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Un capharnaüm dans ma tête
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12 février 2010

Carnet de bord d'une jeune Vampire : chapitre 2

Chapitre n°2 : Les Maatans

Nuit 6.

J’espérais beaucoup de notre visite chez ses autres maas. Même si ma blessure à la jambe était guérie maintenant, je voulais les voir. Je voulais les rencontrer. Cette nuit, le petit fils de notre hôte vint me chercher et me conduisit à eux. Je tremblai à l’idée de laisser seule la Belle au bois dormant. Je ne savais pas encore combien de temps j’allais rester chez les maas s’ils acceptaient que je demeure avec eux. Le petit fils de notre hôte me guida à travers le dédale des rues. Nous aboutîmes enfin tout près du Nil. Mon guide s’approcha d’un immense rocher et frappa dessus trois coups avec un sabre. Je n’avais même pas remarqué qu’il avait emmené une arme avec lui. Sous mon regard étonné, le rocher glissa sur le côté. Un escalier qui plongeait jusqu’au centre de la terre apparut alors devant nous. Il me tendit la main. Je la pris. Comme à chaque fois que je le touchais ou qu’il me touchait, je sentis cet étrange contact s’établir entre nous deux, ce lien bizarre auquel je ne pouvais pas donner de nom. Nous empruntâmes l’escalier en silence. Derrière nous, le rocher était en train de se remettre en place. Nous fûmes bientôt plongés dans le noir. Je regardai mon guide. Il faisait noir mais je le voyais parfaitement… un peu comme s’il était en pleine lumière… un peu seulement. Ma vision nocturne est un peu différente de ma vision diurne. Encore un des pouvoirs des maas. Il était logique que je puisse voir même en absence de lumière ce qu’il se passait. Après tout, la nuit était mon royaume. Par contre, ce n’était pas le cas de mon compagnon. Pourtant, il continuait de descendre les escaliers sans la moindre hésitation, sans avoir peur.

« Comment faîtes-vous ? » demandai-je soudain.

Il jeta un coup d’œil vers moi.

« Comment je fais quoi ?

-Vous n’êtes pas comme moi et pourtant, vous vous dirigez parfaitement malgré l’absence de lumière. »

Je le vis hausser les épaules. Il m’entraînait toujours plus bas. Enfin, nous arrivâmes à la fin de cette descente interminable. Au pied de l’escalier nous attendait une jeune femme blonde à la peau encore plus blanche que la mienne. Une lueur de joie s’alluma dans ses yeux bleus foncés à la vue de mon compagnon. Elle ne se jeta pas dans ses bras malgré l’envie qu’elle semblait en avoir. J’observai mon guide. Lui aussi, il était heureux de la voir. Plus qu’heureux même ! Une vague de jalousie déferla alors en moi. Je ne connaissais cet homme que depuis quelques jours mais j’étais tout de même jalouse. Ils ne semblèrent pas se rendre compte de ce que j’éprouvais. Il faut dire que je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour le leur cacher. Après un chaleureux salut, il me présenta enfin à cette jeune femme blonde.

« Olympe, dit-il, voici la jeune fille dont je t’ai parlé.

-Ah oui ! Celle qui a perdu la mémoire. » Répondit-elle d’un ton plein de légèreté.

Elle m’observa des pieds à la tête. Elle se mit alors à tourner autour de moi comme un vautour. Elle me regarda sous toutes les coutures. Je n’allais pas la laisser faire cela très longtemps. J’avais remarqué quelques jours auparavant que mes ongles étaient plus tranchants que des couteaux. Je serrai le poing puis à la plus grande vitesse dont j’étais capable, je lançai ma main à hauteur de son visage. Je l’arrêtai un peu avant de lui crever les yeux. Elle écarta lentement ma main en me regardant dans les yeux. Elle souriait.

« C’est bien ce que je pensais. » murmura-t-elle.

Elle se tourna ensuite vers le jeune homme aux yeux noirs.

« Nous allons la garder avec nous, l’informa-t-elle.

-Tu es sûre Olympe ? Les autres pourraient ne pas être d’accord avec toi, objecta mon guide.

-Ils le seront sûrement après leur avoir parlé d’elle.

-Je ne comprends pas.

-Je t’expliquerais.

-Vous et vos satanés secrets ! » S’exclama-t-il.

Il semblait excédé.

« Je ne t’ai jamais dit que tout ceci était un secret. Je dois juste vérifier quelques petites choses avant de t’en parler.

-Comme tu veux. »

Elle s’adressa enfin à moi.

« Tu resteras ici pour apprendre, me dit-elle. Tu as peut être perdu la mémoire mais tu as toujours tes pouvoirs. Nous allons t’apprendre à te battre mais aussi à te servir de tes pouvoirs pour cela.

-Et la Belle au bois dormant ? » Demandai-je.

Elle me fixa intriguée. Elle ne comprenait pas. Moi, de mon côté, il fallait peut être que j’arrête d’appeler ainsi celle qui était maintenant ma sœur de sang… Non !

« Son amie, expliqua mon guide.

-Pourrais-tu la garder chez toi pour le moment. Elle n’est pas une maa. Elle n’a donc rien à faire ici.

-Je préférerais tout de même rester avec elle. » Intervins-je.

C’est alors que quelqu’un d’autre arriva. Elle nous regarda. Son attention se fixa soudain sur moi.

« Tu t’inquiètes pour elle, affirma-t-elle.

-Mais pas du tout. » Mentis-je.

Elle me fixa longuement puis sourit. Ce sourire dévoila ses canines tranchantes. J’étais mal à l’aise. On aurait dit qu’elle savait. On aurait dit qu’elle avait compris ce que nous avions fait la Belle au bois dormant et moi. Elle s’approcha lentement de moi. Son sourire s’élargit. Aussi mystérieusement qu’elle était apparue, elle disparut. Je me tournai vers Olympe et mon guide. Je ne comprenais pas.

« Qui était-ce ?

-Nirthy, répondit la maa, ma jumelle.

-Pour une jumelle, elle ne vous ressemble pas vraiment, fis-je remarquer.

-Qu’est-ce qui lui a pris ? Questionna mon guide.

-Je ne sais pas.

-Tu es sa jumelle ! Tu devrais le savoir.

-Les liens qu’ils existent entre jumeaux sont beaucoup plus complexes que tu ne le croies Ishta. »

Ishta ! Comme l’homme à qui je parlais dans mon rêve ! Je me tournai vers lui.

« Ishta… c’est votre nom ?

-Oui. Je ne vous l’avais pas dit ? »

Un nouveau mal de tête surgit. Comme à chaque fois que quelque chose me rappelait mon passé, une violente migraine éclatait à l’intérieur de ma tête. Je recommençai à voir des choses. J’entendis des voix… la mienne et celle d’un homme. J’entendis des chuchotements… des soupirs… des gémissements… Je m’évanouis.

 

J’étais réveillée mais je n’ouvris pas tout de suite les yeux. Cela faisait du bien de ne penser à rien pendant quelques minutes, de rester allongée les yeux fermés. J’entendis la voix d’Olympe et celle de l’autre maa que j’avais rencontré… celle qu’Olympe avait appelée Nirthy. Que devais-je penser de l’attitude qu’elle avait eue envers moi ? Les deux maas n’avaient pas encore remarqué que j’avais repris connaissance. Elles étaient en train de parler de moi. Je tendis l’oreille pour ne rien perdre de la conversation.

« Olympe, tu es vraiment sûre de ce que tu avances ?

-Oui. Tu ne l’as pas senti. Elle est des nôtres. J’en mettrais ma main à coupé… et puis…

-Je dois allée voir la Première-née alors, l’interrompit brusquement Nirthy.

-Nous leur en parlerons tout à l’heure.

-Je dois aller la voir c’est tout.

-Mais qu’est-ce que tu as ! Je ne t’avais jamais vu comme cela !

-Comme quoi ?

-Pourquoi fais-tu des histoires ? »

Elles se turent pendant quelques minutes. Nirthy reprit la parole.

« Très bien. Fais ce que tu veux. »

Je l’entendis s’éloigner.

« Au fait… elle est réveillée depuis un bon moment. Maa sans nom et sans mémoire, j’espère que notre conversation t’a appris tout ce que tu voulais savoir. »

Elle partit. Olympe vint vers moi. J’ouvris enfin les yeux. Je m’assis sur la table de pierre où elle m’avait allongée.

« Tu vas mieux ? » me demanda la maa aux cheveux blonds.

Je commençais à en avoir assez qu’on me demande si cela allait toutes les cinq minutes. Je n’étais pas en sucre bon sang ! Je déteste dépendre des autres et depuis que j’étais ici cela n’avait pas cessé. Il y avait d’abord eu la Belle au bois dormant puis Ishta et son grand père. Maintenant, il y avait cette satanée Olympe qui bavait sur mon Ishta ! Mais qu’est-ce qui me prend ?! Je ne le connais même pas et je me comporte comme une tigresse enragée et jalouse pour le récupérer. Je n’étais pas dans mon état normal. Je regardai Olympe. Ishta avait dit que Nirthy et elle étaient jumelles. Mais plus je la regardais et moins, je trouvais de similitudes entre la blonde et douce Olympe et la brune et volcanique Nirthy. De toutes les personnes que j’avais rencontré jusqu’à maintenant, c’était elle qui m’avait le plus intriguée. Avec Ishta bien sûr ! Olympe semblait avoir compris que je me posais des questions sur son énigmatique jumelle. Elle posa la main sur mon genou. Je dus prendre sur moi pour ne pas m’éloigner d’elle. Olympe me rassura.

