il n’y a plus que nous deux. Il fallait bien se rendre à l’évidence. Je l’aimais mais j’ignorais quels pouvaient être ses sentiments pour moi. Il m’aimait… C’est certain mais à sa manière. Il m’arrivait tout de même de le détester lorsque je repensais à ce qu’il avait fait mais son regard avait le pouvoir de me le faire oublier. Si je n’avais pas su que c’était impossible, j’aurais cru qu’il m’hypnotisait.

« Surtout que je n’ai jamais appris à me battre, avouai-je. Je ne comprends toujours pas comment mais j’arrive à me battre…

-Aussi bien que moi, me coupa-t-il.

-Presque aussi bien, rectifiai-je. Tu en sais certainement beaucoup plus que moi.

-Ce que je sais de plus, je l’ai appris grâce à mes trois mille cinq cents ans d’une vie vouée à la protection des Vampires. »

Trois mille cinq cents ans d’une vie vouée à la protection des Vampires… Mais…

« Gwen m’a dit que tu avais refusé, que tu n’avais jamais assumé tes fonctions de Gardien. »

Cette remarque le fit ricaner.

« Je n’en attendais pas moins de cette chère Gwen. Tu veux la vérité Ahélya. Je n’ai pas seulement développé ce que ma nature de Gardien m’avait donné pendant tout ce temps. J’ai aussi appris à me méfier des prêtres. »

Il commença à s’éloigner de moi. Je le rattrapai.

« Où est-ce que tu vas comme cela Ishta ?

-Tu le sais très bien. Rejoindre tes amis. Tu ne croies pas qu’ils ont besoin d’explications. »

Si je pouvais m’en passer, j’en serais très heureuse.

« Tu sais très bien ce que j’en pense.

-Cela ne sert à rien de fuir petite sœur. Allons-y. »

Il me tendit la main. Je la prix. Nous arrivâmes très vite à l’endroit où nous avions laissé mes amis. Ils n’étaient plus là. J’étais heureuse de voir qu’ils nous avaient obéis. J'humai l’air. Je ne mis pas longtemps à retrouver leur piste. Ishta me laissa le guider.

Le soleil commençait tout juste à se lever lorsque nous arrivâmes en vue de la maison de Jess. Le portail était haut et fermé à clé. Nous sautâmes par-dessus.

Arrivés près de la maison, je me préparai à frapper contre l’un des volets lorsque j’entendis.

« Je suis inquiète. » disait Ella.

Je suspendis mon geste.

« Qui nous dit qu’ils ne sont pas mort tous les deux ?

-Ella, ce sont des Vampires, lui rappela Alex.

- De plus, d’après ce que nous avons vu et ce qu’ils ont dit, ils ont l’air d’être particulièrement forts, ajouta Jenny. Je parlais autant du point de vue physique que de leurs pouvoirs.

-Arrêtez cinq minutes ! s’écria Ella. Vous n’avez pas cru ce qu’ils vous ont dit quand même ! »

La réaction d’Ella ne m’étonnait pas. Elle n’aimait pas ces histoires de Vampires qui nous occupaient tant Jenny, Alex, Marie, Éva ou moi. Alors y croire…

« Mais tu as vu comme nous ce qu’ils étaient capables de faire, contra Éva.

-Les Vampires… Cela n’existe pas. »

Qu’est-ce que je disais ! Ella n’était pas le genre de personne qui pouvait croire à notre existence.

« Tu ne peux tout de même pas nier Ella qu’Ahélya et l’autre… Ishta, ne sont plus vraiment des personnes normales.

-Diane, contrairement à vous, je ne suis pas très accroc aux trucs paranormaux. »

Je restai paralysée à écouter leur conversation. C’est Ishta qui frappa au volet à ma place.

« Les voilà… dit Jess.

-Tu es vraiment sûr de vouloir les inviter à entrer ? » Demanda Marie.

Elle semblait inquiète.

« Peut-être que c’est vrai le truc de l’invitation. » ajouta-t-elle.

Mais Jess avait déjà ouvert la porte fenêtre puis le volet. Cependant, elle ne nous invita pas pour autant à entrer.

« C’est nous ! » s’exclama joyeusement Ishta.

