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Un capharnaüm dans ma tête
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16 février 2010

La Main Noire et le Dragonnier (Chapitre 3)

disclaimer : Rien n'est à moi. Tout est à Christophe Paolini.



Chapitre 3 : Les Blessures du Présent

.

Qui était donc cet homme capable de me rendre l'enthousiasme de mes jeunes années ? Même le messager que l'on m'avait remis la veille au soir n'avait pas réussi à l'entamer. Ce message... C'était une mauvaise nouvelle puisque qu'il m'annonçait son retour. L'Empereur n'avait plus besoin de lui. Demain, il serait de retour. Demain, j'allais devoir paraître devant lui. Demain, j'allais écouter sa sentence et je subirais la peine qu'il jugerait adéquate pour lui avoir désobéi. Je la méritais. J'avais laissé vivre l'homme qu'il m'avait ordonné de tuer.

Je ne savais pas encore si j'allais pouvoir continuer mes visites matinales au Jardinier. Je devais donc en profiter.

Son message était là, toujours au même endroit. Je me livrai au rituel d'effacement/réécriture en souriant. Je n'avais pas eu d'interlocuteur aussi cultivé depuis longtemps. Je n'avais même plus d'interlocuteur tout court en fait. Il était le Premier des Parjures. J'étais la Main Noire. Nos conversations ne tournaient plus qu'autour de ces ennemis et de ce que je devais faire contre eux. Nous ne parlions même pas de notre fils. Il faut dire qu'il avait été clair à ce sujet dès qu'il me l'avait enlevé. Il déciderait seul de son éducation et je n'avais rien à dire à ce propos.

Le Jardinier ne s'était pas seulement contenté de répondre à mon message. Il m'avait également laissé un cadeau. Je me retournai ainsi que l'ordonnai le tableau noire. Un rosier se dressait dans l'un des coins les plus éclairés de l'atelier.

Je ne sus comment réagir en voyant son présent. Était-ce une mauvaise blague ? Comment osait-il se moquer ainsi de moi ?

Les roses étaient blanches mais leurs pétales étaient froissées, abimées et souillées de tâches marrons claires... Comme si les fleurs étaient en train de faner.

Je faillis tourner les talons de suite mais il y avait quelque dans ce « cadeau » qui me retenait ici. Il y avait une étrange beauté dans ces fleurs. Les pétales froissées... Les taches marrons qui semblaient y former un dessin... Tout ceci n'enlaidissait pas la rose. La souillure était là mais la rose restait belle malgré cela.

Au fond de moi, ce cadeau me touchait plus que je n'osai le dire. Je retournai au tableau et ajoutai une question à mon message. Je retournai ensuite au Château. Ce dernier était devenu une véritable fourmilière. Tout devait être prêt pour le retour du Maître.

Il arriva le soir-même mais je ne le vis pas tout de suite. J'appris rapidement que son dragon était blessé. L'Empereur avait ordonné un combat entre Shruikan et son Dragon. Il était blessé. Morzan resta avec lui toute la nuit. Il ne me convoqua que le lendemain devant lui. Je ne pus donc me rendre dans le Parc pour voir si le Jardinier m'avait répondu.

Comme à chaque fois que je devais lui rendre compte d'une de mes missions, nous étions seuls dans son bureau, la seule pièce du Château où nul n'avait le droit d'entrer sans son autorisation. L'ameublement de cette pièce était plus que spartiate... Une chaise... Une table... Pas de tapis. Aucun feu dans la cheminée. Il faisait froid ici.

Morzan, le Premier et le Dernier des Parjures se tenait debout, devant sa table de travail, légèrement appuyé contre elle. Son épée sanglante nommé Souffrance était à ses côtés, juste à portée de sa main.

Je le regardai attentivement. Il avait la tête baissé. Il semblait fatigué. Je mis cette fatigue sur le compte de sa nuit auprès du Dragon. S'il était blessé, il n'avait pas du fermer un œil pour pouvoir veiller sur lui.

Pour être honnête, je ne savais que penser de sa relation avec son Dragon. Il oscillait toujours entre deux extrêmes. Un jour, il était aux petits soins pour lui, une lueur d'espoir dans le regard et le suivant... Le suivant, il le laissait seul et cela même si le Dragon l'appelait. Il ne s'en occupait pas. Il ne lui parlait pas. Ce n'était qu'une monture comme une autre.

Je me rappellerais toujours du jour où il me l'a présenté. Il m'avait dit que les autres lui avaient fait quelque chose. Qu'ils avaient fait quelque chose à tous les Dragons des Parjures. Quelque chose qui leur avait interdit toute identité. Qui les avait fait devenir pire que des bêtes. Deux Parjures étaient même devenus fous puis s'était tués.

Mais parfois, le Dragon de Morzan redevenait lucide et il retrouvait son intelligence d'antan pendant quelques temps. Mon compagnon n'était jamais aussi heureux que lors de ces moments puis... Puis l'esprit du Dragon se perdait de nouveau on ne savait où et la lueur d'espoir qui s'était allumée dans les yeux de Morzan disparaissait. J'en avais été témoin si souvent mais depuis quelques temps, j'avais l'impression que cette lueur était de plus en plus difficile à allumer.