« Ne t’inquiète pas maa sans nom. Nirthy n’est pas méchante. »

Elle regarda dans la direction qu’avait empruntée la maa aux cheveux bruns.

« Elle m’inquiète un peu depuis quelques jours, ajouta Olympe. Elle est très agitée et je n’arrive pas à savoir pourquoi. Ce qui est assez étonnant puisque nous sommes jumelles. »

Elle me tendit la main et m’aida à me lever.

« Mais ce n’est pas cela qui t’intéresse pour le moment. Viens avec moi… tu vas rencontrer les autres.

-Les autres ?

-Oui. Tu as perdu la mémoire. Tu ne sais donc plus comment te servir de tes pouvoirs. Nous allons te l’apprendre ou plutôt… te le réapprendre.

-Je n’ai pas besoin d’apprendre, répliquai-je d’un ton froid.

-Cela… c’est toi qui le dis.

-Je le dis et je le maintiens. Je n’ai pas besoin de m’entraîner avec des maas en couche culotte et cela même si j’ai perdu la mémoire.

-Ne méprise pas tes semblables maa sans nom.

-Ils ne sont pas mes semblables. » Contrai-je.

Cette réponse la fit sourire.

« Ishta a bien fait de t’amener ici.

-Qui êtes vous ? Je sens que vous n’êtes pas comme les autres… je sens que vous n’êtes pas une simple maa. »

Elle applaudit.

« Tu as raison. Je ne suis pas vraiment une simple maa. »

Elle s’éloigna.

« Tu n’es pas seulement ici pour t’entraîner. Tu vas aussi devoir réapprendre nos us et coutumes. Tout ce que tu as oublié en fait… et parmi celles-ci, il y a l’obéissance que tu dois à tes supérieurs, c’est-à-dire à moi en particulier et aux Maatans en général.

-Maatans ?

-Oui. Tu apprendras bien assez tôt ce que nous sommes. Profite bien de ta liberté maa sans nom. Ishta va te reconduire chez lui. Tu pourras ainsi faire tes adieux à celles que tu nommes Belle au bois dormant. »

Elle partit. Je murmurai dans ma langue natale.

« Je n’obéis à personne et surtout pas aux autres Gardiens. »


Jour 6.

L ‘aube était sur le point de se lever quand je rentrai chez le grand père d’Ishta en compagnie du jeune homme. Ce dernier me conduisit directement à la chambre que j’occupais avec Belle au bois dormant. Elle dormait encore mais elle commençait à s’agiter. Elle n’allait sans doute pas tarder à se réveiller. Je me tournai vers Ishta. Il me sourit.

« N’ayez pas peur. Nous prendrons soin d’elle.

-J’avais promis… » Commençai-je.

Je me tus brusquement. Ishta était à la solde des Maatans, des Gardiens dans ma langue natale. Pourquoi est-ce que je me souvenais de la traduction de Maatan alors qu’il me semblait impossible de me souvenir de ce voulait dire maa dans cette langue là ? Ishta ne devait pas savoir pour la promesse que nous avions faîtes. Il ne devait rien savoir de l’échange de sang. Je ne serais pas surprise si j’apprenais que la Loi des maas interdisait tout échange de sang entre maa et une autre espèce… surtout s’il s’agissait d’une espèce ennemie.

« Laissez-nous seules. » ordonnai-je.

Il me regarda. Il semblait surpris. Il est vrai que depuis que j’étais arrivée ici, je n’avais pas vraiment montré ma véritable nature. Il me prit par la main. Je la retirai vivement. Il me prit ensuite par le menton. Il m’observa attentivement. Il me regarda comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Je savais qu’il cherchait à savoir, à percer le mystère qui m’entourait. Soupçonnait-il les liens qui nous unissaient ? Il portait le nom de l’homme que je voyais dans mes rêves, dans mes souvenirs. J’étais certaine qu’il s’agissait de la même personne. J’avais compris maintenant. Il allait être transformé en maa. Peut être était-ce lui qui avait fait de moi ce que j’étais ?

« Vous êtes une bien étrange personne maa sans nom, me dit-il. Je crois avoir compris pourquoi Olympe tient tant à vous garder près d’elle.

-Vous êtes bien le seul alors, répliquai-je.

-Laissez-moi percer tous vos secrets. » Murmura-t-il.

Il se pencha vers moi et ses lèvres effleurèrent les miennes. Cette situation m’en rappelait une autre. Je fermai les yeux. Je marchais au côté d’Ishta dans une ruelle sombre. Je n’entendis pas ce qu’il me disait mais j’entrai soudain dans une colère folle. Je le coinçai contre le mur puis je plongeai mes ongles dans son cou. Je rouvris les yeux. Il était toujours là… avec ses yeux noirs ensorceleurs qui me fixaient. Je ne m’en étais pas rendue compte mais j’avais noué mes bras autour de son cou tandis que les siens entouraient ma taille. Nos lèvres s’était unies de nouveau dans un baiser sans fin. Une voix… sa voix me murmura à l’oreille :

« Ma Gardienne tant aimée… »

Nous continuâmes de nous embrasser. Ce n’était donc pas lui qui avait pu dire cela. Je fermai de nouveau les yeux mais les siens continuaient à être devant moi. Ils prirent une lueur de joie à la vue d’une jeune femme blonde. Elle se retourna et sourit. Olympe !

Je rouvris brusquement les yeux. Je dénouai mes bras puis le poussai loin de moi. Il me regarda sans comprendre. Je m’approchai de nouveau de lui… douce et soumise. Il n’était vêtu que d’un léger pagne. Mes doigts se mirent à parcourir son torse nu. Je trouvai immédiatement l’un de ses points sensibles. Il gémit. J’avais obtenu ce que je voulais. Je le giflai ! Ce geste m’en rappela un autre. Je vis un combat. Je sentis que j’avais un poignard à la main. Il se retourna et entailla ma paume. Je tentai de gifler une seconde fois Ishta. Il arrêta ma main avant qu’elle ne touche sa joue. Il était plus fort que je ne le pensais. Je l’avais sous-estimé. Une autre voix… la mienne si fit soudain entendre.

« Ne me sous estime jamais Ishta. »

Encore une phrase tirée de l’un de mes souvenirs. Pendant ce temps, Ishta en avait profité pour maintenir mes poignets serrés dans ses mains. Il avait presque deux têtes de plus que moi mais je continuai de le défier du regard. Un autre souvenir me vint alors à l’esprit. Il m’arracha un léger sourire.

« Mais qu’est-ce qui t’a pris ?! S’exclama-t-il.

-Désolée mon cher sauveur mais moi aussi, j’ai ma fierté, répliquai-je ironiquement. Pauvre petit Ishta, il ne peut pas avoir Olympe la Maatan alors il se rabat sur moi, une simple maa… sans nom, sans mémoire et peut être sans avenir. »

Le soleil était levé maintenant. Heureusement que nous nous trouvions dans un coin sombre. La Belle au bois dormant était donc réveillée. En effet…

« Je vous dérange ? demanda une petite voix moqueuse.

-Pas du tout. » Siffla Ishta entre ses dents.

Je l’avais mis en colère. Il me lâcha. Il commença à s’éloigner de moi mais il se retourna.

« Tu as raison, me dit-il, pourquoi devrais-je m’encombrer d’une petite maa comme toi… orgueilleuse, vengeresse et rancunière alors qu’une douce et attentionnée Maatan du nom d’Olympe n’attend que moi. »

Il s’éloigna ensuite à grand pas. Je murmurai :

« Oh non Ishta… tu verras un jour que la petit maa orgueilleuse et vengeresse te convient beaucoup mieux que cette trop douce Olympe. »

Si ce que j’avais vu était vrai bien sûr. Ce souvenir m’arracha un nouveau sourire. J’avais raison en disant que je n’avais pas encore montré ma vraie nature. Je me mis alors à rire sous le regard étonné de Belle au bois dormant.

« Qu’est-ce tu as ? Qu’est-ce qui te fais rire ?

-Juste une petite histoire de vitrine. » Répondis-je.

La Belle au bois dormant haussa les épaules. Elle ne me demanda pas d’explication. Remarque, il valait mieux. Ma chère Belle au bois dormant semblait si pure et innocente, je n’allais donc pas lui raconter mes exploits avec Ishta contre la vitrine d’un magasin de souvenirs.

« On dirait que la mémoire te revient.

-On peut dire cela. Mais ce ne sont que des flashs sans véritables liens. Je n’ai pas encore retrouvé toute ma mémoire.

-D’accord… et ta visite ?

-Je vais devoir partir et j’ai bien peur qu’ils ne m’autorisent pas à revenir ici avant un bon moment.

-Et moi ?

-Tu resteras ici. Poursuis tes recherches de ton côté. J’essayerai de m’échapper pendant la nuit.

-Nous ne pourrons pas nous parler.

-Je le sais bien.

