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Un capharnaüm dans ma tête
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14 août 2009

Gardienne : chapitre 5

Chapitre n°5 : Visions.

 

Il était midi. Les autres étaient partis manger au self et moi, j'avais prétexté un DM urgent pour ne pas y aller. C'était très dur de trouver des prétextes tous les jours pour excuser mon manque d'appétit et parfois, je ne pouvais pas y échapper. Il me fallait alors déployer une immense ingéniosité pour cacher le dégoût que ‘m’inspirait maintenant la nourriture.

Comme je le faisais d'habitude, je m’étais installée au café qui se trouvait à côté du lycée, un livre de blagues à la main et mon dixième café de la journée de l'autre. J'en étais à la blague trois cent vingt quatre.

‘’Un Vampire entre dans un bar et sort un tampon usagé de sa poche. Il dit au barman :

- Je peux avoir une tasse d'eau chaude s'il vous plaît. C'est pour une infusion. ‘’

« Je devrais essayer, grommelai-je, cela calmerait peut être ma faim.»

Je n'avais pas pu boire de sang depuis une bonne semaine. Les cinglés aux lances flammes, comme j'appelais les chasseurs de Vampires, semblaient avoir élu domicile sur mon terrain de chasse et empêchaient toutes les tentatives que je faisais pour me nourrir. Ces imbéciles me suivaient à la trace et je me demandais comment il faisait. Est-ce que je les empêche de prendre leur repas en paix ? Il me semble que non. Alors ne pourraient-ils pas en faire de même en ce qui me concerne ? Oh ! Mais zut ! J’oubliais que je devais me nourrir d’humain. C’est peut-être pour ça qu’ils mettent autant de soin à me chasser. Le manque de nourriture me rendait sarcastique apparemment mais dans tous les cas, si je ne trouvais pas un petit cou à me mettre sous les canines, j'allais finir par devenir folle. Ce soir, c'était décidé, je changeais de terrain de chasse. C'était la chose que j’aurais dû faire lorsque je les avais vus pour la première fois.

« Qu'est-ce que vous devriez essayer Ahélya ? Me demanda une voix inconnue.

- Dites donc vous ! Comment connaissez-vous mon prénom ? » dis-je en relevant la tête.

Le jeune homme de la bibliothèque était juste en face de moi. Toute ma mauvaise humeur s’envola. Je bafouillai un petit bonjour.

« Puis-je m'asseoir à cette table ? Le café est plein. » se justifia-t-il.

Je regardai autour de nous. A part nous deux, il n'y avait que quatre personnes dans le café. J’ai même dû rougir.

« Il n'est pas plein du tout » Commençai-je.

Je réalisai alors qu'il désirait s'installer avec moi.

« Mais bien sûr. » Répondis-je en souriant.

Il s'assit aussitôt en face de moi. Il prit alors un air interloqué.

« N'y avait-il pas un grand miroir ici, avant ?

- Oui, lui répondis-je. Il s'est tout d'un coup cassé sans que l'on comprenne pourquoi. »

En fait, c'était à cause de moi, il faut bien l'avouer. Les Vampires ne possèdent aucun reflet. C'est la vérité. Dès que nous faisons face à un miroir, il y a comme une réaction allergique. En résumé, le miroir se brise le plus souvent en mille morceaux.

« Vous avez faim ? Me demanda-t-il.

- J'ai déjà mangé, mentis-je.

- Cela ne vous fait rien si je mange maintenant.

- Pas le moins du monde. »

Il alla vers le bar et il commanda son déjeuner. Il revint bientôt s'asseoir en face de moi.

« J'ai une question à vous poser. Comment connaissez-vous mon nom ? Demandai-je.

- Oh ! C'est à cause de cela. »

Il chercha quelque chose dans les poches de sa veste. Il finit par me tendre un portefeuille noir.

« Vous avez dû le laisser tomber l'autre jour, à la bibliothèque. Je l'ai trouvé et depuis je vous cherche pour vous le rendre.

-Je ne m'en étais même pas aperçue. » avouai-je.

Je marquai une légère pause.

« Vu que vous savez comment je m'appelle, cela serait pas mal si nous étions à égalité sur ce point.