Je levais les yeux au ciel. Qui voulais-tu que ce soit d’autre idiot ? Je baissai la tête pour regarder mes amis. Ils nous observaient tous très surpris. Je ne comprenais pas vraiment pour quelle raison. Ishta tourna la tête vers moi. Lui aussi, il ne comprenait pas. Soudain… ce fut une illumination. Le soleil… Il était juste derrière nous. Nos ombres auraient dû s’étendre sur le sol du salon, juste devant nous.

« Vous… Vous n’avez pas d’ombre, réalisa Jess.

-Ni de reflet, les informa Ishta.

-Mais vous pouvez sortir quand il fait jour, dit Jérémie.

-En effet, mais… En ce qui concerne l’invitation les légendes disent la vérité, leur appris-je. Nous ne pourrons pas entrer tant que Jess ne nous aura pas invité à le faire. »

Ils se consultèrent du regard. Ils hésitaient. Quoi de plus compréhensible après tout.

« Je comprends et je sens votre peur ainsi que cette inquiétude que vous éprouvez pour moi mais vous avez notre parole. Nous ne vous ferons aucun mal. Je vous le promets.

-Toi, je m’en doute, dit Jenny. Mais lui… »

Elle montra Ishta de la tête. On dirait que le charme de mon compagnon n’avait pas fonctionné pour une fois.

« Lui, je ne le sens pas, ajouta-t-elle. Je me souviens très bien de sa menace. »

C’est vrai qu’il avait menacé Jenny quand elle s’était interposée entre nous tout à l’heure. Comment pouvais-je leur donner confiance en lui ? Je me rappelai alors de ce qu’ils avaient remarqué.

« Je sais que vous l’avez vu. Notre… Relation n’est pas des plus normales. Il faut bien l’avouer. Elle est même franchement étrange. En fait, je suis liée à son esprit comme il est lié au mien alors quand je vous dis que nous ne vous ferons aucun mal, je ne mens pas. Vous avez remarqué que nous partageons les mêmes sensations, les mêmes émotions ou les mêmes sentiments… Ishta ne pourrait pas faire de mal aux gens que j’aime comme je ne pourrais pas en faire à ceux qu’il aime. Sauf si je n’ai pas d’autre choix ! » Ajoutai-je en me tournant vers mon jumeau.

Je voulais prévenir tout espoir qu’il pourrait avoir quant à la libération de Léo.

« Fais gaffe à toi Jérémie alors ! s’exclama Alex.

-Qu’est-ce que je dois comprendre par là ? » Répliqua le petit copain d’Éva.

Alex allait répondre mais…

« Alex, cela suffit s’il te plait. »

Il haussa les épaules.

« Ce n’est pas vraiment le bon moment pour les règlements de compte. » intervint Ishta.

Il s’adressa ensuite à Jess.

« Si tu veux nous empêcher de retourner chez toi après nous y avoir invité, il te suffira de mettre de l’ail à toutes les ouvertures. Je te garantis qu’aucun Vampire ne pourra entrer ici si tu fais cela. Ils n’approcheront même pas de chez toi.

-Il dit la vérité, lui assurai-je. Ce que l’on raconte sur l’ail est vrai aussi.

-Bon. » Dit Jess.

Elle hésitait encore un peu. Elle soupira et…

« Je vous invite à entrer. » dit-elle enfin.

Ishta me laissa passer. J’entrai. Le Vampire me suivit. Je retirai mon manteau. Ishta préféra garder le sien.

« Mais tu es blessée ! » s’exclama alors Diane.

C’était la vérité. Une large brûlure me couvrait tout le haut du dos mais elle n’était pas douloureuse. Mes amis m’observaient attentivement.

« Mais alors… Comment se fait-il que ton haut soit encore intact ? Réalisa Jess. Il aurait dû brûler lui aussi. »

Je tournai la tête vers Ishta. Ton manteau Il secoua la tête de droite à gauche.

« S’il te plait. C’est peut être plus grave que tu ne le penses. » Lui dis-je.

Il le retira enfin. Sa chemise était en lambeaux et une large brûlure, la même que la mienne, lui couvrait le haut du dos.

« Pour être honnête, dit-il, en fait… NOUS sommes blessés. »

Tu vois c’était pas si dur à dire. Je remarquai qu’Ella observait attentivement nos blessures. Allait-elle remarquer ?

« Mais… Ce n’est pas possible ! » s’exclama-t-elle soudain.