-Bon… je te laisserais donc une lettre ici même pour te tenir au courant de ce qu’il se passe…

-Et je ferais de même de mon côté, la coupai-je.

-Nous sommes d’accord alors. »

Je lui tendis la main. Elle la prit.

« Sœurs de sang ! » avons-nous prononcé en même temps.


 Nuit 7.

Une nouvelle fois, Ishta me conduisit dans le dédale des rues jusqu’au rocher qui cachait l’entrée de la cachette des Maatans. De nouveau, je descendis l’escalier. De nouveau, Olympe nous attendait en bas. Mais cette fois-ci, elle n’était pas seule. Sa jumelle était là elle aussi. La Maatan brune me prit par la main et me conduisit dans une pièce aux murs rouges. Au fond, il y avait plusieurs coffres de bois. Elle se dirigea vers l’un d’eux et l’ouvrit. Elle en sortit des vêtements : un pantalon et une tunique.

« Met cela ! » ordonna-t-elle en me les jetant.

Je les attrapai au vol puis les examinai de plus près. Ils étaient chinois et non égyptiens. Mais où étais-je donc tombée ? Réflexion faite, c’était logique. Les maas avaient certainement déjà envahi le monde entier. En silence, j’enfilai ces nouveaux vêtements. Nirthy alla à un autre coffre. Elle en sortit cette fois-ci un nécessaire d’écriture pour scribe qu’elle me tendit. Je le pris. Elle me prit de nouveau par la main. Nous rejoignîmes Ishta et Olympe. Le mortel et la Maatan se regardaient dans les yeux. Ils étaient aux anges tous les deux. Ishta tourna la tête vers moi. Il s’éloigna d’Olympe. Avait-il honte ? Je détournai le regard.

« Elle est prête. » dit Nirthy.

Olympe inclina légèrement la tête puis prit le relais de Nirthy. Elle me prit par la main. Nous plongeâmes dans les dédales du souterrain à une vitesse incroyable. J’eus cependant le temps d’entendre Nirthy dire à Ishta :

« Cesse cette quête insensée mon ami. Ma jumelle n’est pas celle qui te faut. Vos caractères sont beaucoup trop opposés… »

Je n’entendis pas la suite. Dommage ! Olympe s’arrêta enfin devant un rideau noir. Elle l’écarta. Dans la pièce, se trouvait un vieil homme aux cheveux et au teint blancs, aux yeux brillants et au nez crochu ainsi qu’une dizaine d’autres personnes. Six hommes et quatre femmes… tous des maas. Ils étaient de tous les âges et de toutes les nationalités. On les avait tous les dix revêtus de la même tenue que moi et ils étaient assis en tailleur par terre sur des nattes de papyrus. Devant eux, Nez crochu se tenait debout devant un long papyrus accroché au mur sur lequel on avait tracé des signes. Il s’agissait de l’alphabet des maas. Je portai la main à mon front en murmurant :

« Il ne manquait plus que cela.

-Silence ! » Ordonna Nez crochu.

En plus, avec les capacités auditives des maas, il était impossible de communiquer entre… élèves. J’avais envie de me rebeller mais… je me calmai très vite. C’était peut être ma seule chance de savoir comment retourner dans mon époque avec Belle au bois dormant. On me présenta puis on m’ordonna de m’asseoir. Ce que je fis de mauvaise grâce. Je m’assis derrière les autres maas. Olympe nous laissa. Elle allait sûrement rejoindre son cher petit Ishta… arrête ma petite maa, pensai-je, tu commences à devenir mesquine. Prenant mon mal en patience, j’écoutai la leçon. S’ensuivit deux heures sur l’alphabet et le langage qu’utilisait les maas Des choses que je savais déjà. Je m’amusai à écrire la correspondance entre mon alphabet et celui des maas. Le voici:

Au bout d’une heure et demi, tout ceci commença à me prendre la tête. Je n’étais pas venue ici pour aller à l’école mais pour en apprendre plus sur ce que j’étais. Pour passer le temps, je me mis à écrire à Belle au bois dormant.

 

Ma chère sœur de sang,

  Ici, c’est horrible ! Je ne sais pas pourquoi je suis venue. Ils m’ont faite retourner à l’école. Et je ne crois pas que cela va donner de bons résultats. Pour l’instant, tout ce que j’ai obtenu, c’est quelques souvenirs du lycée. Au moins, cela m’aura permis de les revoir. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour, je serais capable de les oublier. Mes amis…

« Ouille ! »

Je levai la tête. Nez crochu se tenait devant moi et il avait une baguette de bois souple à la main. Baguette avec laquelle il venait juste de me frapper sur le bras.

« Tu n’es pas ici pour cela. » me dit-il en détachant bien les syllabes.

Je me levai. Il recula. Je m’approchai de lui. Il recula encore. Il était très effrayé.

« Retourne t’asseoir, ordonna-t-il. Tu dois m’obéir. »

Je souris.

« Écoute…Tu dois obéir aux Maatans et aux Ephisos maa sans nom. Tu me dois le respect. »

Il commençait à paniquer. D’un mouvement rapide, je réussis  lui prendre sa baguette.

« Je te dois le respect, répétai-je tranquillement en faisant mine d’examiner la baguette. En es-tu si sûr que cela ? »

Je me mis à jouer avec la baguette.

« Tu n’es qu’un éphiso mon ami… un sans pouvoir. Tu vaux encore moins qu’un simple maa. Tu crois que je te dois le respect mais… la seule chose que je peux te donner… c’est le mépris. »

Je me mis à jongler avec la baguette. Rapidement, je lui assenai une petite tape sur le bras avec. Je me remis à jouer. Notre cher éphiso eut alors un regain de courage. Il tenta de me reprendre la baguette. Il la loupait à chaque fois. J’étais plus rapide et plus forte que lui. Mes sens étaient beaucoup plus développés. Les autres élèves, qui n’avaient pas su comment réagir au début, riaient maintenant. Je m’amusais comme une petite folle.

« Cela suffit ! »

Je me retournai vers le rideau. Un garçon d’une quinzaine d’années se tenait devant moi. Il s’agissait d’un Maatan. Nez crochu et les autres élèves s’inclinèrent. Je ne bougeai pas d’un pouce. Nez crochu ordonna :

« Incline-toi devant le Premier. »

Je regardai celui qu’il avait affublé de ce titre. Le Premier… ce titre avait réveillé en moi un souvenir. Je vis un visage d’homme aux yeux bleus clairs, aux traits presque androgynes.

« Vous n’êtes pas le Premier, murmurai-je.

-Mais si, répondit le garçon. Je suis le premier Maatan qui ait été créé. Mon nom est Maek. »

Je souris.

« Maek, répétai-je, enchantée.

-Pas moi, répondit-il. De quel droit as-tu fait cela ? »

Je ne répondis pas. Je n’allais pas tout de même dire que j’avais fait cela pour m’amuser. Quoique…

« Quel est ton nom ? »

Je me mis à rire. C’était bien cela le problème.

« Comment pourrais-je vous dire une chose que j’ignore.

-Ah… c’est donc toi, celle qui a perdu la mémoire. Olympe nous a parlé de toi.

-Ravie de l’apprendre.

-Suis-moi. » Ordonna-t-il.

Il se retourna. Je lui emboîtai le pas. Je me retournai sur le seuil de la porte. Je m’autorisai alors une petite espièglerie. Je tirai la langue à Nez crochu en laissant tomber la baguette de bois par terre puis je suivis Maek jusqu’à une immense salle. Je restai sans voix. Cette salle dépassait par sa richesse, sa grandeur… tout ce que j’avais pu voir jusqu’à maintenant. Un tapis rouge sang menait jusqu’à une estrade de bois argentée où se trouvaient deux sièges. Plutôt devrais-je dire deux trônes. Sur le côté gauche de la pièce, une quinzaine de sièges s’alignaient. Même chose pour le côté droit. Au milieu de la salle, un splendide autel de pierre se dressait. Je voulus l’examiner de plus près mais Maek m’en écarta… avec une rafale de vent. Je regardai les alentours. Je ne l’avais pas encore remarqué mais derrière les deux trônes de bois et d’argent sertis de pierres précieuses et semi-précieuses, on avait tracé sur le mur un bas relief qui me rappelait… le signe qu’il y avait sur le poignard de mes visions. Enfin… l’un des deux signes qui s’y trouvait. Maek se tourna vers un éphiso aux yeux méchants mais qui se fit soumis face au premier né des Maatans.

« Appelle tous les autres Maatans, ordonna Maek.

-Bien Maître. » Répondit l’éphiso en plongeant dans une profonde révérence.

Pendant ce temps, je continuais d’observer l’endroit où je me trouvais. Mon regard était attiré par l’autel qui se trouvait au centre de la pièce. Je savais que Maek observait attentivement tout ce que je faisais. Je remarquai soudain qu’au dessus des sièges qui étaient alignés de chaque côté du mur se trouvait des statues. J’identifiai rapidement deux ou trois Dieux qui y étaient représentaient mais je donnais ma langue au chat pour les autres. J’avisai soudain une Déesse à tête de lionne. Dans un état second, je m’en approchai puis je tendis la main vers elle. Bien sûr, je ne pouvais pas l’atteindre.

« Sekhmet. » murmurai-je.