- Vlad.

- Vlad le diminutif de Vladimir ?

- Non. Vlad comme Vlad Tepes.

- Charmant. » jugeai-je légèrement perplexe.

Nul besoin de rappeler qui était Vlad Tepes ? Il s'agissait d'un tyran sanguinaire qui vivait en Valachie, une province de la Transylvanie au quinzième siècle. Son véritable nom était Vlad Dracula et son surnom signifiait Vlad l'empaleur. En effet, il avait la mauvaise habitude d'empaler mort ou vif ses ennemis comme ses sujets.

« Mes parents adoraient tout ce qui touchait au fantastique. Ils ont d'ailleurs publié un livre sur Vlad Dracula et

- Vous avez hérité du nom, finis-je à sa place.

- C'est cela. »

Il se mit à rire.

« En espérant que je ne finisse pas comme lui.

-Vous croyez aux Vampires ? demandai-je incrédule.

- Mes parents y croyaient dur comme fer en tout cas. »

Il n’avait pas répondu à ma question en attendant.

« Et vous ? » Demandai-je.

Fais tout de même gaffe Ahélya ! Tu es en terrain glissant ! Vlad ne répondit pas et préféra me retourner ma question.

« Il y a certaines choses qui me laisseraient penser qu'ils existent.» répondis-je.

Tu parles ! Tu en es surtout une preuve vivante Ou plutôt morte.

« Et quelles sont ces choses ? » demanda-t-il.

Heureusement, l'arrivée de son repas fit diversion. Il avait commandé un steak et des frites. Mais quelles étaient ces petites pelures qu'il y avait sur son steak ? Je sentis alors une odeur très désagréable et j'eu soudain mal au cœur. Vlad attaqua son déjeuner avec appétit tandis que moi je mourais d’envie de vomir. Tout à coup, Vlad s'aperçut de mon trouble.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Vous êtes toute pâle enfin Encore plus pâle que d'habitude. »

Mais qu'est-ce qui me rendait malade ? L'odeur persistait et augmentait mon mal de ventre. Je regardai l'assiette de Vlad et je compris enfin. Je me levai précipitamment. Je sortis du café puis couru jusqu'au lycée. J'entrai enfin dans les toilettes les plus proches de l’entrée et je vomis une grande quantité de sang.

« Ail ! Vrai ! » M'exclamai-je tout haut.

Par contre, je n'aurais jamais pensé que les effets de l'ail sur les Vampires étaient des maux de ventre et des vomissements. Cela ne m'étonne pas maintenant que nous le fuyons comme la peste. Vlad m'avait suivie. Il se tenait sur le pas de la porte.

« Ça va mieux ? » Me demanda-t-il.

Son haleine empestait l'ail. J'eu une nouvelle vague de nausée que j'essayai de réprimer.

« Oui, je crois que je vais un peu mieux. »

J'irai beaucoup mieux si vous vouliez bien vous éloigner de moi.

« Je ne comprends pas. Qu'est-ce qui a pu vous rendre malade ? »

Il me jetait un regard soupçonneux. Il va comprendre bon sang ! Des images défilèrent tout d’un coup devant mes yeux mais elles étaient beaucoup trop floues pour que je puisse y distinguer quelque chose. Il y avait un de ces lances flammes Je me retins à l'un des lavabos et tentai de me concentrer sur ce je voyais. Mais les images devinrent encore plus floues. Cela ne servait à rien. Absorbée par ce que j'essayais de voir, je ne m'étais pas aperçue que Vlad s'était approché de moi. Tout près de moi.

« Ça va ? » Demanda-t-il de nouveau.

Les images avaient disparu. Je ne me souvenais pas avoir entendu parler de visions chez les Vampires.

« Je vais bien. » Répondis-je au jeune homme.

Je regardai ma montre et inventai une excuse pour le quitter. Il sentait toujours autant l'ail et si je ne m'éloignais pas de lui

« Il faut que j'y aille. J'ai un cours qui commencent dans cinq minutes.»

Je retournai avec lui au café pour prendre mes affaires. Si je m’étais habituée à l'odeur dail que Vlad dégageait, la vue de son déjeuner souleva en moi une nouvelle vague de nausée.

