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Un capharnaüm dans ma tête
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20 novembre 2009

Gardienne : chapitre 18

Chapitre n°18 : Donne-nous ton nom, ce nom secret, enfouis au plus profond de toi.


J’étais attablée avec Jenny, Alex et Éva. Élise, une de nos amies qui se trouvait dans la même classe qu’Éva et moi venait de quitter la table. Bien sûr, je ne l’avais pas mise au courant de ce que j’étais. Quant à ma présence au self, elle s’expliquait très simplement. Depuis qu’ils étaient au courant de ma véritable nature, j’y étais retournée mais je n’y mangeais toujours pas.

« Pourquoi ne veux-tu pas mettre Élise au courant ? Elle est ton amie elle aussi. » Me demanda Éva pour la centième fois.

Je suivis Élise du regard. Lorsqu’elle eut disparu de mon champ de vision, je me tournai vers Éva.

« Ce n’est pas parce que je ne lui fais pas confiance comme tu sembles le penser Éva. Je préfère juste que le moins de personne possible soient au courant. De plus, j’ai beau être très puissante, je ne suis pas omnisciente. S’il y a un danger, je ne pourrais pas tous vous protéger. Enfin, les autres Vampires toléreront peut être qu’un nombre réduit de personnes soient au courant de notre existence.

-Et Ishta, m’interrompit soudain Jenny. Tu as de ses nouvelles ? Il t’a peut-être enfin fixé un endroit pour votre échange.

-Non, pas pour l’instant. Comme monsieur en a la sale habitude, il fait le mort. »

Jenny sourit.

« Ce qui n’est pas trop difficile vu qu’il l’est déjà. » me fit-elle remarquer.

Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Dans tous les cas, mort ou vivant, Ishta ne m’avait donné aucun signe. A croire qu’il ne voulait plus récupérer Léo et qu’il préférait torturer Shiva. Non, je ne le croyais pas capable de cela. Il me l’avait dit. Il aimait sincèrement son fils. Il serait réellement capable de mourir pour lui.

« Et son fils ? Me demanda alors Alex.

-Léo est toujours chez moi… enfin… pas chez mes parents… oh et puis vous avez sûrement compris ! »

Ils sourirent. En une semaine, ils avaient, d’une certaine manière, acceptée ce que j’étais devenue. Je savais bien qu’ils ne cautionnaient pas pour autant les meurtres que je devais commettre chaque nuit pour pouvoir survivre. C’était Ella qui y était la plus opposée. Même si les hostilités n’éclataient pas entre nous, son regard me renseignait assez sur ce qu’elle pensait de moi. Mais elle ne me le disait pas. Peut être qu’un jour…

Elle nous rejoignit bientôt. Ella était dans un bâtiment éloigné du nôtre. On ne mangeait pas toujours aux mêmes heures mais on finissait toujours par réussir à se retrouver tous ensemble. Elle jeta devant moi un journal.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Lui demandai-je.

- Lis. » Ordonna-t-elle.

Je lus avec rapidité ce qu’elle venait de me mettre sous les yeux. L’article parlait d’une rixe entre deux gangs rivaux dans une banlieue. Je posai le journal à plat sur la table. Je mis la main sur l’article et fermai les yeux pour me concentrer. C’était bien ce que je pensais.

« Deux gangs rivaux… à d’autre, dis-je en rouvrant les yeux.

-Que veux-tu dire ? Me demanda Alex.

-Les deux gangs étaient certainement formés de Vampires. J’en mettrai ma main à coupé.

-Comment peux-tu en être si sûre ?

-Regarde bien la photo Éva. »

Je lui tendis le journal. Elle regarda attentivement la photographie en noir et blanc qui illustrait l’article. Elle représentait les dégradations qui avaient eu lieu.

« Et alors ?

-Il est dit dans l’article que personne n’a été admis dans un hôpital à la suite de cette bagarre et l’on n’en a même pas trouvé ceux qui avaient fait tout cela. Mais il a dû y avoir des blessés. Regarde tout ce sang. »

C’était vrai. Le sol mais aussi les murs étaient recouverts de sang. Aucun blessé… cela ne pouvait être que des Vampires.

« Bravo Ella, la félicitai-je. Tu as bien fait le rapprochement.

-On dirait qu’Ishta a repris les hostilités, intervint Jenny. Pourquoi maintenant ?

-Même si nous sommes liés psychiquement, je ne suis pas encore en mesure de savoir ses pensées quand je suis loin de lui.

-Comment expliques-tu cela ? Me questionna Éva.

-Je ne l’explique pas.

-Demande à la prêtresse alors… Gwen, me proposa Alex.

-Avec tous les soupçons d’Ishta, je ne suis plus vraiment sûre de sa loyauté à mon égard. En fait… je ne suis plus sûre de rien.

-Sauf de ton statut de Gardienne.

-Jenny… C’est l’une des choses dont je doute le plus parfois. N’oubliez pas ce que j’ai vu. »

Je leur avais raconté mon histoire. Ils savaient tout maintenant d’abord grâce à ce que j’avais écrit puis grâce à ce que je leur avais dit.