Oui, c’était bien elle. C’était Sekhmet, la lionne, la destructrice, la déesse sanguinaire responsable des épidémies mais qui avait aussi le pouvoir de guérir. A côté d’elle, il y avait une autre Déesse à tête de félin. Il s’agissait de Bastet, un corps de femme et une tête de chatte. Bastet, la bienfaisante. Sekhmet et Bastet… elles étaient toutes les deux une incarnation, une transformation de l’œil du soleil Rê. Je continuai de regarder les deux statues. Elles étaient si différentes mais en même temps si semblable. Leurs yeux m’attiraient. Soudain, je me mis à genoux puis je me prosternai devant ses deux statues sous les yeux ébahis de Maek. Tandis que je me relevais, il s’approcha de moi. Il me regarda dans les yeux pour lire au plus profond de moi, pour chercher une chose que j’ignorais. Un fin sourire se dessina sur son visage.

« Évidemment. » dit-il à voix basse.

C’est à ce moment-là qu’arrivèrent tous les autres Maatans. A leur tête, il y avait une jeune fille d’une quinzaine d’années. Elle me regarda attentivement pendant une dizaine de minutes puis se retourna. Elle semblait chercher quelqu’un dans la foule qui la suivait. Nirthy inclina la tête au moment où son regard croisa celui de la jeune fille. La jumelle d’Olympe souriait. La jeune fille se retourna puis s’approcha enfin de moi. Je vis alors son visage en pleine lumière. Je restai bouche bée. Mon regard allait de Maek à la jeune fille. Je souris. Après tout… c’était parfaitement logique et prévisible.

« Des jumeaux. » murmurai-je.

Maek tendit la main vers sa jumelle. Elle la prit. Comme un couple royale, ils se dirigèrent d’un pas lent jusqu’au fond de la salle. Ils s’assirent. Sur un signe de la jeune fille, les autres Maatans allèrent s’asseoir. J’en comptais une trentaine. Il y avait une dizaine de femme vêtues du même costume et une vingtaine d’homme tous habillés de la même manière. Ils étaient assis maintenant. J’étais la seule à rester debout. La première née des Maatans me fit signe d’approcher. Mais je ne bougeais pas d’un pouce. Cette réaction la fit sourire.

« Tu peux t’asseoir. » me dit-elle.

Je m’assis sur l’autel de pierre.

« Tu es celle qui n’a plus de nom n’est-ce pas ? Ajouta-t-elle.

-En effet.

-Olympe nous a parlé de toi. »

Pas Nirthy ? C’était pourtant elle qu’elle avait regardé quand elle m’avait vue. Maek prit la parole.

« Ma sœur, dit-il, Olympe avait raison.

-En es-tu sûr ?

-Oui. Il m’a suffit de regarder au plus profond de son cœur pour découvrir la vérité. »

Il se leva et s’approcha d’Olympe.

« Pourquoi l’as-tu conduite là-bas ? Pourquoi l’as-tu menée aux maas qui viennent juste d’être transformés ? »

Elle ne répondit pas.

« Tu as commis une grosse erreur Olympe, poursuivit-il. Tu connais pourtant notre fierté. Que dis-je ! Notre orgueil.

-Maek, ne la blâme pas, le coupa Nirthy.

-Je ne t’ai pas demandai ton avis. Tu es jeune Nirthy. Vu qu’il ne nous a pas encore rejoint, tu es même la dernière créée. Il y a donc des choses que tu ne peux pas comprendre. »

Avais-je vu un petit sourire ironique se dessiner sur le visage de la jumelle de Maek à cette phrase ? Non ! Son visage restait impassible. Elle se leva gracieusement et rejoignit Maek.

« Mon frère, dit-elle, Nirthy a raison. Après tout, nous ne sommes que des humains. Du moins, nous l’étions. Ne blâme pas Olympe pour cette erreur. Nous aurions dû décider de son sort au moment où elle nous a parlé d’elle.

-Mais nous ne pouvons pas la renvoyer avec ces autres maas maintenant, lui fit remarquer Maek.

-Il n’a jamais été question de la renvoyer vers eux. C’est moi qui vais me charger de son instruction. »

Elle s’approcha de moi. Je voulus me lever mais elle m’arrêta.

« Laisse-moi me présenter maa sans nom. Mon nom est Saëlle et comme tu l’as sans aucun doute compris, je suis la première Maatan qui ait été créée. »

 


Nuit 12.

« Vas-y ! Lance-le. » Ordonna Saëlle.

Je lançai aussitôt le poignard d’argent qu’elle m’avait confié, son propre poignard d’argent, sur une cible en bois qui se trouvait à une quinzaine de mètres de moi. Comme les dix dernières fois précédentes, je fis mouche.

« Bien, dit Saëlle. Très bien même. »

On ne m’avait pas renvoyée avec les autres maas. Saëlle, comme elle l’avait dit, se chargeait maintenant de mon instruction et de mon éducation. C’était assez étrange en fait. Saëlle avait l’apparence d’une jeune fille de quinze ans. Elle avait les cheveux presque aussi court que moi ce qui accentuait encore la ressemblance avec son frère. Ils se ressemblaient vraiment trait pour trait ces deux-là. Ils possédaient les mêmes yeux noirs aux superbes reflets verts, le même petit nez légèrement retroussé, les mêmes lèvres fines et les mêmes cheveux de flamme. Elle avait l’apparence d’une jeune fille de quinze ans mais ses yeux trahissaient cette apparence. J’ignorais son âge véritable mais j’étais sûre qu’elle avait plusieurs millénaires et même certainement plus d’une dizaine. Ses pouvoirs étaient étonnants. D’un geste rapide, son poignard apparut soudain dans sa main. Elle me le lança.

« Recommence. » ordonna-t-elle.

Mais cette fois-ci, elle transforma la cible en brume et la fit se rematérialiser à une trentaine de mètres de moi. Je lançais le poignard mais je ratai la cible. Elle était beaucoup trop loin pour moi. Tout en m’entraînant au maniement des armes, Saëlle m’apprenait les us et coutumes de notre peuple. Elle ramena le poignard à elle une nouvelle fois puis le lança vers moi. Je me mis en position pour le lancer.

« Nous allons parler des Bakshas, m’apprit-elle. Peux-tu me dire tout ce que tu sais sur eux ? »

Je lançai. Cette fois-ci, je réussis à planter le poignard dans la cible. Mais je n’en avais pas atteint le centre.

« Ce sont nos ennemis, du moins… les ennemis des Maatans. Comme pour notre peuple, il s’agit d’un groupe possédant des pouvoirs particuliers au sein d’une société, celle des aabs.

-Bien. »

Elle ramena le poignard.

« Que sais-tu d’autres ? Me demanda-t-elle.

-Rien. »

Je lançai et poussai un petit cri de victoire. En plein milieu de la cible !

« Concentre-toi, ordonna Saëlle. Tu le sais pourtant… la concentration est la clé pour…

-Retrouver mes souvenirs, l’interrompis-je. Vois-tu, je ne crois pas que c’est ce qui m’aideras »

Saëlle murmura quelque chose que je ne compris pas. Elle leva la tête pour regarder le ciel tout en récitant à voix basse une prière à une divinité lunaire. Je m’approchai d’elle.

« Explique-moi Saëlle.

-T’expliquer quoi ?

-Pourquoi me traitez-vous de cette manière ? Je ne suis qu’une simple maa pourtant. »

La première née des Maatans détourna les yeux. Je sentais que ma question la dérangeait.

« Nous te traitons de la même manière que les autres maas. Qu’es-tu en train d’imaginer maa sans nom ?

-Oh non ! Vous ne me traitez pas de la même manière. Si vous leur appreniez à se battre comme vous le faîtes avec moi, il n’aurait plus besoin de vous pour échapper aux béisos ou aux aabs.

-C’est-ce que tu croies ?

-C’est-ce que je crois. »

Elle me regarda attentivement.

« Comment va ton amie ? » me demanda-t-elle soudain.

Je souris. C’était le principal trait de caractère des Maatans : détourner la conversation, changer de sujet dès que quelque chose ne leur plaisait pas dans la discussion.

« Elle va bien. » répondis-je.

Chaque nuit, je retournais chez Ishta. Saëlle me l’avait permis. Mais même si elle ne l’avait pas fait, j’aurais passer outre. Bien sûr ma sœur de sang dormait mais je trouvais toujours une lettre qu’elle avait écrite pour moi sur une table. Je repensai alors à sa dernière lettre. Je la savais presque par cœur et pourtant, je ne l’avais lu qu’une seule fois. J’avais l’air d’avoir une mémoire incroyable.

Ma sœur de sang,

 Je sais que tu vas bien. Je n’ai donc pas besoin de te demander des nouvelles à ce sujet.

Ishta s’est mis en tête de m’apprendre la langue des maas mais j’ai bien peur de ne pas être une très bonne élève.

J’ai eu quelques flashs de mon passé mais rien de très intéressant.