« Au revoir, dis-je en serrant la main de Vlad.

-Pourquoi ai-je l'impression que vous me fuyez ? » Me demanda-t-il.

Je ne répondis pas et partis le plus rapidement possible au lycée. Sitôt entrée, je m'appuyai contre le mur et poussai un soupir de soulagement. Du moins, j'en aurais poussé un si j'avais pu respirer. J'essayai ensuite d'analyser les sentiments que je pouvais avoir sur Vlad. J'avais envie de le mordre, c'était certain, et de boire son sang par la même occasion bien sûr. Ce serait si délicieux, et pourtant je ne voulais pas qu'il lui arrive le moindre mal. Je sentais mes instincts encore naissants de Vampire et mes anciennes habitudes humaines se battre en moi. Je me passai la main sur le front et la regardait. Elle était couverte d'une fine pellicule rose, rouge. Tout comme mes larmes qui n’étaient pas faîtes que d’eau, ma transpiration charriait du sang.

« Il faut que je boive. Je ne pourrais pas tenir. » Dis-je tout haut.

Des yeux vert foncés firent alors leur apparition dans mes pensées.

« Non, chuchotai-je. Pas lui. Pas son sang. »

Je décidai de rejoindre mes amis pour me changer les idées mais je devais en même temps essayer d'ignorer la bonne odeur de sang qu'ils dégageaient. Il fallait que je tienne jusqu'à cette nuit. Ce soir, j’allais changer de terrain de chasse. Les cinglés aux lances flammes ne m'auraient pas. Ils ne m'auront jamais.

 

A dix-huit heures, à la sortie des cours, Vlad m'attendait au portail. Il me donna mon portefeuille.

« Tu l'avais encore oublié. »m’apprit-il.

C’est moi ou il est passé au tutoiement !

« Merci de me l’avoir rapporté. » bredouillai-je.

Je n’étais vraiment pas capable de dire autre chose.

« A demain. » fit finalement Vlad face à mon manque de réaction.

Mais il me donna un rapide baiser sur la joue avant de partir à sa voiture qui l’attendait un peu plus loin.

« Qui est-ce ? Me demanda Éva, l'une de mes meilleures amies.

- Quelqu'un que j'ai rencontré à la bibliothèque, répondis-je d’un ton évasif.

- Que tu as rencontré à la bibliothèque, répéta-t-elle avec un petit sourire. C'était lui ton DM urgent à midi ? »

Pas vraiment.

« Je comprend mieux pourquoi tu nous as lâché. J'aurais bien inventé un DM pour manger avec mon petit ami moi aussi. Pourquoi ne nous as-tu pas parlé de lui ? »

- Ce n'est pas mon petit copain, protestai-je. Ce n'est que la troisième fois que je le voie OK !

- Ce serait bien si tu avais un petit ami. Depuis ta rupture avec Jérémie, tu n'es sortie avec personne d'autre.

- Tu oublies Alex.

- Deux jours ! Quel record !

Et puis, avoue que tu serais contente pour une toute autre raison ! Alex et moi, nous arrêterions peut être de te taquiner à propos d’une certaine personne !»

Son petit ami en l’occurrence. Je partis en courant et elle me poursuivit jusqu'à notre arrêt de bus. Il y avait encore quelques semaines, elle aurait été en mesure de me rattraper et même de me dépasser facilement.

« Tu ne perds rien pour attendre ! » Me dit-elle lorsqu’elle me rejoignit.

Elle avait le souffle court alors que moi, je n'étais même pas essoufflée. Je pouvais difficilement l’être après tout.

 

Au cours de cette nuit, je changeai de terrain de chasse ainsi que je l'avais décidé. La faim était de plus en plus obsédante. Ce n'était pourtant pas la première fois que je ne me nourrissais pas pendant plusieurs jours. Oui, mais lorsque que cela m'était arrivée, c'était juste après ma transformation. Je n'avais pas encore bu de sang humain.