Elle avait remarqué. Je lui présentai mon dos pour qu’elle l’examine et Ishta fis de même.

« Leurs brûlures semblent parfaitement identiques. » constata-t-elle.

Les autres la regardèrent étonnés. Ils vinrent alors l’un après l’autre examiner mon dos et celui d’Ishta. Ils durent bien se rendre à l’évidence. Ella avait raison.

« C’est vrai ! » s’écria Marie

Au moment où Jérémie s’approcha pour examiner à son tour mon dos, je me retournai.

« Je crois que cela suffit là. »

Je regardai Ishta. Il semblait du même avis que moi. Bon, je crois qu’il était temps de leur expliquer.

« En fait, elles ne semblent pas parfaitement identiques, les informai-je. Elles le sont.

-Comment est-ce possible ? » Demanda Jess.

Je ne pouvais pas répondre tout de suite à cette question.

« Jess, pourrais-tu d’abord prêter un tee-shirt à Ishta. Je crois qu’il en a grandement besoin.

-Tout de suite ! »

Elle disparut de la pièce. Je l’entendis monter précipitamment les escaliers. Elle fut de retour quelques minutes plus tard avec un grand tee-shirt qu’elle tendit au Vampire.

« Merci. »Lui dit-il en inclinant légèrement la tête.

Il retira rapidement sa chemise ou plutôt ce qu’il en restait puis il enfila le tee-shirt. Il n’était pas resté très longtemps torse nu mais j’avais tout de même remarqué les regards admiratifs de Jenny, Marie, Jess, Ella… et même de Diane et d’Éva posés sur Ishta au moment où mon compagnon s’était retrouvé un peu moins vêtu. J’étais tout de même heureuse de remarquer que je n’étais pas la seule à ne pas apprécier. Jérémie et Peter avaient lancé un regard de travers à leurs petites amies. Je regardai mes amis. Aussitôt, des petits nuages se formèrent au dessus de leurs têtes. Il ne tarda pas à pleuvoir à l’intérieur de la maison de Jess. Personne n’avait comprit ce qui se passait… Sauf Ishta et moi bien sûr. Le Gardien avait aussitôt éclaté de rire tandis que je baissai la tête, rouge de confusion. Comment avais-je pu faire cela ? Je devais bien les faire disparaître maintenant. Je relevai rapidement la tête pour observer les nuages. En faisant un rapide geste de la main, ils se dispersèrent. Il arrêta enfin de pleuvoir. Ishta s’était un peu calmé mais il souriait toujours. Je rebaissai la tête. Je n’en revenais pas ! J’avais été jalouse ! Jalouse de le voir regardé par mes amies. Bon… Ishta était pas mal, c’est vrai ! Mais ce n’était pas une raison. Il fallait vraiment que j’arrête de me voiler la face. Il était à moi ce Vampire. J’avais été jalouse et j’avais réagi en conséquence. Mais, j’aurais pu faire bien pire que de simples petits nuages d’averse !

« Oh moins, tu sais ce que je ressens quand je te voie avec Vlad maintenant. » dit Ishta.

Il aurait pu le dire encore plus fort ! Je croie que les voisins de Jess n’avaient pas très bien entendu ! Je ne savais plus où me mettre. Je n’avais pas vraiment prévue cela… Que venait faire cette jalousie dans notre relation de Gardien ?

« C’est toi qui a fait cela ? » demanda Éva.

Je gardais la tête baissée.

« Oui… C’est moi, répondis-je avec hésitation.

-Mais comment… Pourquoi ? » Me questionna Jenny.

Qu’est-ce que je pouvais bien répondre ? Que je leur interdisais de le regarder…

« Pourquoi ? A cause de lui ! Dis-je en montrant Ishta de la tête.

-Ne me mêle pas à cela s’il te plait ! »

Je le regardai et haussai les épaules.

« Comment ? Poursuivis-je. C’est en mon pouvoir. Vous l’avez bien vu tout à l’heure. Les éclairs… Je suis capable de contrôler le temps. C’est mon pouvoir le plus puissant même.

-Ainsi que le mien. » Les informa Ishta.

Ils nous regardèrent étonnés. Nous le leur avions pourtant dit. Nous partagions beaucoup de choses Ishta et moi. Pas seulement les pensées et les émotions, les pouvoirs aussi.