Il leva la tête. Un œil noir et un œil bleu m'observèrent pendant un long moment.

Ses yeux... Je crois que c'est la première chose qui m'a attirée. Lorsque je l'ai vu dans cette taverne de Cavarhall. Il était grand et large d'épaule comme beaucoup de fermiers des alentours mais il y avait ces yeux verrons qui s'étaient soudain posés sur moi...

Il ne me posa aucune question.

« Il est encore en vie. » déclarai-je.

La seconde d'après, il était à côté de moi...

La première fois qu'il m'avait frappée, j'avais voltigé jusqu'à la porte de la pièce et m'étais cognée contre son bois. J'avais perdu conscience pendant quelques instants. C'était la première fois que la force d'un Dragonnier était dirigée contre moi.

Je m'étais préparée à sa gifle mais sa force était telle que j'avais reculé de quelques pas. J'avais un goût de sang dans la bouche. Le coup allait laissé des traces.

« Pourquoi ? » demanda-t-il.

Du sang était en train de couler sur ma joue. Je l'essuyai rapidement tout en regardant le revers de la main qui venait de me frapper. Il portait une grosse bague, un cadeau de l'Empereur, au majeur de cette main. Le coup laisserait plus de trace que je ne l'avais tout d'abord pensé.

« C'était un leurre. » répondis-je.

Il garda le silence. Il voulait de plus amples explications.

« Ton informateur a menti, poursuivis-je. Cet homme n'avait rien à voir avec les Vardens. Je m'en suis assurée avec l'Ancien Langage. »

Silence.

« Mais je ne lui ai pas fait oublier notre entrevue. Je ne l'ai pas non plus tué. Il veut se venger. Il est maintenant notre allié.

-Lui as-tu fait prêté serment ? »

Je me sentis plus insultée par cette question que par le coup qu'il venait de me donnait.

« Pour qui me prends-tu ? »

Il alla s'asseoir. Il réfléchit pendant quelques minutes.

« Tu tueras celui qui m'a donné cette information. »

J'inclinai légèrement la tête. Je n'avais pas douté entendre un tel ordre.

« Et s'il est un agent des Vardens, je lui ferais dire tout ce qu'il sait. »

Il sourit. Il m'avait bien formé. Comme d'habitude, je devançais ses ordres.

Nous nous observâmes pendant un long moment.

Il se leva puis s'approcha de moi.

« Ma Main Noire. » murmura-t-il.

La main qui m'avait frappée était maintenant en train d'effleurer affectueusement ma joue blessée. Il n'y avait encore pas si longtemps, ce geste m'aurait touché. Maintenant, je ne savais plus quoi penser. Plaisir et dégoût se mêlaient en moi. Je voulais qu'il me touche tout en ne le voulant pas.

Ses lèvres murmurèrent mon véritable nom. Un frisson de douleur me parcourut l'échine. Je me souvins pendant un instant de la première fois où il avait dit mon vrai nom. La douleur... La peur... Mes cris...

« Je t'interdis de te soigner. » fit-il d'un ton doux.

Il baissa la tête. Sa bouche effleura mes lèvres meurtries. Je fermai les yeux.

« Selena. » murmura-t-il.

Je les rouvris. Il semblait triste.

Il n'y avait encore pas si longtemps, en voyant ce regard, je l'aurais serré contre moi. J'aurais voulu effacer sa peine. Maintenant... Maintenant, je ne ressentais rien.

« Peux-tu aller le voir ? »

Nous savions tous deux de qui il parlait.

« On a dû te le dire. Shruikan l'a blessé. Il a refusé mes soins. Pourrais-tu essayer ? »

C'était une prière.

« Peu importe ce que tu me demande, je le ferais, lui dis-je.

-Même tuer ? » me demanda-t-il en souriant.

Des années plus tôt, j'avais prononcé cette même phrase et j'avais vu ce même sourire froid et cruel. Des années plus tôt, j'avais entendu la même question.

« Même tuer. »

Des années plutôt, j'avais fait la même réponse.

« Et torturer ?

-Tout ce que tu voudras, je le ferais. »

Ses lèvres effleurèrent les miennes une dernière fois puis il m'ordonna de quitter la pièce. J'obéis immédiatement puis me rendis aux écuries après avoir fait un détour dans ma chambre pour laver mon visage et me soigner. Son interdiction ne concernait que les sorts après tout.

Il était trop tard pour faire une visite au Jardinier mais j'en avais une autre à faire.

Pendant que je chevauchais jusqu'à la grotte de la Crête servant d'abri au Dragon de Morzan, je pensais au Jardinier et aux messages que nous avions échangés. Avec son retour, je n'allais plus pouvoir aller aux Jardins. De plus, je partirais bientôt en mission. Mais je voulais continuer nos conversations. Je devais trouver un autre moyen de lui laisser des messages. J'avais bien une idée mais il allait falloir que je l'essaie avant d'en parler au Jardinier.

