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Un capharnaüm dans ma tête
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9 février 2010

La Main Noire et le Dragonnier (Chapitre 2)

disclaimer : Rien n'est à moi. Tout est à Christophe Paolini.


Chapitre 2 : Les Mots


Je m'étais comportée comme une enfant alors que je n'en étais plus une depuis longtemps. Qu'avait dû penser ce jardinier en me voyant fuir de la sorte ? Que les rares femmes de la garde du Parjure agissaient comme des vierges effarouchées dès qu'elle voyait un homme ? Et si le Jardinier parlait... Il finirait bien sûr par savoir que je n'avais rien à voir avec les gardes mais ce n'était pas ce qui m'inquiétait le plus. Je n'osais imaginer la réaction de l'équipe de nuit si cette histoire parvenait à leurs oreilles. La garde de Morzan était obéissante mais elle avait le sang chaud. Elle ne pouvait tolérer les injures et cette histoire en était une. Je devais faire quelque chose. Je devais m'assurer du silence du Jardinier. Pendant plusieurs jours, je me rendis donc sur le chemin menant Aux Rendez-vous des Amoureux lorsque l'aube pointait mais je ne revis jamais le Jardinier.

Avait-il parlé ? La réponse à cette question devait sans doute être négative puisqu'aucune agitation n'avait encore atteint les domaines. Mais cette paix allait-elle durer ? Ce Jardinier allait forcément parler de la guerrière qu'il avait rencontré au Pavillon des Roses. Je ne savais pas s'il savait lire mais je lui laissai tout de même un message lors de l'une de mes visites matinales.

En me mêlant aux autres employés sous un déguisement, j'avais appris que les responsables du Jardin lui avait donné un petit coin de terre pour lui permettre de mener quelques expériences sur les roses. Lesquelles ? Je ne le savais point. Avec l'aide de ses camarades, et durant leur temps libre, ce nouveau jardinier avait donc monté un abri sur ce bout de terre. C'est à cet endroit que je décidais de lui laisser un message.

L'abri, ou l'atelier, n'était constitué que de trois murs faits de vieilles planches d'un bois sombre et craquelé. Il se trouvait tout au fond du petit terrain qui avait été octroyé au Jardinier. Devant, on trouvait une mer de rosiers aux fleurs couleur de sang au milieu de laquelle serpentait un petit chemin de terre et de gravier.

Tous ces rosiers ne pouvaient être que le fruit d'un sort mais cela ne m'étonnait pas plus que cela de la part de l'un de nos jardiniers. Notre parc devait être parfait et tous ceux qui s'en occupaient devaient connaître les mots de l'Ancien Langage permettant d'y parvenir. Mais ce Jardinier devait s'y connaître un peu mieux que les autres car je trouvais tout le long de son parterre sanglant un alignement de pierres semi-précieuses. Je me demandais d'où l'énergie de ses pierres pouvaient provenir mais aussi ce qu'il pouvait faire avec toutes ces fleurs. Mon étonnement grandit encore en constatant que la plupart des fleurs des rangées les plus proches de l'abri étaient totalement dépourvues de pétales.

J'entrai à l'intérieur de l'atelier et n'y trouvai qu'une immense table, faite à l'aide des mêmes planches que les murs, sur laquelle se trouvait plusieurs coupelles de terre cuite contenant une poudre dont j'ignorais la provenance. Dans un coin était posé toute une série de pinceaux fins. Que faisait-il avec tout ça ?

Le mur de droite avait une petite fenêtre donnant sur l'allée où je l'avais rencontré tandis que celui de gauche... Je connaissais la pierre qui y était accrochée mais je n'en avais encore jamais vu de cette taille. De plus, on l'avait taillé le plus finement possible et elle avait la forme d'un immense rectangle. Sur le côté de ce... De ce tableau... Était fixé une cordelette à laquelle était accrochée une pierre blanche que je connaissais également. Elle servait à écrire sur la pierre noire. Toute une série de chiffre et de lignes horizontales étaient d'ailleurs inscrits sur elle. S'il savait écrire, mon Jardinier devait donc aussi savoir lire. J'allais pouvoir lui laisser un message. Mais tout ceci ne me donnait aucun indice sur ce qu'il pouvait bien faire ici.

J'avisai alors un coin libre sur la pierre noire. Je m'avançai et m'emparai de la pierre blanche. Je notai rapidement quelque chose sur le tableau puis m'en allai.

En me retrouvant dans l'allée où nous nous étions rencontré, j'eus une autre idée. Je cueillis l'une des roses blanches puis je rebroussai chemin jusqu'à son atelier.

Pourriez-vous oublier les sauts d'humeur d'une femme que le poids des regrets accablent de plus en plus chaque jour. L'amour peut se révéler être la plus terrible des malédiction et je souhaiterais parfois devenir fleur ou arbre pour échapper à ses tourments.