« Bon, dis-je, je crois qu’il est temps de vous donner de plus amples explications. »

Je détachai le fourreau d’argent de ma taille puis je le posai sur la table basse. Je m’assis juste à côté du fourreau. Je m’adressai d’abord à Ella. C’était elle que je devais convaincre en premier de ce que j’étais.

« Aussi incroyable que cela puisse paraître Ella, je suis réellement un Vampire. Tout ce que je vais vous dire maintenant est vrai. Je vais tout vous expliquer. »

Jenny m’interrompit.

« Et lui ? » demanda-t-elle.

Le ton de sa voix en disait assez long sur l’opinion qu’elle avait pour le Vampire. Son regard était très méfiant.

« Je suis moi aussi un Vampire et depuis bien plus longtemps qu’elle. J’ai de plus de trois mille ans. » Avoua Ishta.

Contrairement à nous deux qui n’avaient pas besoin de respirer, mes amis pouvaient avoir le souffle coupé. C’est d’ailleurs ce qui était en train de se passer. Il faut dire que nous n’avons pas souvent l’occasion de rencontrer des êtres tel qu’Ishta. Il avait connu tellement de choses… des choses que nous ne pouvions même pas imaginer. Combien d’empire, de civilisation avait-il vu tomber ? A combien de guerres avait-il pu assister ? Même moi, je ne le sais toujours pas. Ishta gardera toujours une part de mystère et je continuerai à le voir dans ses yeux noirs.

« Trois mille ans, répéta Peter abasourdi.

-Bientôt trois mille quatre cents soixante-sept, pour être exact. En âge Vampirique bien sûr ! »

Comme si cela pouvait faire une différence ! Mais, moi-même, je n’en revenais pas. Par contre, ce n’était pas vraiment pour la même raison que mes amis.

« Tu as compté !  M’exclamai-je incrédule.

-Nous aussi, on fête les anniversaires petite sœur. »

Les bougies devaient avoir beaucoup de mal à tenir sur le gâteau.

« Arrêtez deux minutes, nous interrompit Éva. Moi, tout ce que je veux savoir c’est pour quelle raison tu ne nous as pas mis au courant. »

Je regardai Marie. Elle se tenait éloignée des autres maintenant. Elle restait debout dans un coin de la pièce. Je reportai mon attention sur Éva.

« Pour des raisons qui me semblent évidentes tu ne croies pas. Maintenant vous êtes en danger. »

Je les regardai les uns après les autres.

« A cause des gars de tout à l’heure ? demanda Alex.

-Pas seulement, répondit Ishta à ma place. Si les autres Vampires apprennent que nous vous avons laissé en vie, vous mourrez. Sans oublier qu’Ahélya et moi, nous pourrions être condamné à être emprisonnés pour l’éternité. »

Alex allait de nouveau parler mais je l’arrêtai d’un geste. J’avais d’autres choses à leur apprendre.

« De plus… » Commençai-je.

Je pesais soigneusement mes mots car je redoutais l’effet qu’allaient certainement produire mes paroles.

« D’une certaine manière, je vous ai mis au courant. »

C’était la vérité. Nul ne pouvait garder un tel secret. Je l’avait peut être fait de manière détournée mais je l’avais fait.

« Éva, Jenny… j’ai peut être changé les noms, les lieux et les dates mais ce que vous êtes en train de lire est bel et bien arrivé. »

Elles étaient ébahies.

« Alors… ton histoire de Vampires, c’est…

-Oui, interrompis-je Éva. C’est un moyen de me libérer… Que je ne suis pas la seule à utiliser d’ailleurs. »

Je regardai fixement Ishta en disant cela. Il me sourit. Je n’aurais jamais l’occasion de lui dire tout le bonheur que j’avais éprouvé lorsque j’avais lu ce qu’il avait écrit sur moi. Mais il le comprit peut-être au moment où je plongeai mon regard dans le sien. Je fixai ensuite mon attention sur mes amis. J’avais encore quelques explications à leur donner surtout à une personne qui se tenait dans un coin de la pièce.

« Vous avez peut-être été mis au courant par ce moyen détourné mais je dois vous avouer qu’involontairement l’un d’entre vous avait percé mon secret. Il ne s’en souvenait pas parce que je l’avais hypnotisé. Jusqu’à aujourd’hui du moins! »

C’était maintenant que j’allais prononcer les mots les plus difficiles.