Après une longue chevauchée, je laissai mon cheval pour monter sur un petit chemin escarpé des contreforts de la Crête. J'arrivais bientôt à la grotte. J'y entrais.

Morzan pensait que les autres Dragonniers avaient jeté un sort aux Dragons des Parjures. Le premier effet de ce sort avait été l'oubli total de leur nom alors comme à chaque fois je venais ici, je lui en cherchai un.

Le Dragon de Morzan était rouge. Ses écailles flamboyantes étaient parsemées de touches plus claires mais aussi de doré et d'orange. Je ne l'avais jamais vu cracher de feu mais je ne pouvais m'empêcher de l'associer à cet élément destructeur.

« Brisingr ! » criai-je.

Un rugissement à glacer le sang me répondit. Il n'était pas dans un bon jour mais je m'approchais tout de même.

Le Dragon était couché tout au fond de la grotte. Son aile gauche était repliée contre lui tandis que la droite était étendue sur le sol.

« Oh... Brisingr... »

Son aile droite étaient grièvement brûlée en plusieurs endroits. J'avançai prudemment vers le Dragon. Si même Morzan n'avait pas réussi à le soigner...

Des yeux reptiliens aussi mouvant et changeant que l'élément dont je lui avait donné le nom se posèrent sur moi. Il voulut s'éloigner alors que je m'approchais. Il chercha même à replier son aile blessée contre lui. Un immense cri de douleur éclata et son écho dura un long moment.

« Brisingr. » répétai-je doucement.

Les yeux de flamme étaient toujours fixés sur moi. Je gardai la tête haute. Je ne courbai pas le dos. S'il percevait la moindre peur, il n'hésiterait pas à me mettre en pièce.

Des lourdes paupières écaillées couvrirent le feu de son regard pendant un instant. Le murmure qui suivit était faible mais il était là.

« Selena... »

Je souris.

« Oui, c'est moi Brisingr. »

A chacun de mes phrases, je veillais à ajouter le nom que je lui avais donné. Cela semblait lui faire un certain bien. J'en avais parlé à Morzan mais il n'avait pas apprécié. Son Dragon n'avait qu'un seul nom ou aucun.

« Où est mon Lié ? »

Le murmure était un peu plus sûr, un peu plus ferme.

« Il ne peut pas venir te voir pour le moment Brisingr.

-L'Empereur ?

-Oui Brisingr. Il a besoin de lui.

-Écailles-Sombres m'a blessé.

-Je sais Brisingr. Me laisseras-tu te soigner ?

-Pourquoi mon Lié ne l'a-t-il pas fait ?

-Tu ne l'as pas laissé faire Brisingr. » répondis-je en me plaçant à côté de son aile blessée.

J'y apposai les main et fermai les yeux.

« Nous n'aurions pas dû écouter le Sans-Dragon. »

Le murmure était devenu féroce tandis que je prononçais quelques mots en Ancien Langage. Je rouvris les yeux.

« Mais vous l'avez fait Brisingr.

-Ne me donne plus de nom.

-Pourquoi Brisingr ?

-Je suis aussi coupable que lui. Nous avons écouté le Sans-Dragon. Nous avons aidé le Sans-Dragon. Je mérite le châtiment qu'ils ont prononcé. »

Je l'ignorais. Ce n'était pas la première fois qu'il disait ce genre de chose. Je préférais me consacrer à ses blessures.

Les paupières d'écailles s'ouvrirent et se refermèrent plusieurs fois de suite.

« Où est mon Lié ?

-Il ne peut pas être ici pour le moment Brisingr.

-L'Empereur ? »

Je laissai ma tâche de côté pendant un court instant pour le regarder tristement.

« Écailles-Sombres m'a blessé. » ajouta-t-il.

J'inclinai lentement la tête.

« Je sais Brisingr. Je sais. » murmurai-je.

Il se coucha et ferma les yeux. Je repris mes soins là où je les avais laissé.

« Le Parc a un nouveau jardinier Brisingr, un jardinier qui connait l'histoire de l'Arbre Menoa.

Les paupières restèrent fermées mais...

« Raconte-moi Compagne de mon Lié. »

Je souris. Il m'écoutait.

***

La Guerrière n'avait pas répondu à mon message. J'étais inquiet. Le lendemain de son absence de réponse, je me réveillais donc encore plus tôt pour courir jusqu'à mon atelier.

Je poussai un soupir de soulagement en y arrivant. Elle était là, juste en face de moi, en train de lire mon message. Bien sûr, elle perçut ma présente et elle se retourna.

Une vieille compagne se rappela à mon bon souvenir lorsque je vis le côté gauche de son visage. Ma voix s'éleva. Dure. Implacable. Menaçante. Malheur à celui qui avait osé faire ça !

« Qui vous a frappé ? »

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