J’enquête moi aussi. Mais je n’ai rien trouvé d’utile qui nous permettrait de retourner dans notre époque. J’ai tout de même une chose à t’apprendre. Ishta était absent aujourd’hui et son grand père a eu une bien étrange visite. Je me suis glissée dans la pièce adjacente à celles qu’ils occupaient. Bien sûr, je n’ai rien compris à ce qu’ils disaient. Mais la langue dans laquelle ils parlaient m’était familière. Elle ressemble un peu à celle de ton peuple tout en restant différente. De plus, j’ai vu l’étrange visiteur qu’a reçu le grand père d’Ishta au moment où il est parti. C’était un homme… mais le plus incroyable, c’est qu’il ressemble à notre hôte comme lui ressemble Ishta. La seule différence flagrante que j’ai pu remarquer entre Ishta et lui, c’est la couleur des yeux. Je n’ai jamais rien vu de tel. Ils étaient gris clairs presque transparents. Je me suis trouvée face à lui et comme pour toi avec Ishta, j’ai eu l’étrange impression de le connaître. Qui peut-il bien être ?

Au revoir.

 Ta sœur de sang.

Belle au bois dormant avait raison ? Qui pouvait bien être cet homme? En tout cas, il semblait important pour le vieil homme.

« Saëlle, dis-je, peu m’importe les aabs et les Bakshas… que sais-je encore ! La seule chose qui m’intéresse pour le moment, c’est de retrouver la mémoire. Dis-moi comment ?

-Qu’est-ce qui te fait croire que je sais comment tu pourrais retrouver ce que vous avez toutes les deux perdu ? »

Je ne répondis pas. Il y avait beaucoup de choses qui le prouvait et même si elle ne savait pas comment je pouvais retrouver la mémoire, elle me cachait quelque chose, elle et tous les autres Maatans. J’en étais certaine. Leurs chuchotements en ma présence, les regards qu’ils me jetaient mais aussi certains mots qui leur échappaient étaient autant de preuves. Je soupçonnais fortement que j’étais moi-même une Maatan, l’une des leurs mais je n’en avais pas vraiment la preuve. Quoique… De plus, je sentais que Saëlle savait que je n’étais pas de cette époque et plus j’y réfléchissais et plus j’étais certaine qu’elle savait qui nous étions Belle au bois dormant et moi. Saëlle me tendit le poignard.

« Recommence. » ordonna-t-elle.

Je pris le poignard mais je n’obéis pas à l’ordre qu’elle venait de me donner. Je me mis à jongler avec.

« Tu dois apprendre à te battre. » ajouta Saëlle.

Elle avait raison mais ce qu’elle ignorait, c’était que dès qu’elle avait commencé à m’entraîner au combat, j’avais retrouvé tous mes instincts de guerrière. J’avais retrouvé toutes mes aptitudes, toutes mes capacités de combattante. J’avais vu des batailles auxquelles j’avais prise part. L’une d’elle semblait m’avoir particulièrement marquée. Je me battais contre une femme vêtue de rouge qui devait être à peu près du même âge que moi mais je ne pouvais pas me rappeler de son nom. Par contre, je me souvenais que j’avais gagné puis que j’avais dû lui arracher le cœur pour y récupérer quelque chose. Mais quoi ? Cela, je ne m’en souvenais pas. Je m’approchai de Saëlle et posai les mains sur ses épaules. Nous étions face à face. Je plongeai mon regard dans le sien. J’avais quelque chose d’important à lui dire.

« Saëlle, tu sais aussi bien que moi que je n’ai aucunement besoin de cet entraînement pour le combat. Tout ce que tu es en train de m’apprendre, je le sais déjà. »

Elle enleva mes mains de ses épaules. En règle général, elle n’appréciait pas vraiment qu’on la touche.

« Prouve-le alors, répliqua-t-elle.

-Prouver quoi ?

-Que tu sais te battre voyons ! »

Je ne sus pas tout de suite ce que je devais répondre. Nous entendîmes soudain un cri déchirer l’air.

« Béisos ! Béisos ! »

Je regardai Saëlle. Elle me fixa aussi.

« Allons-y ! » me dit-elle.

Par égard pour moi, elle ne se transforma pas en brume et elle ne courut pas à sa vitesse maximale. Nous allâmes jusqu’au lieu d’où provenait la voix. Six maas étaient aux prises avec une vingtaine d’individus masqués entièrement vêtus de rouge.

« Va chercher les autres Saëlle !

-Non maa sans nom. Tu y vas !

-Pas question, répliquai-je. Tu es plus rapide que moi.

-Mais je suis aussi plus puissante. J’aurais vite raison de ces béisos.

-Non.

-Et pourquoi je te prie ?

-Tu voulais que je te prouve que je savais me battre n’est-ce pas ? Nous ne retrouverons jamais une autre occasion comme celle-ci. »

Avant qu’elle ne puisse m’en empêcher, je me mis debout puis je sortis de notre cachette pour courir vers les béisos. Un maa venait de tomber. Je me précipitai vers le premier béiso que je trouvais. Je n’avais plus mes pouvoirs mais je possédais toujours une force et une rapidité hors du commun. Le premier béiso ne fit pas long feu. Un coup de pied bien placé lui arracha littéralement la tête. Je me tournai vers les autres. Mon intervention leur avait fait lâcher les maas. J’allais bien m’amuser. Les maas s’enfuirent.

« A qui le tour maintenant ? »

Mon instinct avait repris le dessus. L’un des béisos marmonna quelque chose dans une langue inconnue. Je regardai la victime que je venais de faire. Pas d’arme. Cela allait être plus facile que je ne le pensais. Ils s’élancèrent sur moi comme un seul homme. Ce fut un véritable massacre. Le leur. Grâce à ce que la nature m’avait donné, je mis fin à leur jour sans le moindre remord. Je lacérai d’abord le visage de l’un de mes assaillants avec mes ongles tranchants. Je lui crevai les yeux au passage. Je continuai le carnage après avoir planté mes ongles dans son cou pour l’achever. Au bout d’une dizaine de minutes, ils commencèrent à battre en retraite. Mais la lutte m’avait enivrée. J’en voulais plus. Je me jetai sur l’un des hommes qui tentaient de s’enfuir.

« Oh non ! Vous n’allez pas partir comme cela ! »

Je l’égorgeai avec mes ongles puis je me tournai vers les autres.

« Alors… qui va aller le rejoindre dans l’autre monde ? »

Ils ne comprenaient pas ma langue mais le ton de ma phrase était plus révélateur sur son contenu. Ils reculèrent. J’étais sûre de les battre. J’étais sûre de moi… trop sûre de moi. Je ne vis pas tout de suite la torche que l’un d’eux lança sur moi. Je l’attrapai. Ma main s’enflamma aussitôt. En poussant un grand cri de douleur, je plongeai mon bras dans le sable. Je le retirai. Je poussai maintenant un cri d’effroi. Ma main et plus de la moitié de mon avant bras étaient complètement calcinés. Un geste, un souffle de vent et je n’avais plus ni main, ni avant bras droit. Il faut croire que les Dieux étaient contre moi. Le vent se leva. Ma main tomba en cendre. J’entendis des rires. Les béisos ! Je me tournai vers eux. Ils n’allaient pas rire pendant très longtemps. J’avais peut être un bras en moins mais… Je me jetai sur eux mais… je poussai un nouveau cri de douleur. Je tombai à genoux en me tenant le bras. Le moignon était brûlant. Je devais me relever. Ils allaient me tuer autrement. Ils s’approchaient déjà de moi mais des cris de douleur et de peur s’élevèrent soudain. Je jetai un coup d’œil derrière moi. Ils étaient là ! Cinq Maatans ! La cavalerie arrivait enfin. Ils eurent vite raison des trois ou quatre béisos qui restaient. Saëlle accourut vers moi. Je la regardai. Elle était très inquiète. Elle allait parler mais…

« Demande-moi si je vais bien et je t’arrache la tête !

-Que s’est-il passé ? » Me demanda-t-elle.

En guise de réponse, je lui montrai mon bras. J’en eus le souffle coupé (zut ! J’avais oublié que je ne suis plus obligée de respirer !)

« Mais qu’est-ce que… »

Ma main était en train de se reformer. Les os étaient là et des muscles commençaient déjà à se former. Saëlle sourit puis éclata de rire.

« Tu trouves ça drôle ! » dis-je péniblement.

La douleur était horrible. Ma main était peut être en train de se reformer mais au prix d’une souffrance atroce.

« Oh oui ! Oui, je trouve tout cela très drôle… Maatan sans nom et sans mémoire. » Répliqua-t-elle très sérieusement.

J’avais donc raison… J’étais bien une… Un Maatan s’approcha de nous et me prit dans ses bras. Il me porta jusqu’à notre cachette. Je continuai de regarder ma main et mon avant bras. Ils étaient en train de se reformer tous seuls. Par contre, ils continuaient à n’être qu’un amas d’os et de muscles sans véritable forme. On me transporta jusqu’à un sarcophage de pierre dans lequel on me coucha avec précaution. Saëlle renvoya le Maatan et se pencha au dessus de moi.

« Dors, me dit-elle. Nous parlerons de tout cela la nuit prochaine. Je ne sais pas très bien comment t’aider à retrouver ton époque mais je sais de quelle manière tu pourras retrouver la mémoire. La tienne mais aussi celle de l’autre… la Baksha. »

Elle commença à  refermer le couvercle.

« Attend, soufflai-je.

-Que désires-tu ?

-J’avais raison.