« Tu as vu les morsures sur le cou de cette fille et tu t’es souvenu de tout n’est-ce pas ? »

Je me tournai vers un coin de la pièce.

« Cette nuit, tu t’es souvenue de tout Marie. Mais tu dois également te rappeler que je n’étais pas dans mon état normal. Je n’avais pas bu de sang depuis une bonne semaine… Je me suis donc jetée sur la première personne qui arrivait par là. »

Elle s’approcha alors rapidement de moi.

« Alors, c’est toute l’explication que tu me donnes pour cela ! »

Elle baissa le col roulé de son pull noir. J’eus un haut le corps. C’était impossible !

« Oh mon Dieu ! Elle n’a pas disparu ! »

Sur le cou de Marie, la morsure était là. Juste quelques trous qui ne saignaient même pas mais c’étaient là. Je m’approchai d’elle pour examiner d’un peu plus près la morsure.

« C’est impossible, murmurai-je. Elle aurait dû disparaître. »

Je me tournai vers Ishta. Il était le seul qui pouvait me fournir une explication.

« Ishta… pourquoi ? »

Le Vampire s’approcha lui aussi.

« Les traces ne disparaissent que sur les cadavres Ahélya, m’informa-t-il.

-Il y a un moyen de les faire disparaître ? demanda Jenny.

-Oui, lui répondit Ishta. Un moyen très simple en fait. »

Il se tourna vers Jess.

« Pourrais-tu m’apporter un verre et le remplir d’eau ? » lui demanda-t-il.

Jess s’exécuta aussitôt. Elle quitta de nouveau le salon. Pendant ce temps, Ishta en profita pour enlever le fourreau d’argent qu’il avait gardé autour de la taille pour le poser à côté du mien. Il en retira tout de suite son poignard. J’avais compris ce qu’il voulait faire. Il regarda attentivement le poignard. Je posai la main sur son bras. Nous n’avions pas le droit de faire cela.

« Ishta, la Loi nous interdit de faire une telle chose, lui rappelai-je.

-De toute façon, tu as déjà enfreint la Loi en la laissant en vie et nous…

-L’avons enfreint de nouveau en ne les tuant pas, complétai-je en montrant mes amis. Je le sais très bien.

-Tu sais donc aussi ce qu’il nous reste à faire alors.

-Oui. »

Je pris le fourreau et je retirai moi aussi mon poignard. Mes amis nous regardaient effrayés. Se méprenaient-ils sur nos intentions ? Sur ces entrefaites, Jess revint avec le verre d’eau. Elle le laissa tomber en nous voyant avec des armes à la main. Ishta regarda le verre. Ce dernier se transforma aussitôt en brume. La brume se déplaça vers la table basse où le verre redevint solide. Je reposai le fourreau sur la table.

« Fais comme moi. » dit-il.

J’acquiesçai. Avec la pointe du poignard, il s’entailla le bout du doigt. Une goutte de sang tomba directement dans le verre. Il me laissa sa place. Je fis comme lui. Je pris enfin le verre pour le tendre à Marie.

« Bois, lui dis-je.

-Je ne vais pas devenir Vampire ?

-Non, répondis-je en souriant, on ne se transforme pas en buvant deux gouttes de sang de Vampires diluées dans un grand verre d’eau.

-Dommage. » Répliqua-t-elle.

Mon sourire s’élargit ce qui dévoila légèrement mes canines. Mes amis reculèrent effrayés.

« Désolée. » fis-je.

Marie but enfin ce que nous lui avions donné.

« Cela a quel goût ? Lui demanda Jenny lorsqu’elle reposa le verre sur la table basse.

-On dirait qu’il n’y a que de l’eau. » Répondit Marie avec un petit air déçu.

La morsure était déjà en train de se refermer. Il ne fallut pas très longtemps. Ce n’était pas une blessure très grave. L’un après l’autre, mes amis examinèrent le cou de Marie. Il n’y avait aucune trace et pas la moindre cicatrice. Le sang des Gardiens pourrait accomplir des miracles si nous le souhaitions. Combien de maladie aurions-nous pu soigner ? Combien de mortels aurions-nous pu aider avec ce sang ? Mais nous le gardions jalousement pour nous. Quoi de plus normal après tout.

« Encore une loi que nous venons d’enfreindre, constatai-je en regardant Ishta.