« Ah… Encore cette vision, dit Alex. Non, tu es une Gardienne. Cela ne peut faire aucun doute…

-C’est gentil d’essayer de me remonter le moral, l’interrompis-je, mais…

-Tu en as plutôt besoin. » Me coupa alors Ella.

Je levai la tête vers elle. Ella semblait inquiète. Je pensais pourtant que… Quand je disais que je n’étais plus sûre de rien…

« C’est vrai qu’entre cette guerre avec Ishta, repris-je, Alexia qui se trimballe dans la nature avec mon secret… Et mes visions d’apocalypse, je ne peux tout de même pas avoir un moral au beau fixe.

-Ne dis pas cela, dit Éva. Tout est en train de s’arranger. Ishta a dit qu’il acceptait l’échange. Pourquoi reculerait-il maintenant ? Tu l’as dit toi-même dit. Son fils est tout pour lui. Il ne peut pas l’abandonner.

-Quand à Alexia… ajouta Alex, elle est certainement morte après ce que tu lui as fait…

-J’ai le droit de ne pas être convaincue ! »

Alexia était peut être en vie, était sûrement en vie. C’était étrange. Je le sentais. J’avais bu de son sang. Peut être cela avait-il établi une sorte de liaison entre nous ? Il fallait que je la retrouve. Alex interrompit mes réflexions.

« Quant à tes visions d’apocalypse… Es-tu vraiment sûre que c’est Ishta qui va provoquer tout ce que tu as pu voir ? Il n’a pas l’air aussi méchant que cela. »

Jenny le regarda avec une moue dubitative.

« Alex, Ishta a trois mille cinq cents ans alors ne me fait pas croire qu’il est blanc comme neige. En trois mille ans, il a dû en apprendre des choses sur la manipulation, le mensonge, etc. Un mec canon comme lui a dû en faire des victimes. »

Elle se tourna alors vers moi.

« Pas qu’il me plaise Ahélya mais…

-Ne t’inquiète pas. Il y a beaucoup trop de monde pour qu’un nuage apparaisse au dessus de ta tête.

-Merci. »

Elle se retourna vers Alex.

« Il est plus vieux qu’Ahélya, cela veut aussi dire qu’il est beaucoup plus puissant qu’elle. C’est toujours ainsi dans les légendes. Les Vampires les plus vieux sont les plus puissants.

-En ce cas, elles se trompent, intervins-je. Il n’est pas plus puissant que moi. C’est une chose dont je suis sûre.

-Je ne comprend pas ce que tu veux dire, dit Éva.

-Je suis connectée à son esprit. Cela je le sais. Je suis vraiment sa jumelle. Je le sens.

-Où veux-tu en venir ?

-Souvenez-vous de ce que je vous ai dit sur les Gardiens jumeaux. Ils ont la même puissance. Je suis sa jumelle… Ce qui veut dire que je suis née Vampire avec beaucoup plus de puissance que lui lorsqu’il est né.

-Moi pas comprendre, fit Éva.

-Je viens de te le dire. D’après ce que j’ai pu apprendre sur les Gardiens, je possède la même puissance que lui…

-Moi, je comprends ! M’interrompit Alex.

-Tu es bien le seul ! Je n’ai toujours pas compris. Tu m’expliques s’il te plait.

-Elle nous l’a dit. Ils partagent tout, expliqua Alex. En fait… Le terme de jumeau ne me parait pas le plu s approprié… Ils sont plutôt des alter ego. Ahélya avait une puissance supérieure dès sa transformation parce qu’Ishta était déjà là. »

Il avait plutôt bien résumé la situation. Mais j’avais quelques petites choses à rajouter.

« Ce n’est pas un problème de puissance. Comme l’a si justement dit Alex, j’ai les mêmes pouvoirs qu’Ishta. C’est un problème de contrôle et de maîtrise. Contrairement à lui, je n’arrive pas à utiliser toute cette puissance. »

Je le sentais en moi. Il y avait tellement de pouvoir qui coulait dans mes veines. Comment pouvais-je arriver à réveiller tout ce pouvoir que je possédais ? Il devait bien…

« Oh bon sang ! C’est-ce qu’il voulait dire par la mémoire des Gardiens est en toi… »

Notre mémoire… à tous commune, à tous transmise… c’était cela la clé.

« Là, je ne comprends plus, dit Alex.

-Et moi, je viens de comprendre ! Réalisai-je. Pendant tout ce temps, j’ai cherché des réponses ! Auprès de Gwen, de Shiva… et d’Ishta sans comprendre que je n’avais pas besoin d’eux.