J'étais dans le petit parc de la ville que j'avais élu comme nouveau terrain de chasse pour cette nuit. J'entendis soudain un bruit de pas. Je n'allais pas prendre la peine d'attirer ma future victime dans mes filets. Je n’avais pas le temps pour la subtilité cette nuit.  Je me postai derrière un arbre pour l'attendre. Dès qu'elle apparaîtrait, je lui sauterais dessus et je pourrais boire son sang.

L'attente ne fut pas longue. Les pas se rapprochaient de plus en plus. Je n'allais pas tarder à bondir. Ma victime passa devant l'arbre qui me servait de cachette. Je lui sautai dessus et la fis tomber. En maintenant sa tête sur le sol, je cherchai la veine qui allait me rendre ma vigueur. Je le trouvai puis mordis, ivre de bonheur et de plaisir mais cela ne dura pas.

Ce n'était pas le remord cette fois qui surgit soudainement. C'était autre chose. Des images se mirent à défiler devant mes yeux. Je voyais mes amis. Éva, Alex, Jenny, Clara, Marie... Tout s'arrêta. L'image resta bloquée sur Marie. J'eu alors un horrible soupçon. Je lâchai la personne que je venais de mordre puis la retournai. Ce furent deux exclamations.

« Marie !

-Ahélya ! »

Je me levai précipitamment. Mais c’est pas vrai ! Marie s'agenouilla. Elle me regardait sans comprendre. Elle ne tarda pas à porter la main à son cou et son regard s'éclaira. Je me dirigeai vers l'arbre qui m'avait servi de cachette quelques minutes plus tôt puis j’y donnai un puissant coup de poing. L'arbre s'ébranla. Je retirai ma main en laissant un trou dans le tronc. J'étais quelque peu calmée. Je regardai ma main. Elle était presque guérie. J'enlevai rapidement les quelques échardes qui y étaient encore plantées. Je m'accroupis ensuite à côté de Marie.

« Ça va ? » Lui demandai-je

Elle tenta de s'éloigner de moi. Je la retins par le bras.

« Reste ici. » Ordonnai-je en la regardant dans les yeux.

Elle prit aussitôt le regard de ceux que j'hypnotisais. Je claquai des doigts. Ces yeux reprirent une lueur de la vie.

« Fais voir. » ordonnai-je en lui penchant la tête.

J’examinai avec attention les traces que j’avais laissées sur son cou.

« Elles devraient se refermer d'elles-mêmes dans quelques jours, lui expliquai-je en la lâchant. Pendant ce temps, tu devras mettre des foulards ou des cols roulés. »

Elle garda d’abord le silence. Ses yeux marrons, plus clairs que les miens, ne quittaient pas mon visage.

« Tu es… depuis quand ?

- Cela fera un mois dans deux jours. »

Elle ne fit aucune remarque à ce propos.

Tout humain au courant de l'existence des Vampires devait mourir ou alors être transformé.

Mais une deuxième loi se mêla ensuite à la partie.

Les Gardiens ne devaient engendrer aucun Vampire.

« Les Gardiens ? » répéta Marie.

J'avais prononcé cette loi à voix haute sans même m'en rendre compte.

« C'est une loi des Vampires, expliquai-je.

- Tu es une Gardienne ? demanda-t-elle.

- Bien sûr que non. »

En fais, je ne savais même pas ce que voulait dire ce mot mais j’avais un autre problème pour le moment.  Je me mis à réfléchir. Je devais la tuer. Ahélya, comment cette idée a-t-elle pu te traverser l'esprit ? C'est de Marie dont tu es en train de parler. Tu ne peux pas la tuer voyons ! C'était vrai. Je ne pouvais pas faire cela. Il ne semblait pas y avoir d'autre solution pourtant ou alors

« Regarde-moi. » ordonnai-je.

Elle obéit à cet ordre. Je l'hypnotisai.

« Oublie tout. Retourne chez toi et dors. Ne cherche pas d'explication à la blessure que tu as au cou mais cache-la à tous. Même à tes amis. »

Je retournai derrière l'arbre. Marie se réveilla après quelques secondes, regarda autour d'elle puis quitta enfin le parc. Je décidai de retourner dans mon petit studio. J’avais perdu tout appétit… Pour cette nuit du moins.

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