-Oui, tu avais raison. Repose-toi maintenant. »

Elle referma rapidement le sarcophage. Je me laissai aller à une douce rêverie. Ainsi… Belle au bois dormant était née Baksha… En fait, cela ne me surprenait guère. Je m’endormis du sommeil lourd et profond des maas sans penser à l’erreur que j’avais faîte. J’avais mêlé mon sang à celui d’une Baksha… à l’un des plus grands ennemis de mon espèce.


Nuit 13.

« Une Maatan ! s’exclama Ishta. Ce n’est pas vrai ! Tu te moques de moi Olympe.

-Pas le moins du monde mon ami. A ton avis, pourquoi avions-nous pu l’accepter aussi vite ?

-Vous aviez senti qu’elle était…

-Oui. Les Maatans dégagent une odeur un peu différente  de celle du reste des maas. »

Alors pourquoi ne me l’avaient-ils pas dit tout de suite bon sang ?! Décidément, je ne comprenais rien aux Maatans. J’avais surpris cette conversation entre Olympe et Ishta alors que je me préparais à aller me nourrir. Je remis à plus tard cette intéressante et passionnante activité pour pouvoir écouter ce qu’ils disaient et ainsi assouvir ma curiosité. Sans compter que je voulais savoir ce qu’il y avait exactement entre ces deux-là.

« De plus, Maek nous a donné la confirmation que nous attendions. Mais…

-Comment ? » L’interrompit Ishta.

Je t’adore Ishta ! Cette question me brûlait les lèvres mais je pouvais difficilement sortir de ma cachette pour la poser à Olympe.

« Maek et Saëlle sont les seuls Maatans à posséder ce pouvoir : celui de lire dans les cœurs.

-Je ne comprends pas. »

Rassure-toi ! Moi non plus ! Quoique… ce n’était pas la première fois que le cœur était invoqué dans cette histoire. Cela avait peut être un rapport avec ce que j’avais pris de le cœur que j’avais arraché à la femme en rouge. Continue de la faire parler Ishta.

« Tu comprendras un jour Ishta j’en suis certaine. Les Maatans n’auront plus aucun secret pour toi. »

Parole prémonitoire ma chère Olympe. Si Ishta est l’homme de mes souvenirs bien sûr !

« Mais pourquoi avoir attendu autant de temps pour le lui apprendre ? »

Oui ! Pourquoi ?!

« Tu connais notre prudence Ishta. »

Moi non !

« De plus, Maek n’avait pas le droit de nous dire ce qu’il y avait dans son cœur. C’est la seule chose qui la protège pour le moment vu qu’elle n’a plus aucun pouvoir. »

C’est trop gentil.

« Alors pour ceux qui en doutaient encore, poursuivit Olympe, nous avions besoin d’une preuve.

-Et vous l’avez eu. ?

-Nous l’avons eu. »

Tu parles d’une preuve. Cela m’avait tout de même coûté un bras. Je regardai mon avant bras. Il était parfaitement reconstitué maintenant. Il n’y avait plus rien qui indiquait ce que j’avais fait la nuit précédente. Ishta s’assit à côté de la Maatan blonde.

« Je n’en reviens pas. C’est vraiment incroyable. Je ne me serais jamais douté qu’elle pouvait être une Maatan. Elle n’a aucun pouvoir Olympe. Comment aurais-je pu deviner que…

-D’après Maek et Saëlle, l’interrompit Olympe, il s’agit même de l’une des plus puissante d’entre nous. »

C’est trop gentil de dire cela.

« On ne dirait vraiment pas en la voyant. »

Merci Ishta. Tu as de la chance. Si je n’avais pas envie de rester discrète pour écouter votre conversation, je me lèverai pour te mettre mon poing dans la figure.

« C’est parce qu’elle a perdu l’usage de ces pouvoirs, lui apprit Olympe.

-Pourquoi ?

-Saëlle pense que c’est lié à sa perte de mémoire.

-Ce qui veut dire que si elle retrouve la mémoire, elle retrouvera l’ensemble de ses pouvoirs.

-C’est bien cela. »

En résumé, j’ai perdu le mode d’emploi des mes pouvoirs en perdant la mémoire et il en est de même pour la Baksha qui m’accompagne. Vraiment génial !

« Et l’autre, vous croyez vraiment que c’est une Baksha ?

-Oui. Elle aussi, elle a perdu ses pouvoirs en même temps que la mémoire. »

Qu’est-ce que je disais !

« Vous allez aussi l’aider à les retrouver ? Les Baksha ne sont-ils pas vos ennemis ?

-C’est vrai mais de toute façon, il faudrait déjà que nous sachions comment leur faire retrouver la mémoire. »

Quoi ! Mais Saëlle ne m’a-t-elle pas dit que… C’est quoi ce bordel ? Il faudrait peut être accordé vos violons mes chers Maatans !

« Qu’est-ce que tu fais là ? »

Je me retournai précipitamment. Nirthy était derrière moi. Elle me fixa puis releva la tête pour jeter un coup d’œil vers Ishta et Olympe. Elle baissa de nouveau la tête pour me regarder.

« Je comprends mieux, me dit-elle tendrement.

-Il n’y a rien à comprendre, me défendis-je.

-Ne t’inquiète pas Maatan sans nom. Ton secret sera bien gardé. Suis-moi. La Première-née désire te voir. »

Après un dernier petit coup d’œil au couple, je suivis Nirthy. Pour quelle raison Saëlle m’avait-elle faite appeler ? D’après Olympe, il n’y avait aucun moyen de me faire retrouver la mémoire. De plus, cette rencontre avait l’air d’avoir un caractère secret qui me déplaisait profondément. Qu’est-ce qui se tramait ici ? Pourquoi était-ce Nirthy qui était venue me chercher et pas un éphiso ? Je m’étais très vite rendue compte que Saëlle et Nirthy partageaient de nombreux secrets, des secrets auxquels Olympe n’avait pas l’air d’avoir accès. Comment ? C’était normalement impossible. Comment Nirthy faisait-elle pour cacher tout ceci à Olympe, à sa jumelle ? Je suivis la Maatan brune. Elle me conduisit jusqu’à une pièce dont j’ignorais encore l’existence. La cachette des Maatans était vraiment immense. Elle s’étendait sur des centaines et des centaines de mètres sous la terre. Il aurait fallu des années pour pouvoir en faire le tour.

Saëlle nous attendait dans cette pièce avec trois autres Gardiennes. Elle était la seule à être assise mais elle se leva à mon entrée.

« Bienvenus Maatan sans nom, me salua-t-elle chaleureusement. Laisse-moi te présenter Laïssa, Marline et Béria. »

Elle se rassit. Je les regardai les unes après les autres. Comme pour le reste des Maatans, elles étaient de toutes les origines et de tous les pays. Mais ce n’est pas leur apparence physique qui m’intéressait. Elles étaient toutes les cinq vêtue de la même manière mais chacune dans une couleur différente. Saëlle était en noir, Nirthy dans une tenue pourpre, Laïssa en bleu ciel, Béria en vert et Marline en violet foncé. De plus, leur tenue était différente de celle qu’elles portaient habituellement. Ce que je veux dire c’est que… il ne s’agissait pas de leurs vêtements de Gardienne.

« Vos tenues sont assez… moderne. »

C’est la seule chose que je trouvais à dire. En effet, je me serais crue à mon époque. Après tout, j’avais bien fait un voyage dans le passé alors… elles avaient très bien pu aller dans le futur. Elles portaient un pantalon droit avec une chaîne en argent autour de la taille. Par contre, leur haut ressemblait à celui que portaient généralement les Gardiennes. Mais, il avait perdu une partie de leurs voiles transparents. On les avait coupé en oblique et ils étaient un peu plus longs au niveau de la hanche gauche. Les manches, en voile elle aussi, n’avaient pas changé. Par contre, elles avaient conservé les bijoux communs à toutes les Maatans. A part le serre cou ! Ah si, il était bien là ! Mais il était caché sous une longue écharpe de soie qui descendait pratiquement jusqu’à terre. Comme à leur habitude, elles étaient pieds nus.

« Comme tu l’as sans doute compris, reprit Saëlle, nous savons que tu n’es pas de ce monde… plutôt devrais-je dire de ce temps. Mais j’aimerais que tu saches que tu n’es pas la première à effectuer un tel voyage. Chacune des Maatans présentes dans cette pièce a fait un voyage similaire.

-Vous aviez aussi perdu la mémoire ?

-Oui.

-Donc vous savez comment…

-Faire pour que tu retrouves la mémoire, finit Saëlle à ma place. En effet, nous le savons. Mais avant de te dire quoi que ce soit, il faut que tu ailles chercher ton amie la Baksha. »

Elle leva et se dirigea vers le fond de la pièce. Une porte s’y trouvait. Je ne l’avais pas remarqué en entrant. Les autres Maatans l’imitèrent. L’une après l’autre, elles franchirent cette porte et me laissèrent seule. Pourquoi me laissaient-elles ? J’avais d’autres questions à leur poser ! Surtout une !