-J’ai compris, s’exclama Éva. Si tu veux avoir des réponses, il faut que tu entres en contact avec la mémoire des Gardiens qui est…

-En moi, finis-je à sa place. Cela a toujours été en moi. Le problème c’est que je ne le contrôle pas. Mes visions sur certains évènements qui ont touchés les Gardiens, toutes ces lois que je sais… Toutes ces choses viennent de là. Mais je n’ai encore aucun contrôle la dessus. Je n’en… »

Je portai soudain la main à ma bouche. J’essayai de réprimer un vomissement. Qui…

« Qu’est-ce qu’il y a ? » me demande Ella inquiète.

J’avalais le sang qui était en train de remonter dans ma bouche. Je pus enfin prononcer quelques mots.

« Un idiot a dû prendre du saucisson à l’ail et s’est installé à côté de nous, réussis-je à répondre entre deux nausées. Excusez-moi mais je préfère vous attendre dehors. Un peu d’air frais me fera du bien. »

Je reportai la main à ma bouche tout en me levant précipitamment Je filai à une vitesse qui n’avait rien d’humaine à l’extérieur. La seule chose que les mortels avaient dû voir était un courant d’air. Je m’appuyai contre le mur malade comme un mortel. Je me laissai glisser par terre. J’avais tellement mal au ventre.

Quelques minutes plus tard, mes amis me rejoignirent dehors. J’étais accroupie, le dos appuyé contre le mur. Je me tenais toujours le ventre. Il y avait une flaque de sang juste à côté de moi.

« Tu vas mieux ? Me demanda Éva.

-Je me suis éloignée de l’ail donc… Oui, je vais mieux mais je ne suis pas encore au mieux de ma forme. Je crois qu’il me faudrait un peu de sang frais. Cela me permettrait de m’en remettre tout à fait. »

Comme à chaque fois que je me mettais à évoquer mon appétit de sang, mes amis me regardèrent de travers. Mais ils étaient plus gênés qu’effrayés. Ils commençaient à s’y habituer.

« Je suis désolée. » leur dis-je.

Je m’excusais beaucoup ces derniers temps. Cela ne me plaisait guère. Mais bon…

« Ce n’est rien. »

Ils commençaient à s’y habituer mais… Même s’ils m’aimaient beaucoup, même s’ils étaient tous pour moi, il y avait maintenant cette distance entre nous, cette distance qui était due à ma condition de Vampire. Je savais qu’ils voulaient m’aider mais ils n’avaient pas leur place dans ce conflit. Ils étaient mortels et la bataille avait lieu entre Vampire… Enfin pour l’instant. Je priai Dieu pour que ce que j’avais vu ne se produise jamais.

« Tu vas bien Ahélya ? »

Je levai la tête tandis que mes amis se retournèrent. Quelqu’un passait par là et elle s’était arrêtée devant nous.

« Tu es toute pâle. »

Pas plus que d’habitude en fait.

« Bonjour madame. » la salua Éva.

Cette femme… C’était notre professeur de philosophie. Je marmonnai un inintelligible bonjour et j’ajoutai que j’allais bien. Elle passa enfin son chemin mais elle conservait son air inquiet. Quand elle eut disparu, Éva se pencha vers moi pour me dire :

« Un petit peu de sang du Puff te redonnerait peut-être ta forme. Allez… Fais cela pour nous s’il te plait. »

Éva… Éva … Éva… notre professeur de philosophie n’était pas aussi méchante que cela mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour louper un cours lorsque l’on est lycéen ? Ce monde allait me manquer au moment où je le quitterais. Eux aussi, ils me manqueraient. Il allait pourtant bien falloir que je finisse par quitter ce monde et rejoindre celui qui était maintenant le mien… Celui des Vampires.

Je réussis enfin à me relever tant bien que mal. Je commençai à marcher mais je vacillais encore. Éva vint à ma rescousse. Elle me prit par le bras. Je répondis enfin à sa proposition.

« Tu n’es pas folle Éva, lui dis-je. Un peu de sang de Puff… Je n’ai pas envie de m’empoisonner. »

Nous nous mîmes tous en marche. En m’éloignant de l’ail, je me sentais mieux. La discussion sur le monde que mes amis venaient de découvrir se poursuivait.

« Et le Clan ? demanda soudain Alex. Est-ce que tu as de leurs nouvelles ? Eux aussi, ils doivent bien mijoter quelque chose.

-Je ne sais pas. L’homme qui les dirige est beaucoup plus modéré que le précédent. Il a promis de nous recevoir dès que le conflit sera terminé.

-Il a accepté ! Mais… Toi et Ishta vous avez pourtant tué l’une de ses équipes de chasseurs.

-Ce n’est pas la première fois que les Gardiens éliminent des chasseurs du Clan et cela n’est certainement pas la dernière. Le Clan est l’un des plus grand organisme qui prend en chasse les Vampires. Nous avons affaire à lui depuis des milliers d’années. »

Mais… Je dois bien avouer que ce combat… Il m’était revenu à l’esprit. J’avais été si proche d’Ishta à ce moment-là. J’avais réussi à pénétrer dans le monde des Vampires cette nuit-là. J’avais enfin trouvé ma place et comme il l’avait dit pour moi… Ma place était à ses côtés. Je devais pourtant l’empêcher de nuire… Danger ! Je sentais du danger !