-Et cela n’est certainement pas la dernière Ahélya, me répondit-il. Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même. Tu vas enfreindre de nombreuses lois pendant le reste de ton éternité. »

Pourquoi avait-il l’air aussi affirmatif ?

« C’est vrai ! J’avais oublié que c’était ta spécialité ! Répliquai-je.

-Et j’en suis fier ! »

J’avais remarqué depuis longtemps.

« Les prêtres ont trop longtemps régi la vie des Gardiens, ajouta-t-il. Ils nous ont fait faire de nouvelles lois. Nous pourrions changer cela Ahélya. Qu’en penses-tu ?

-Libère d’abord Shiva. On verra ce que nous pourrons peut-être faire ensuite. »

Le Vampire garda le silence. Il me cachait quelque chose. Je le sentais maintenant. Mais pourquoi n’arrivais-je pas à savoir ce que cela pouvait être ? Notre connexion n’était sans doute pas encore assez forte pour que je perce tous ces secrets.

« C’est donc vrai, dit Alex. Le sang des Vampires peut guérir les humains sans pour autant les transformer.

-En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. »

Alex se tourna vers moi étonné.

« Asseyez-vous tous, dit Ishta. Nous allons tout vous expliquer. »

Mes amis lui obéirent. Ishta s’assit également. Je restai debout derrière lui. Quelque chose ne me plaisait pas dans tout cela et je n’arrivais pas à mettre la main dessus. Ishta commença ses explications.

« En fait, le sang des Vampires n’a aucun pouvoir de guérison, leur révéla-t-il.

-Mais… commença Peter.

-Laisse-le parler, lui ordonna gentiment Diane en lui donnant une légère tape sur la main. Continue Ishta. »

Je ne voyais pas où mon jumeau voulait en venir. Il devait avoir un plan. C’est obligé. Je m’attendais à tout de sa part. Et puis… C’est moi qui aurais dû leur expliquer. Pas lui !

« Mon sang peut guérir ainsi que celui d’Ahélya parce que… Nous sommes des Gardiens. Les deux derniers encore vivants en fait. »

Je toussotai.

« Vivant, répétai-je. Tout est relatif Ishta. Dois-je te rappeler que nous sommes morts.

-Mais qu’est-ce que sont exactement les Gardiens ? Lui demanda Éva. Ce ne sont pas des Vampires ?

-Bien sûr que si. Les Gardiens sont en fait une espèce un peu particulière de Vampire. A l’origine, nous avons été créés pour empêcher la prolifération des Vampires, pour empêcher que les humains ne nous capturent et volent notre sang pour se soigner. »

Et voilà qu’il était en train de raconter toute notre histoire ! Qu’est-ce qu’il lui prenait tout d’un coup ? Cela ne ressemblait pas à Ishta ! Quoique… Il adorait enfreindre les lois et c’est-ce qu’il faisait en leur racontant toute notre histoire.

« Ensuite, notre tâche est devenu un peu plus différente. Il y avait tellement de Vampires que nous avons dû nous organiser. Nous avons donc constitué une société en marge de celles des humains. Les deux premiers Gardiens avec l’accord du Premier ont alors créés d’autres Gardiens. Peut-être une dizaine au début. Le Premier est ensuite parti en laissant les Gardiens se débrouiller tout seul.

-Vous étiez nombreux ? Le questionna Alex.

-Nous n’avons jamais dépassé la cinquantaine je crois, répondit Ishta. Mais il faut dire que j’ai été emprisonné pendant un bon moment alors… Mais pour en revenir aux Gardiens. Nous avons donc créé toutes les lois qui régissent encore aujourd’hui le monde vampirique. Nous sommes également chargés de les faire appliquer ainsi que de punir ceux qui les enfreignent.

-Alors qu’il nous arrive de ne pas les respecter nous-mêmes ! Bonjour le paradoxe, le coupai-je.

-Mais cela a des conséquences. J’étais attaché à une planche d’argent quand nous nous sommes connus Ahélya. Les autres Gardiens n’apprécient pas trop ceux qui enfreignent les lois même si c’est l’un des leurs.

-Alors, vous êtes à la fois leurs chefs, leurs policiers, les juges et les jurés, dit Ella.