« Hé ! Attendez deux minutes ! Je croyais que les Bakshas étaient nos ennemis. »

Elles étaient parties mais j’eus tout de même une réponse. J’entendis Saëlle dire :

« Vous avez fait une promesse… toi, une Maatan et elle, une Baksha. Elle est devenue sacrée à partir du moment où vous avez communié par le sang. Il en a toujours été ainsi. »

Encore une chose que je déteste chez les Maatans… ils ont réponse à tout ! C’est énervant à la fin. Comment était-elle au courant de ce que nous avions fait ? Je sortis de cette pièce puis de la cachette des Maatans. Je me mis en marche. Depuis que j’habitais avec les autres Maatans, le dédale des ruelles n’avaient plus aucun secret pour moi. Il ne me fallut pas longtemps pour arriver chez Ishta et son grand-père. Je me hissai rapidement sur le mur puis je sautai à l’intérieur de la propriété. Je regardai le ciel. Le jour n’allait pas se lever avant plusieurs heures. Cela ne servait à rien de rester ici à attendre que l’aube se lève. J’avais donc tout mon temps. Je ne m’étais pas encore nourrie et si je le faisais maintenant ? Je refis le chemin en sens inverse? J’étais dans la rue. La première personne que je croiserais allait être mon petit déjeuner. Tiens ! Une odeur humaine… Je me postai sur le mur et j’attendis mon futur petit déjeuner. Depuis que j’étais allée vivre chez les Maatan, j’avais retrouvé le frisson de la chasse. Ma future victime passa juste au dessous de moi sans même soupçonner ma présence. Elle était vêtue d’un capuchon qui me cachait son visage. Je me jetai sur mon futur déjeuner, lui appliquai la main sur la bouche pour l’empêcher de crier. Je le débarrassai rapidement de son capuchon et je mordis. Une odeur connue parvint alors à mes narines.

« Mais c’est pas vrai ! » m’exclamai-je.

Je laissai tomber ma victime. Je pus enfin vois son visage. Ishta ! J’aidai le jeune homme à se relever.

« On peut dire que j’ai le chic pour mordre les personnes auxquelles je tiens. » marmonnai-je de mauvaise humeur.

Il entendit tout de même ce que je venais de dire. Ishta se tenait le cou. Il haletait de peur.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Me demanda-t-il.

-Rien. J’ai juste vu quelque chose, un souvenir. J’ai l’impression que je me suis déjà trouvée dans ce genre de situation. »

Je baissai la tête. Tout ceci m’avait donné une impression de déjà vu. De flash que j’avais eu, il ne me restait qu’un nom : Marie. Ishta s’était enfin remis de ses émotions. En tout cas, ce que je venais de dire n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Ishta ne manqua pas l’occasion de me rappeler ce que je venais de dire.

« Ainsi… tu m’apprécies.

-Comme si tu ne le savais pas, répliquai-je.

-Mais justement, je ne le sais pas. »

Mais bien sûr ! Il eut un étourdissement. Je me précipitai vers lui pour le soutenir. Dire que tout ceci était de ma faute. J’aurais dû tout de suite comprendre que c’était lui.

« Tu es sûr que cela ira ? Lui demandai-je d’un ton inquiet.

-Oui. Je viens juste de me faire mordre, ce n’est pas très grave. » Répliqua-t-il ironiquement.

Auras-tu toujours le même sens de l’humour dans le futur Ishta ? J’espérais que oui.

« Rentrons chez toi, dis-je. Je vais te soigner. »

Nous passâmes ensemble la porte, moi soutenant Ishta cette fois-ci alors que lorsque nous étions arrivées, c’est lui qui m’avait transportée à l’intérieur. Il me guida jusqu’à sa chambre. Je le couchai sur le lit et…

« Que vas-tu faire maintenant ? » me demanda-t-il.

Je regardai autour de moi. Il y avait bien ce que je cherchais. Je m’approchai d’une table de bois. Dessus, il y avait des armes à profusion. Je m’emparai d’une petite dague puis je revins vers Ishta.

« Je te l’ai dit, répondis-je, je vais te soigner. »

Je me piquai l’index avec la lame de la dague. Cela ne me fit pas le moindre mal.

« J‘oubliais que le sang des Maatans avait le pouvoir de guérir, me dit Ishta, et puisque tu en es une…

-Bien, l’interrompis-je, tu sais ce qu’il faut faire alors. Couche-toi s’il te plait. »

Il obéit. Je tendis la main au dessus de son visage. Une goutte de sang perla au bout de mon doigt et tomba directement dans sa bouche. Je retirai la dague de mon doigt. La blessure, sans gravité par rapport à celle que je m’étais faite la nuit dernière, guérit immédiatement. Il y avait tout de même une chose que je ne comprenais pas. Pourquoi la blessure à la jambe que j’avais en arrivant ici n’avait-elle pas guérie ? J’avais eu besoin du sang de Belle au bois dormant pour qu’elle commence à se refermer. J’aurais aimé comprendre pourquoi. Mais j’ai bien peur que cette question ne sera jamais résolue.

« C’est tout, fit Ishta avec une petite moue boudeuse trop craquante.

-Cela suffit bien, répliquai-je. Regarde. La morsure a déjà disparu. »

Je posai la main à l’endroit où je l’avais mordu. Il frissonna aussitôt. Je retirai vivement ma main. Mais Ishta se redressa, posa doucement sa main sur ma nuque pour attirer mon front contre le sien. Je ne l’en empêchai pas.

« Pourquoi tu me fais cet effet là ? Me demanda-t-il à voix basse.

-Quel effet ? »

Quelle question stupide ! Je savais très bien à quoi il faisait allusion.

« J’aime Olympe tu sais, me confia-t-il tout bas. Mais… quand je la touche… ou quand je lui parle, ce n’est pas comme avec toi. Il n’y a pas ce… cet… enfin, tu vois ce que je veux dire. »

Je le voyais en effet.

« Je n’arrive même pas à trouver le mot juste. » ajouta-t-il.

Moi non plus, je ne savais pas quel était le mot juste qui aurait permis de décrire notre étrange relation.

« Ishta, murmurai-je.

-Il faut que je lutte contre cela. Pour Olympe ! »

Il me lâcha. Ce fut à mon tour d’attirer son visage vers le mien.

« Olympe ne saura rien de tout cela, lui assurai-je.

-Que veux-tu… »

Je posai mon index sur sa bouche pour le faire taire.

« Oui Ishta. Elle ne saura rien de… cela. »

Je le poussai doucement pour qu’il se recouche. Je m’assis sur lui puis me penchai. Je lui chuchotai à l’oreille.

« Ne lutte pas. S’il y a une chose dont je me souviens, c’est bien celle-ci. Cela ne sert à rien de lutter contre ce qu’il existe entre nous deux. J’ai essayé Ishta. Crois-moi. Moi aussi, j’ai essayé. Mais tu m’as très vite vaincu.

-Que… »

Je réalisai soudain que j’en avais trop dit. Il ne devait pas savoir ce qui allait se passer, ce qu’il allait devenir. Je le fis taire de la plus douce façon qu’il existe en ce monde. Je l’embrassai. Ishta essaya de me repousser mais sa résistance fondit très vite lorsque je me mis à parcourir sa peau de baisers. Je lui soufflai à l’oreille.

« As-tu toujours envie de résister Ishta ?

-Non. » Répondit-il d’un ton résolu.

Je me soumis aussitôt à sa force. Je me retrouvai vite nue. Lui aussi. Il semblait connaître mon corps aussi bien que je connaissais le sien. Une lutte passionnée mais douce s’engagea entre nous. Tout ceci ressemblait beaucoup à l’une des visions que j’avais eu ici. J’émis un cri de plaisir quand il me pénétra. Ses soupirs et nos gémissements emplirent l’air quand il commença à bouger en moi. Tout un monde de sensations connues mais toujours nouvelles s’ouvrit alors devant nous.

Il s’était endormi dans mes bras comme un enfant. Je le repoussai lentement et doucement de moi pour ne pas le réveiller. Je me levai sans faire le moindre bruit puis je récupérai mes vêtements. Je regardai Ishta. Il souriait dans son sommeil. J’allai vers lui pour l’embrasser une dernière fois sur la bouche avant de partir. Il fallait tout de même que j’aille me nourrir. Mon estomac criait famine maintenant. Il murmura soudain dans son sommeil une phrase dans la langue des maas.

« Ma Maatan tant aimée… »

Parlais-tu de moi ou d’Olympe à ce moment-là mon cher Ishta ? Peu m’importait la réponse après tout. Mon âme t’appartenait déjà Ishta et elle t’appartiendra toujours. Je sortis rapidement et fis quelques pas dans le jardin. Une voix me héla soudain. Une voix dans la langue des maas. Qui avait parlé ? Je me retournai vivement. Le grand père d’Ishta ! Que faisait-il ici ? Cela ne pouvait pas être lui qui m’avait appelée ! Il ne parlait pas la langue des maas. Je le regardai sans comprendre. Le vieil homme me fixait lui aussi. Son regard était très dur et méprisant.

« Mon petit fils vous a-t-il donné ce que vous attendiez de lui ? » me demanda-t-il d’un ton plein de mépris dans la langue des maas.

Je restai bouche bée. Ainsi c’était bien lui qui avait parlé. Comment connaissait-il cette langue ? Je ne savais pas encore ce qui me dérangeait le plus. Était-ce l’entendre parler la langue des maas ou nous savoir découvert Ishta et moi ? Je m’approchai de lui. Il me fit signe de m’asseoir. Préférant rester debout, je déclinai son offre.