« Baisse-toi Ella ! » criai-je.

Mais elle ne réagit pas assez vite. Je me précipitai alors vers elle pour la faire tomber par terre. Le poignard nous avait frôlé. Je me remis aussitôt sur mes pieds. Tandis qu’Ella se remettait debout à son tour, je m’approchai de l’arme pour l’examiner. Elle s’était plantée dans un arbre jusqu’à la garde. J’aurais reconnu les signes qui se trouvaient sur le manche entre mille. L’un des deux étaient sur le mien. Quant à l’autre…

« Le signe des Gardiens et celui d’Ishta entremêlés. » murmurai-je.

J’avais tout de même parlé trop fort. Mes amis m’avaient entendu. Ils s’approchèrent de l’arbre. Eux aussi reconnurent le poignard.

« C’est sûr Alex, dit Jenny sur un ton sarcastique. Il n’a pas l’air si méchant que cela. »

Ce n’était pas vraiment le moment pour ce genre de réflexion mais je me retins d’en faire la remarque à Jenny. Sous le regard effaré des mes amis, je sortis mon poignard de sa cachette. Comme d’habitude, je l’avais attaché autour de ma tailler et personne ne pouvait le voir parce qu’il était sous forme de brume.

« Tu l’emportes au lycée ! » s’exclama Éva.

Je lui aurais bien dit de se taire mais… Je préférai l’ignorer pour pouvoir humer l’air en toute tranquillité. Mais ce n’était pas à mon odorat que je devais me fier…

« Arrête de te cacher Ishta. Tu voulais me parler, je suis là, juste devant toi. Qu’est-ce que tu as à me dire ? »

Je tendis la main vers le brouillard qui avait commencé à se lever autour de nous. Le Vampire apparut soudain devant moi. Ma main était posée juste sur sa joue. Doucement, il la prit pour l’amener à ses lèvres. Je fis un bond en arrière pour retirer ma main au moment où il allait l’embrasser. Cela fit sourire Ishta. Son poignard s’était mis à vibrer dès qu’il était apparu. Il fut bientôt dans la main de son maître.

« Bonjour Ahélya. Belle journée n’est-ce pas ? Me dit-il d’un ton désinvolte.

-Elle l’aurait été si je ne t’avais pas vue en face de moi. » Répliquai-je méchamment.

Il s’approcha.

« Mon Ahélya… dit-il tendrement. Ma Gardienne tant aimée…

-Arrête donc les mots doux pendant cinq petites minutes et dis-moi ce que tu as à dire.

-Bon… » Dit-il en haussant les épaules.

Il s’éloigna de quelques pas et… Il m’envoya un avion en papier qu’il venait de sortir de sa poche. Mon Dieu… Si même les Vampires commençaient à envoyer des petits avions où allait le monde !

« Le nuit prochaine… Va à cet endroit. J’aurais Shiva. Tu m’amèneras mon fils. C’était bien cela le marché n’est-ce pas ? »

Comme s’il l’ignorait. Je dépliai le papier et lus ce qui y était écrit. Cela ne m’étonnait guère de sa part.

« D’accord Ishta.

-Oh… J’oubliais une petite chose. Tes amis aussi sont invités et… Ne t’inquiète pas, j’ai déjà transmis les cartons d’invitation à ce cher petit Clan. Je suis sûr qu’ils vont adorer le spectacle.

-Je ne te comprends pas. Pourquoi désires-tu autant qu’ils soient tous là ? lui demandai-je.

-Mais pour qu’ils puissent assister à ta défaite ma Gardienne ! »

Ma défaite à propos de quoi ? Il avait pété un câble depuis notre dernière rencontre on dirait. Réfléchis cinq minutes Ahélya ! Ishta a toujours été comme cela. Complètement givré. Parfois, je me demandais comment il avait pu être de son vivant. J’ai bien peur que le fait d’être devenu Vampire ne l’est pas amélioré. Ishta ajouta :

« Mais ne t’inquiète pas. Il n’y aura pas que tes chers mortels adorés, de nombreux Vampires sont aussi sur la liste d’invitation. Nous aurions voulu qu’ils viennent tous mais… Tu sais… Nous sommes si nombreux. Nous ne tiendrons jamais tous là bas. »

Justement, j’ignorais combien de Vampire il pouvait y avoir sur notre planète.

« Mais de quoi parles-tu Ishta ? Lui demandai-je en me rapprochant de lui.

-Ne t’approche pas ! » Me prévint-il.

C’était bien la première qu’il me disait de ne pas l’approcher. Je croyais qu’il adorait nos corps à corps. Quel dommage ! Je les aimais bien moi aussi. Ne fanfaronne pas Ahélya… Pourquoi ne veut-il pas que tu l’approches ? Et si… J’avais soudain compris. La connexion… Elle était trop forte maintenant. Si je le collais d’un peu trop près, mon esprit se connecterait aussitôt au sien et j’allais savoir tous ses plans. Je fis quelques pas vers lui. Je n’allais tout de même laisser passer cette chance. Ishta recula.