(1)

**

Quelqu'un était venu ici. Je l'avais su dès que j'avais posé le pied sur le chemin de terre menant à mon atelier. Qui avait bien pu venir me voir ?

Je souris en entrant dans l'abri fait de planches sombres. Une rose blanche était posée dans un coin de ma table de travail. La guerrière était venue me voir. Pourquoi ? Sans doute parce qu'elle s'inquiétait à propos d'un éventuel récit de notre rencontre. Qu'elle se rassure ! Je n'en avais parlé à personne malgré ma curiosité à son encontre. J'avais espéré une nouvelle rencontre bien sûr mais mes devoirs de jardiniers m'avaient retenu. Je n'avais plus le temps d'aller à l'atelier avant mon travail. Il fallait commencer la cueillette des fruits et c'était l'équipe du matin qui devait s'en charger en plus de ses tâches quotidiennes.

Je remarquai soudain que la fleur était pointée sur le mur de droite. Je regardai donc dans cette direction et mon sourire s'agrandit. Elle m'avait laissé un message. Je le lus.

Ma guerrière connaissait les légendes elfiques. J'en fus plus qu'étonné. Elle savait écrire. Elle semblait cultivée... Je savais bien que tous les gardes et les soldats n'étaient pas des ignares en puissance mais peu d'entre eux savaient écrire autre chose que leur nom, une chose courante dans tout le pays d'ailleurs. Moi-même, si je n'avais pas été choisi par Saphira...

Comment pouvait-elle connaître une légende elfique ?

J'effaçai son message et m'emparer de la craie pour lui répondre. Je me mis ensuite au travail mais ce jour-là, je ne touchai pas aux roses rouges. Aujourd'hui, c'était les roses blanches qui m'intéressaient.

Les Sables du Temps, nul ne peut les arrêter. Les grains s'écoulent et les années passent, que nous le voulions ou non. Mais les souvenirs restent. Écoutez-donc cette histoire et chérissez-la car sans vous, elle ne serez pas. Je vais exhumer pour vous, ma Dame, ce trésor caché dans les brumes mystérieuses du Passé.

En ce temps-là, les Elfes et les Dragons étaient les maîtres des terres qui deviendraient nos contrées. En ce temps-là, il y avait une femme, Linnëa et cette femme avait donné sa jeunesse aux plantes, perfectionnant jour après jour les chants qui leur étaient dédiées. Pour devenir Maître de cet Art, elle renonça donc à l'amour. Les Fleurs étaient ses enfants. Les Arbres étaient ses amants. Mais un jour l'amour se présenta à sa porte sous la forme d'un jeune homme. Arbre, Fleurs et Chants furent oubliés et Linnëa se consacra tout entière au désir insatiable que ce jeune homme avait éveillé.

Linnëa et le jeune homme vécurent heureux... Pendant un temps.

Mais le regard de ce dernier tomba un jour sur une femme de son âge. Il la courtisa et la conquit. Le jeune homme, et cette compagne qui lui était mieux assortie, furent eux aussi heureux... Pendant un temps.

Linnëa finit par découvrir la trahison de son jeune amant et elle en devint folle de douleur. Comment avait-il pu lui faire goûter à la plénitude de la vie puis l'en priver sans plus d'égard qu'un coq allant d'une poule à l'autre ?

Linnëa prit alors un poignard et elle alla surprendre les Amoureux. Elle les tua tous les deux. Son amant parce qu'il l'avait trahie. La jeune femme parce qu'elle le lui avait pris.

Mais Linnëa savait qu'elle venait de commettre un crime qu'elle ne pourrait jamais expier alors elle marcha jusqu'au plus vieil arbre du Du Weldenvarden et elle chanta pour fusionner avec lui. Pendant trois jours et trois nuits, elle chanta son renoncement à sa propre race et quand elle eut fini, elle était devenue l'une de ses plantes tant aimées.

Ainsi fut créé l'Arbre qui veille sur la forêt des Elfes.

Ainsi fut créé l'Arbre Menoa.

.

Mon silence vous ait acquis Guerrière. Nul ne sera au courant de votre instant d'égarement.

**

Je pensais converser avec un jardinier et je découvre qu'il est également conteur.

Qui êtes vous donc ? Pourquoi êtes-vous venu vous perdre sur les Terres du Premier des Parjures ?

**

Je fus le deuxième fils d'un jardinier et j'appris le métier de mon père en rêvant d'aventure. Une querelle avec mon frère ainé m'offrit l'occasion dont je rêvais. Je partir de notre maison et je parcourus les routes d'Alagaësia. Je devins conteur pour survivre.

Les temps sont durs Guerrière et je me fais vieux. J'ai donc laissé l'aventure aux plus jeunes pour me consacrer de nouveau aux roses.

Et vous, qui êtes-vous ?