-Ainsi que gardien de prison et bourreaux lorsque la faute est vraiment trop grave. Mais les condamnations à mort sont très rares. Nous n’aimons pas tuer les nôtres, répondit Ishta. Nous avons aussi mis en place, sur les conseils de nos prêtres, ce système de caste qui régit encore notre société. Tout en bas, il y a les simples Vampires, presque sans pouvoir et qui ne peuvent échapper aux chasseurs que grâce à l’aide des Gardiens.

-Vous avez donc aussi en charge la protection des autres Vampires, reformula Marie.

-En effet, dit Ishta.

-Mais pourquoi dîtes-vous qu’ils sont presque sans pouvoir ? demanda Jérémie.

-Comme je l’ai expliqué à Ahélya lors de notre première rencontre…

-Monsieur étant attaché sur une charmante plaque d’argent vu qu’il avait enfreint la Loi. » Le coupai-je.

Ishta ignora mon intervention.

« Chaque génération de Vampires voit petit à petit disparaître leurs immenses pouvoirs. Aujourd’hui, je ne connais aucun autre Vampire qui soit en mesure de contrôler le temps et d’hypnotiser les mortels à part Ahélya et moi.

-Tu oublies les prêtres Ishta.

-Pas même les prêtres Ahélya. » Répliqua-t-il aussitôt.

Et la fille du château de Dracula alors ! Elle était une prêtresse et elle avait pourtant réussi à créer une tornade avec laquelle elle avait bien failli nous tuer Léo et moi. Je restai plongée dans mes pensées et n’écoutai plus que d’une oreille les explications d’Ishta. J’aurais bien sûr pu lui demander qui elle était mais quelque chose qui m’empêchait. Sans oublier qu’Ishta ne me répondrait certainement pas si je l’interrogeais.

« Juste au dessus des simples Vampires, il y a les prêtres dont Ahélya vient de parler, nos prêtres, expliqua Ishta.

-Et qui sont-ils eux ? demanda Jess.

-Ce sont les humains que le Premier a refusés comme Gardien. Il en a toujours été ainsi. Il y a deux humains choisis pour devenir Gardien. Mais l’un d’eux ne le deviendra pas. C’est le prêtre. Au début de leur vie, ils sont presque aussi puissants que les Gardiens mais au fil des ans, leurs pouvoirs disparaissent car ils ont pour charge de trouver de nouveaux humains pour procéder aux rites qui fera les Gardiens. Ce rite utilise la magie noire et la magie blanche et comme nous ne sommes pas naturellement sorcier, nous utilisons le sang comme vecteur. C’est cela qui leur fait perdre leurs pouvoirs. »

Quelque chose sonnait faux dans son petit discours et je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.

« Je croyais que c’était parce qu’ils créaient de nouveaux Vampires qu’ils perdaient leurs pouvoirs. » intervins-je.

Ishta fit enfin attention à moi. En fin de compte, il avait peut être mieux valu qu’il donne les explications à mes amis. J’ignorais encore trop de choses sur notre monde et je me rendais compte maintenant.

« Tout comme nous, les prêtres n’ont pas le droit d’engendrer des Vampires, me répondit Ishta. Leur sang est voué à la création des Gardiens tandis que le nôtre sert non seulement aux rites de passage des humains en Gardiens mais aussi à la guérison des Vampires.

-Donc Ahélya et toi, vous avez l’interdiction de créer d’autres Vampires, dit Marie.

-Oui, notre sang doit rester pur pour conserver nos pouvoirs. »

Il y eut un soupir de déception de la part de Jenny, Éva, Marie et Alex. Je connaissais très bien leur désir d’être initié, de devenir Vampire. Un désir que je ne n’avais pas le droit de satisfaire. Ishta reprit ensuite ses explications qui semblaient passionner mes amis.

« Au dessus des prêtres, il y a nous, les Gardiens dont je vous ai déjà expliqué la fonction. Enfin, au dessus de nous, il y a le Premier, celui qui est né Vampire. Shiva… le plus puissant de nous tous. »

Et en plus, il leur donne son nom ! Il a vraiment envie de leur donner du pouvoir sur nous deux on dirait ! Je n’en revenais pas. Ishta était vraiment capable de beaucoup de choses.