« Qu’est-ce qui te fait donc aussi peur Ishta ? Tu n’as pas l’habitude de reculer face au danger il me semble. »

Je jouais avec lui comme il jouait avec moi. Mais cette fois-ci, le Gardien ne semblait pas avoir envie d'entrer dans la danse. On aurait dit qu’il avait réellement peur que je l’approche. Il semblait effrayé par ce lien qui pouvait me dévoiler tous ses plans. Je continuais d’avancer comme il continuait de reculer. Nous n’allions pas nous en sortir si nous continuions ainsi.

« Fais attention chéri, tu vas finir par te faire écraser. » le prévins-je.

Il est vrai qu’Ishta était maintenant sur la route. Heureusement qu’elle n’était pas très passante.

« Ne me force pas à te blesser ma Gardienne. » me supplia-t-il.

Il était donc prêt à se blesser lui-même pour que je ne sois pas mise au courant de ses plans. Je m’approchais encore un peu plus de lui. Il continua de reculer. Il se trouvait maintenant sur le trottoir qui se trouvait de l’autre côté de la rue et c’était moi maintenant qui me trouvais sur la route.

« Fais attention chérie, tu vas finir par te faire écraser. » me dit-il.

Il osait me renvoyer mes paroles alors que monsieur crevait de trouille à la seule idée que je l’approche.

«Allez ! Vas-y ! Blesse-moi, le provoquai-je. Je n’ai rien à perdre Ishta. Si je meurs, tu meurs avec moi.

-Au contraire ma Gardienne, tu as tout à perdre. Ne l’oublie pas. Tu peux les perdre. Eux. »

Son poignard qu’il tenait dans sa main tendue devant lui se détourna de moi et Ishta prit pour cible Ella, Éva, Jenny et Alex. Cela ne me fit pas peur. Il savait très bien ce qui pouvait se produire s’il blessait l’un d’entre eux. L’un d’entre eux… C’était cela la solution.

« Mais non Ishta, tu te trompes. Je risque de ne perdre que l ‘UN d’entre eux.

-Ainsi… Tu serais donc prête à courir ce risque ?

-Oui. » Répondis-je.

Mais je pensais tout à fait le contraire de cette affirmation. Il fallait que cela soit moi qu’il vise et pas eux. Je ne pouvais pas accepter une telle chose. Moi, je ne risquais rien. Ishta n’allait pas se risquer à me tuer. Il se serait alors tué lui-même. Quant aux blessures… Je ne les craignais guère. De plus, le problème restait le même. Il ne pouvait rien me faire sans se blesser lui-même… Ou alors, il aurait fallu qu’il m’approche pour que nous nous battions à mains nues mais comme Ishta s’y refusait. Dans tous les cas, il fallait que je lui mente pour qu’il cesse de mêler mes amis à tout cela. Mieux valait qu’ils soient toujours en vie et m’en voulant à mort à cause de ce que j’étais sur le point de dire plutôt que mort ou devenu Vampire tout en m’en voulant parce que je n’avais rien fait pour les protéger. Je devais les protéger. J’étais la seule qui pouvait lutter contre Ishta sans risque.

« Fais ce que tu veux, ajoutai-je d’un ton méprisant. Après tout… ce ne sont que des mortels. Pourquoi devrais-je me soucier d’eux ? Ils devront bien mourir un jour… Alors que ce soit maintenant ou dans dix ans ! N’es-tu pas de cet avis Ishta ? »

Il était vraiment le roi des idiots s’il tombait dans mon piège. Petit problème ! Ishta était loin d’être idiot. Il connaissait très bien les réflexes humains et l’instinct des Vampires sans oublier celui des Gardiens, c’est-à-dire les principales composantes de ma nature. Sans oublier que… Il était mon jumeau d’esprit. Il ne tomba pas du tout dans mon piège et… Je n’avais pas cessé d’avancer.

« Tu as fait ton choix Ahélya. » me dit-il.

Il lança son poignard et le fixa intensément. Je sentis son pouvoir grandir. Grâce à ma vision de Vampires, c’était comme si je voyais une vague de pouvoir sortir de ses yeux qui étaient encore plus brillants et plus flamboyants que d’habitude. Son pouvoir était en train d’agir sur le poignard. Juste avant qu’il ne touche mes amis, il se divisa en quatre poignards distincts. Ella et Éva se jetèrent sur le côté et réussirent ainsi à les éviter mais Alex et Jenny n’eurent pas autant de chance. Ils furent touchés. Je n’avais rien pu faire.