**

Je viens d'un petit village comme il en existe trop en Alagaësia. Le seul avenir qui m'attendais était le mariage et les enfants. Comme vous, je rêvais d'aventure et de voyage. J'étais ambitieuse et impulsive. Un bande de mercenaires arriva un jour dans notre village. Leur chef était beau. Je n'avais jamais vu personne comme lui. Je voulus le suivre. Je réussis à le faire.

Je ne suis pas fière de ce que j'ai dû faire pour y parvenir mais aussi pour rester parmi eux. Je suis maintenant ici, pleurant sur mon innocence perdue, redoutant le changement et le poids de ces années.

**

Mes maîtres sauraient mieux que moi la réponse qui conviendrait pour tranquilliser votre cœur. Les contes et les années leur ont donné la sagesse. Ils ont bien essayé de me l'enseigner mais j'étais jeune et j'avais la tête trop dure. Je commence tout juste à comprendre certaines de leurs leçons.

**

Les Maîtres donc vous venez de me parler sont-ils ceux qui vont ont appris les Contes et les Légendes ? J'aimerais les rencontrer. Celui qui m'a confié l'histoire de Linnëa est âgé et son esprit se perd de plus en plus dans les brumes de la vieillesse. J'aimerais pouvoir l'empêcher mais encore une fois, je suis impuissante en face de ce changement.

**

Ils ne m'ont pas seulement appris les Contes. Ils m'ont appris à survivre, un savoir qui n'a pas de prix et ainsi que je vous l'ai dit, ils ont tenté de m'enseigner la sagesse et je pensais être sage jusqu'à ce que je la perde. A ce moment-là, oublié sagesse et enseignement de mes Maîtres. Seules ma folie et mon envie de vengeance comptaient. Aujourd'hui encore, je sens ce serpent me réveiller et me ronger.

J'aimerais connaître celui qui vous a contez l'histoire de l'Arbre Menoa. Il doit encore avoir tellement de chose à raconter.

**

Je ne sais pas si une telle chose est possible. Les brumes de la vieillesse l'enveloppent un peu plus chaque jour et à chacun de mes visites, j'ai peur qu'il ne s'y soit complètement perdu.

Je suis désolée pour la perte de votre amante. Je n'ai encore jamais connu une telle douleur mais je compatis à la vôtre de tout mon cœur.

**

Elle n'était pas mon amante. Elle était ma sœur, ma jumelle, de cœur et d'esprit. Rare était ceux qui réussissaient à comprendre le lien qui nous unissait. Je pleure sa mort encore aujourd'hui.

J'ai quelque chose pour vous mais pour voir mon présent, vous devez vous retourner.

**

Veuillez excuser mon erreur.

Comme je vous l'ai dit, je n'ai jamais connu une douleur de cette sorte mais... J'ai un enfant, un fils et s'il venait à disparaître... Je suis sûr qu'un bourreau m'arrachant le cœur alors que je suis encore en vie serait un piètre supplice en comparaison de sa perte.

Pourquoi un tel présent ?

**

Je vous pardonne votre erreur et j'espère que vous m'avez rapidement pardonné en voyant le présent que je vous avais réservé.

Pourquoi ? Au début, je voulais juste cultiver les plus belles roses blanches, une sorte de souvenir de notre rencontre puis nous avons parlé d'innocence et de changement. Vous vous êtes sûrement dit que la pureté de cette rose était souillée en la voyant et pourtant ne l'avez vous pas trouvée belle ?

Guerrière, voilà déjà un moment que nous conversons et je m'excuse par avance de mon audace mais pourriez-vous me dire votre nom ?

**

Je n'avais pas été si enthousiaste depuis des années, depuis sa mort sans doute. Je lui avait même parlé d'elle. Bien sûr, la guerrière l'avait prise pour mon amante mais c'était agréable de savoir qu'elle compatissait à ma douleur.

Était-je en train de la trahir en me précipitant ainsi à mon atelier pour voir si la Guerrière m'avait répondu ?

Cela faisait si longtemps que je n'avais pas éprouver d'autres sentiments que la haine, la rage ou la rancœur. On me considérait comme un héros mais je n'en était pas un. Tout ce que j'avais accompli n'était que le fruit de ma haine. Je ne faisais pas tout ceci par bonté d'âme ou parce que je voulais voir les habitants de ce pays libre du joug de l'Empereur. Tout ce que je voulais, c'était briser tous ceux qui étaient responsables de la mort d'une partie de moi-même, c'était détruire tout ce qu'ils avaient pu construire. Mes Maîtres n'approuvaient pas cette rage mais c'était tout ce qui me restait maintenant que je n'avais plus ma Saphira.

La Guerrière m'avait répondu. Je poussai un soupir de soulagement. Mon présent ne l'avait pas vexée apparemment. Elle ne me posait qu'une question à ce propos. J'effaçais son message pour lui en poser une à mon tour.

Mais le lendemain, mon message était toujours là. La Guerrière n'avait pas répondu.



NdA :

(1) Tous les passages en italique de ce chapitre correspondront aux messages qu'échangent Brom et Selena.

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