« Mais je croyais qu’il avait disparu, dit Diane

-Il a disparu, confirma le Gardien. Mais pour nous autres les Vampires, il reste le chef ultime, celui à qui nous devons tous obéir même s’il n’est plus avec nous. »

Et il ose… alors que… Tu ne vas pas t’en tirer comme cela Ishta ! J’étais juste derrière lui. Cela me donna une idée. D’un mouvement rapide, j’enfonçai mes ongles dans le haut de son dos juste à l’endroit où il y avait cette brûlure qui allait certainement mettre plusieurs jours à guérir. La Vampire poussa un cri de douleur. Il se leva précipitamment puis il se tourna vers moi. Mes amis s’étaient levés eux aussi. Ils ne comprenaient pas la raison de mon geste. J’étendis la main vers la table basse. Mon poignard revint dans ma main. Ishta n’en fit pas de même.

« Mais qu’est-ce qui te prends ! s’exclama-t-il.

-Tu oses me le demander ! Comment peux-tu oser louer Shiva alors que tu es un traître ! Un traître au serment de protection que tu lui as jadis donné. Tu as juré de le protéger comme nous tous. »

Ishta sourit.

« C’est bien Ahélya ! Je voie que tu commences à te souvenir des autres fonctions des Gardiens. Croyais-tu vraiment que nous ne nous contentions de protéger que les Vampires ?

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-C’est comme tout ce qui te concerne en tant que Gardienne, tu t’en souviendras en temps voulu. Souviens-toi des lois, tu ne te les rappelais que lorsque tu étais sur le point de les enfreindre.

- Explique-moi alors ! De quoi est-ce que je dois me rappeler ? Est-ce que c’est aussi important que tu sembles le penser ? »

Il ne répondit pas vraiment à mes questions.

« C’est comme pour tes capacités au combat ma chère petite sœur. Nous sommes des guerriers dès que nous naissons au monde de la nuit. Tout est en toi et ne demande qu’à en sortir. Tu n’as jamais eu besoin de Gwen, ni de Shiva et encore moins de moi. La mémoire des Gardiens… Ma mémoire ainsi que la tienne est enfermé dans ton âme, ton cœur et ton esprit depuis que tu as été engendrée. A ton avis… D’où pouvait bien provenir tes visions ?

-Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

-Mais tu finiras par le comprendre, m’assura Ishta. Les Gardiens n’ont besoin de personne. Il nous a fait ainsi. Sans maître et sans disciple… Parce que c’était ce qu’il voulait. »

Il prit son manteau qui était posé sur le canapé et l’enfila après avoir rattaché le fourreau d’argent autour de sa taille. Il se dirigea vers la porte fenêtre. Il allait sortir mais il se ravisa au dernier moment. Le Gardien avait déjà un pied dehors lorsqu’il se retourna pour me dire :

« Tu as raison. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. J’accepte l’échange Ahélya. Mon fils contre ton cher Shiva. Je te ferais savoir dans quelques jours où et quand il se produira. »

Il sortit et se transforma en chauve-souris. Je sortis pour le poursuivre. Je me mis à crier :

« Attend Ishta ! Explique-moi ce que tu as voulu dire au moins ! »

Une vision me cloua soudain sur place. Elle est beaucoup plus puissante que toutes celles que j’avais eu jusqu’à maintenant. Je tombai aussitôt à genoux. J’étais comme assommée par cette vision. Je me mis à pleurer. Cela faisait si mal. Je me pliai en deux. J’étais vaincu par la douleur que me donnait cette vision. Les images défilaient et tourbillonnaient dans ma tête à une vitesse incroyable. Je voyais des combats et des morts… la mienne… celle de mes amis… la fin du Clan et de tous les organismes qui chassaient les Vampires. Je vis Shiva torturé et les mortels esclaves des Vampires. Des visions de malheur et de souffrance. Un monde à feu et à sang. Les images continuaient de défiler. Je sentis que mes amis étaient là, autour de moi, et ils cherchaient à comprendre ce qui était en train de se passer.

« Tu vas bien Ahélya ? » me demanda Jenny en s’agenouillant à côté de moi.

Ishta avait raison. Je saurais tout en temps et en heure. Je finirais bien par savoir ce qui empêcherait la réalisation de ma vision. Je frappai le sol du poing et murmurai :

« Pourquoi Ishta ? Pourquoi ? A quoi cela te servirait-il de faire cela ? Je ne comprends pas. Pourquoi ai-je vu ma mort sans la tienne ? Pourquoi voudrais-tu la prolifération des Vampires ? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. »

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Un capharnaüm dans ma tête
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