Peu m’importait Ishta maintenant, je me précipitai vers eux. Je les examinai rapidement. Leurs blessures n’étaient que superficielles. Ishta n’avait donc pas l’intention de le tuer. Ce qu’il venait de faire n’était qu’un avertissement. Il ne les tuerait pas… Enfin pour le moment. Je m’entaillai rapidement la peau et laissai mon sang couler sur leurs blessures. Elles se refermèrent aussitôt. Je les aidai à se relever. Pendant ce temps, les poignards s’étaient de nouveau réunis pour ne redevenir qu’un seul. Il était ensuite revenu dans a main d’Ishta.

« Alors Ahélya, dit-il, dois-je recommencer ? »

Le tonnerre gronda en guise de réponse. Je me tournai vers lui. Des éclairs commencèrent à déchirer le ciel. Le vent soufflait de plus en plus fort. Un arbre tomba à cause de lui. Il s’écroula sur le gymnase qui se trouvait juste à côté du self. Un autre s’enflamma au moment où un éclair tomba sur lui. J’entendis des cris mais je m’en fichais. Je sentis une présence à côté de moi. C’était Alex. Il m’attrapa par le bras. Mais… Il reçut une décharge électrique. Je le vis s’éloigner de moi en se tenant la main. Il s’était brûlé.

« Calme-toi ! Hurla Ella. Ils n’ont plus rien maintenant ! »

Peut-être mais je voulais me venger.

« Arrête, ajouta Éva. Désires-tu que tout le monde soit au courant de ce que tu es ! »

Je ne répondis pas. Je me moquais totalement de ce que les autres pourraient voir. Seul mon désir de vengeance comptait. Ishta s’en était pris à mes amis, il allait payer maintenant. Mon corps était devenu une gigantesque source d’énergie. Je sentais une puissance incroyable couler dans mes veines. Mon sang de Vampire semblait bouillonner. Je sentais tellement de force en moi. J’étais ivre de pouvoir et de puissance. Ma vengeance allait être terrible. La tempête continuait de se déchaîner tout en prenant plus de force et de violence. Le vent soufflait à une vitesse incroyable. Ishta n’aurait pas pu faire cesser tout cela sans faire appel à une source de pouvoir aussi forte que celle qui se trouvait maintenant en moi. Mon cœur ne se remit pas à battre malgré toute l’énergie que j’étais en train de dépenser mais je sentais tout de même quelque chose de chaud dans ma poitrine, juste au niveau de mon cœur mort. Cela ne faisait pas mal. C’était un peu chaud. C’est tout. Je m’approchai d’Ishta. Il n’avait plus peur maintenant. Il semblait même heureux de ce qu’il voyait.

« La plus puissante d’entre nous… » Murmura-t-il admiratif.

Mais tout ceci ne l’empêcha pas de poursuivre ses menaces.

« Mais je te préviens Ahélya. Arrête de vouloir m’approcher ou… Je recommence. »

Il se préparait déjà à lancer son poignard. Un éclair le frôla. Ishta fit un bond sur le côté pour l’éviter. Un pouvoir immense passait par mes yeux et il était plus fort que tout ce que j’avais connu. Je n’étais pas prête d’épuiser ce pouvoir. Ishta lança tout de même son poignard sur mes amis. Le même pouvoir que tout à l’heure passa par ses yeux. Cette fois-ci, il se divisa en une dizaine de poignards identiques. Avant qu’ils ne les touchent, des éclairs les frappèrent. Ils tombèrent par terre et ils redevinrent un seul poignard. Ishta étendit la main vers lui mais un nouvel éclair le frôla. Les nuages étaient d’un noir d’encre. Ishta décida soudain de passer à un autre genre d’offensive. Je sentis qu’il essayait de prendre le contrôle de mes pouvoirs. J’envoyai mon propre poignard sur lui. Je le fixai comme l’avait Ishta. Je n’avais aucun doute sur ce que j’allais faire. J’étais si puissante. Cela ne pouvait que marcher. Un immense éclair aveugla tout le monde sauf Ishta et moi. Maintenant… Il n’y avait plus un seul poignard. Il y en avait des centaines qui se dirigeaient sur Ishta. Ils attendaient le moment où je leur ordonnerai de frapper. Une chose qui ne tarda guère. Ishta essaya bien de les éviter mais les poignards continuèrent de se multiplier. Ils ne le frappèrent pas. Je ne contrôlais peut- être pas très bien leur multiplication mais j’étais parfaitement capable de les diriger. Ils formèrent un mur d’argent tout autour d’Ishta. Le Vampire voulut s’enfuir mais ne réussit pas. Les poignards le suivaient à la trace. Je devins brouillard. Je me matérialisai ensuite à l’intérieur du mur de poignards juste en face d’Ishta. Un poignard surgit dans ma main. Je frappai de toutes mes forces avant que le Gardien ne puisse faire un seul mouvement. Il s’écroula par terre. Je le suivis dans sa chute. J’étais sur lui et je tenais le poignard juste au dessus de son cœur. Un simple geste et il mourrait. De plus, mon esprit s’était enfin connecté au sien par ce simple contact. Je le regardai dans les yeux. Il me dégoûtait.

« Je n’ai jamais vu autant de haine dans tes yeux ma Gardienne, me dit-il.