« J’ai bien peur de ne pas comprendre ce que vous venez de me dire monsieur, dis-je tout en pensant que je savais très bien de quoi il voulait parler c’est-à-dire ce qu’il venait de se passer entre Ishta et moi.

-Au contraire, vous avez très bien compris. »

C’était bien ce que je disais !

« Je savais pour cette autre Maatan, poursuivit-il, mais j’étais sûre qu’il ne s’abaisserait jamais à la toucher. Par contre vous… Vous avez ensorcelé mon petit fils dès qu’il vous a vu. «

Il savait donc aussi ce que j’étais. Le vieux était bien plus perspicace que je ne le pensais.

« Vous avez compris que j’étais une Maatan. Quand ? Ce n’est pas Ishta qui vous l’a dit. J’en mettrai ma main au feu.

-Vous ne feriez pas un très grand sacrifice en faisant une telle chose ma chère. Cette chose qu’il y a en vous, qui vous protège vous en donnerait sûrement une nouvelle. »

Il nous connaissait plutôt bien.

« En effet, répondis-je.

-Pour répondre à votre question… Je l’ai su dès que je vous ai vu, vous… et la Baksha.

-Ainsi vous savez pour elle aussi.

-Dès que je vous ai vu l’une à côté de l’autre… cela a été une évidence ma chère.

-Et comment ?

-Vous êtes très repérables, surtout si l’on vous voit ensemble, pour un homme qui a passé sa vie à vous étudier.

-Cela n’explique pas comment vous avez su aussi facilement ce que nous étions.

-Vous êtes vraiment de parfaites représentantes de vos espèces respectives. Vous, votre peau si blanche et vos yeux presque noirs. Elle avec sa peau mate et ses yeux clairs, presque trop pâles pour être humain.

-Vous l’avez donc su grâce à cela ?

-Disons que cela m’a mis sur la voie. Ensuite vous avez commencé à parler cette langue.

-Comment la connaissez-vous ?

-Quoi ?

-La langue des maas. J’ignorais que vous la connaissiez. D’après ce que j’ai cru comprendre, Ishta l’a apprise avec Olympe.

-Je la connais depuis très longtemps tout comme celle des Bakshas. Votre amie a paru la reconnaître quand j’ai parlé cette langue avec… »

Il se tut. Je souris. D’une certaine manière, j’avais réussi à l’emmener où je voulais. Ainsi l’homme qui lui avait rendu visite était un Baksha. Pas étonnant que Belle au bois dormant se soit sentie attirée par lui en le voyant. Mais que pouvait bien faire un Baksha ici ?

« Avec l’homme qui vous a rendu visite il y a quelques jours. Quel est son nom ? »

Le vieil homme sourit à son tour.

« Après tout, je peux bien vous le dire. Son nom est Eksos. »

Eksos… ce nom m’était familier.

« Qui est cet homme pour vous ? Est-ce lui que vous vouliez voir quand vous êtes venu ici ? »

Il se leva. Son visage venait de prendre une expression d’étonnement intense.

« Comment pouvez-vous savoir une telle chose ? Est-ce qu’Ishta…

-Non. Ishta ne m’a rien dit.

-Comment alors ?

-Je suis une Maatan. » Répliquai-je.

Comment aurais-je pu lui dire d’où je tenais cette information alors que je ne le savais pas moi-même. Je le quittai sur cette pirouette. Je devais partir. J’allais devoir attendre la nuit prochaine pour me nourrir. Je devais partir. Le soleil se lèverait dans une petite heure. Il fallait que j’aille chercher Belle au bois dormant. Je retournai dans la chambre que nous avions partagée. Je la pris dans mes bras. Après un dernier salut au vieil homme, je sortis de ce lieu où j’avais connu de si nombreux délices en compagnie d’Ishta pour m’enfoncer dans la nuit.


Jour 13.

 

Belle au bois dormant s’était enfin réveillée. Nous nous trouvions dans la salle où j’avais vu Saëlle et les quatre autres Maatans pendant la nuit. La Première née des Maatans étaient assise. On avait couché Belle au bois dormant sur l’un des sarcophages de pierre qui se trouvait dans la pièce. Il s’agissait en fait de la pièce où se reposait Saëlle et Maek lorsque venait le jour.

« Où suis-je ? Me demanda-t-elle.

-Chez les Maatans, répondis-je. Je te présente Saëlle, la première Maatan qui aie été créée. »

La jeune fille aux cheveux de flamme s’avança. Belle au bois dormant l’examina rapidement puis se tourna de nouveau vers moi.

« Peux-tu me dire ce que je fais ici ?

-Saëlle pense qu’il existe un moyen de nous faire retrouver la mémoire. »

Avant que je ne me lance dans d’autres explications, Saëlle prit la parole.

« En effet, intervint-elle, je connais un moyen. Mais j’ai d’abord une question à te poser. Sais-tu qui sont les Bakshas ? »

Belle au bois dormant la regardait. Elle ne comprenait pas ce que venait de dire Saëlle.

« Saëlle, elle ne connaît pas notre langue.

-C’est vrai. Excuse-moi, je l’avais complètement oublié. Pourrais-tu lui traduire tout ce que je vais te dire alors ?

-Mais c’est-ce que je comptais faire. »

Belle au bois dormant nous regardait. L’expression ahurie qui s’était dessiné sur son visage ne cessait de s’amplifier. Il est vrai qu’elle ne comprenait rien à ce que nous étions en train de raconter. Je lui répétai rapidement ce que venait de dire Saëlle. Belle au bois dormant me répondit qu’elle ne connaissait pas les Bakshas et elle me demanda qui ils étaient.

« Elle ne les connaît pas, répétai-je à Saëlle.

-Il est vrai que contrairement à toi, elle n’a pas eu la chance de voir d’autres membres de son espèce… »

En fait, elle en avait bien vu un mais… De toute façon, je ne pouvais pas raconter à Saëlle que le grand père d’Ishta recevait des Bakshas en secret.

« Cela  ne fait rien. » jugea Saëlle.

Elle  s’assit de nouveau sur l’autre sarcophage qui se trouvait dans la pièce. Elle ne parla pas tout de suite. Le silence qui s’installa dura peut être une dizaine de minutes.

« Très peu de personnes sont au courant de ce que je vais vous révéler. » dit gravement Saëlle.

Elle me laissa le temps de traduire.

« Les Maatans et les Bakshas, reprit-elle, sont beaucoup plus liés qu’on ne le pense. Ils forment un groupe particulier au sein d’une société. En fait, il existe un point commun important entre nos deux groupes.

-Un seul ? » Demanda Belle au bois dormant après que je lui ai eu rapporté ce que venait de dire Saëlle.

Je répétai sa question dans la langue des maas. Elle fit sourire Saëlle.

« Non, répondit-elle, ils sont assez nombreux en fait. Mas celui dont je vais vous parler est sans doute l’un des plus flagrants. »

Je traduisis puis Saëlle reprit la parole.

« Les Bakshas tout comme les Maatans constituent deux groupes de… guerriers et comme tout bons guerriers qui se respectent, ils sont passés maîtres dans la maîtrise des armes depuis très longtemps.

-Des armes… » Répétai-je.

La vision ! Le sabre et le poignard ! Je regardai Belle au bois dormant. Je constatai qu’elle regardait attentivement sa main.

« Mon sabre. » murmura-t-elle.

Suivit un mot dans une langue qui m’était inconnue mais dont les consonances que rappelait la langue des maas. Il me semble qu’elle avait dit quelque chose comme bâ.

« Qu’a-t-elle dit ? Me demanda Saëlle.

-Elle a parlé d’un sabre, de son sabre. » Répondis-je.

Saëlle inclina la tête.

« C’est bien. Elle commence à se souvenir.

-Tu veux dire que le sabre des Bakshas et le poignard des Maatans est la clé qui nous permettrait de retrouver la mémoire.

-C’est bien cela.

-Où sont-ils ? Demandai-je. Nous ne les avions pas quand nous sommes arrivés ici.

-Mais ils vous ont tout de même suivis dans votre voyage. Ces armes sont magiques. Elles sont conçues pour ne jamais être séparées de leurs maîtres.

-Pourquoi n’étaient-elles pas avec nous alors ?

-Je n’ai pas la réponse à cette question. Par contre, je sais où vos armes se trouvent pour le moment.

-Où cela ?

-Là où les premiers sabres et les premiers poignards ont été forgés… là où tout a commencé. »

Saëlle se tut subitement.

« Enfin… vous vous en rendrez bien compte toutes seules, finit-elle par ajouter.

-Dis-moi où se trouve cet endroit.

-C’est que je comptais faire. Il s’agit d’un temple, un temple très ancien et qui est sans doute antérieur aux premières civilisations.

-Et où est-il ce temple ?

-Vous allez devoir vous rendre à la source du Nil si vous voulez le trouver. »

La source du Nil ! Impossible ! Je traduisis cette énigmatique réponse à Belle au bois dormant. Apparemment la Baksha fit le même raisonnement que moi.

« C’est impossible, me dit-elle, la source du Nil n’existe pas.

-Je le sais bien. » Répondis-je.

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Un capharnaüm dans ma tête
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