-Tait-toi ! »

J’appuyai la pointe du poignard un peu plus fort sur sa chemise noire.

« Désires-tu donc à ce point mourir ? » me demanda-t-il.

A ton avis ! J’enfonçai le poignard dans sa poitrine avec une farouche détermination. Un liquide chaud ne tarda pas à couler le long de ma poitrine. Mon sang…

« La réponse semble être affirmative, souffla Ishta.

-Je t’avais interdit de les toucher !

-Je suis un Vampire. » Dit-il comme s’il voulait s’excuser.

J’enfonçai un peu plus le poignard. Nous poussâmes ensemble un cri de douleur. Cela faisait si mal ! Un feu à l’intérieur de la poitrine, voilà ce que nous étions en train de ressentir. Nous étions en train de mourir… Tous les deux. Quant à mes pouvoirs, je sentais bien qu’ils étaient en train de se retirer. Les poignards commencèrent petit à petit à disparaître. Mais soudain…

« Ishta, cela suffit ! » entendis-je.

D’où pouvait bien provenir cette voix ?

« Dis-le lui alors ! » répondit difficilement l’intéressé en grimaçant de douleur.

Je sentis alors un nouvel esprit qui tentait de faire fléchir ma détermination à le faire mourir, à nous faire mourir. Contre ma volonté et malgré ma résistance, le poignard se retira de la poitrine d’Ishta. Je voulus le renfoncer mais Ishta me prit par la main et serra. Je lâchai enfin le poignard. Mais mon désir de vengeance était toujours aussi fort. La tempête avait repris de la force en même temps que moi. La voix que j’avais entendue reprit :

« Regarde ! Regarde ce que deviendrait ce monde si tu n’étais pas là jeune Gardienne ! Regarde ce qu’il serait si vous n’étiez plus là. »

Les visions d’apocalypse recommencèrent. Ishta les voyait les aussi. Je le sentais. Il était avec moi. Je sentais sa main qui serrait la mienne. Comme la première fois, la violence de ses visions me clouèrent sur place. Mais… Il y avait aussi la puissance du pouvoir qui les produisaient. Une puissance bien supérieure à la mienne ou à celle d’Ishta.

Le soleil était revenu. La tempête avait cessé et les poignards n’étaient plus là sauf… Le mien et celui d’Ishta qui gisaient tous les deux par terre. J’étais tombée sur Ishta. La douleur dans la poitrine avait été remplacée par une souffrance mille fois pire. Le Gardien avait mieux supporté que moi les visions. Il releva légèrement la tête pour me murmurer quelque chose à l’oreille.

« Veux-tu vraiment d’un monde qui serait gouverné par les Vampires? » me demanda-t-il.

Non ! Bien sûr que non ! Je n’aurais jamais voulu une telle chose ! Ishta commença à se transformer en brume. Seul son visage était encore solide quand il ajouta :

« N’oublie pas Ahélya ! Demain. A la tombée de la nuit. Shiva sera là et tu me rendras mon fils. »

Il disparut. Je tombai par terre.


« Range-moi donc ce truc Ahélya ! » ordonna Éva à voix basse en se penchant vers moi.

Nous nous trouvions en SVT. J’avais sorti mon poignard de son fourreau. Je l’examinai attentivement en le maintenant sous la table tandis que les autres élèves étaient en train d’écrire ce que nous dictait notre professeur. Sur le manche de mon poignard, on ne trouvait qu’un seul signe. Il était aussi sur le poignard d’Ishta. Il s’agissait du signe des Gardiens dans le langage Vampirique. J’avais trouvé de nombreux parchemins dans la bibliothèque du Clan qui comportait ce signe. Je l’avais parfois vu dans mes visions aussi. Mais mon poignard était différent de celui d’Ishta. Sur le sien, il y avait ce signe mais il était mêlé à un autre. Ce n’était pas bien sorcier de comprendre que ce dernier signe était personnel au Gardien. Mais que voulait-il dire exactement ? Je n’en avais aucune idée.

« Ahélya, range-le. Tu as donc envie que quelqu’un le remarque ! »

Pour être honnête, je m’en moquais totalement. Le secret de notre existence n’était pas mon principal sujet de préoccupation pour le moment.

« Ahélya ! » insista Éva.

Il est vrai qu’il fallait peut être que je fasse comme les autres élèves c’est-à-dire me préoccuper de mes études. Mais j’avais tellement de problèmes en tête. Comme j’aurais voulu retrouver ma vie d’avant !

« Comme tu veux Éva. » dis-je en transformant mon poignard en un léger brouillard.

Je me mis alors à jouer avec la petite nappe de brume. Mais l’image du poignard était présente à mon esprit. Je pris enfin mon stylo. Je regardai la feuille d’Éva tout en recopiant rapidement ce que j’avais loupé. Avec ma rapidité de Vampire, j’eus vite tout repris et je pus enfin reprendre le cours normalement. Éva chuchota :

« Tu ne croies pas qu’il vaudrait mieux te concentrer sur ta mémoire de Gardienne plutôt que sur ce stupide poignard. Il me semble que cela serait bien plus utile.

-Ce stupide poignard comme tu dis, me semble maintenant beaucoup plus important que cette mémoire qui m’échappe et dont je ne peux contrôler l’accès. De plus, le poignard est l’un des attributs des Gardiens. Il a de l’importance. Je le sais.

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-Ishta n’est pas seulement venu me dire où devait avoir lieu l’échange. Il voulait se battre contre moi aujourd’hui et j’ai bien peur que notre rendez-vous de demain ne soit que la continuation de notre affrontement.

-Croies-tu vraiment qu’il oserait après ce que tu viens de faire ? Tu as failli le tuer et toi avec tout à l’heure?

-Tout à l’heure Éva, j’ai surtout tué cinq personnes qui n’avaient rien à voir dans ce conflit et j’ai aussi fait vingt blessés. Sans compter que j’ai bien failli provoquer la fin du monde en voulant tuer Ishta.

-Mais personne ne se souvient de ce qui s’est passé entre toi et Ishta. L’arbre est tombé et personne ne sait pourquoi. »

Il est vrai que l’incident du début d’après midi avait mystérieusement était effacé de la mémoire de tous ceux qui y avaient assisté. Il fallait un immense pouvoir pour faire une telle chose. Hypnotiser tous ces gens pour qu’ils oublient ce qu’ils venaient de voir… J’en étais incapable. Bien évidemment, Éva, Ella, Jenny et Alex se souvenaient de tout, eux. Mais ce n’était pas moi qui avais fait cela. Je ne savais pas encore maîtriser tous mes pouvoirs quand j’atteignais un tel degré de puissance. La multiplication des poignards en était la preuve. Ishta, lui, en étais peut être capable. Je n’en avais aucune idée. Qui aurait pu faire ce tour de force à part lui ?

« En tout cas, me dit Éva, après une telle démonstration de puissance, tu ne peux plus douter de ce que tu es.

-Je ne sais pas.

-Tu ne peux plus en douter ! Tu n’as pas le droit d’en douter Ahélya. Ta vision t’a trompée c’est tout. Ishta t’a bien dit qu’il y avait un truc pour les comprendre ?

-Oui. J’ai cherché pendant des heures ce que c’était mais…

-Cela doit être tout simple en fait. Si cela se trouve…

-Là n’est pas la question. Il y a autre chose qui me gène.

-Et quoi ? »

Elle secoua la tête de droite à gauche.

« Tu as causé la mort de cinq personnes et tu en as blessée vingt autres… Et la seule qui t’importe c’est-ce poignard. »

Il n’y avait pas de réel reproche dans sa voix mais…

« Tu sais Eva… des morts… j’en fais toutes les nuits alors… cinq de plus ou de moins… ce n’est pas cela qui pourrait me gêner maintenant. Mais je comprendrais que toi et les autres… »

J’avais dû mal à formuler mes phrases. Eva n’eut aucune réaction. Je poursuivis :

« Mais il y a quelque chose qui me gêne.

-Et quoi ?

-Cette voix que j’ai entendue… Elle m’a appelée JEUNE Gardienne.

-Et alors ?

-J’avais l’impression qu’elle s’adressait à moi comme si j’étais encore en apprentissage. Normalement, il aurait dû m’appeler Gardienne tout court. C’est le titre que je porte.

-Tu veux dire que tu ne serais pas encore tout à fait une Gardienne et… Comment est-ce que cela serait possible ?

-Je ne sais pas. En tout cas, je dois sans doute accomplir quelque chose pour le devenir.

-Et ce quelque chose, tu pense que ce serait un combat contre Ishta. Cela serait logique après tout.

-En effet. C’est pour cette raison que je dois apprendre à contrôler les pouvoirs du poignard. Ishta n’agit pas sans raison. Cela, je le sais. Il voulait me provoquer. Il voulait que je me mette en colère.

-Pourquoi alors ?

-Je ne sais pas. Peut-être pour voir l’étendu de mes pouvoirs. Non, c’est idiot. Il sait très bien quel peut être l’étendu de mes pouvoirs. Nous ne sommes pas jumeau pour rien.

-Et pourquoi pas pour te forcer à utiliser les pouvoirs du poignard.

-Tout est possible avec Ishta. Je n’aurais jamais soupçonné que le poignard possédait lui aussi son propre pouvoir si Ishta ne s’en était pas servi… Contre vous. »

Je restai silencieuse. La colère que j’avais éprouvée au début de l’après midi était sur le point de ressurgir.

« Jamais je n’aurais dû vous mêler à tout cela, dis-je. Vous ne faîtes pas partie de ce monde. Ce n’est pas votre guerre. Des fois, il m’arrive même de me demander si c’est bien la mienne alors…

-Peu importe Ahélya. Tu as besoin de soutien. Demain, nous viendrons avec toi. Où est le lieu de rendez-vous ?

-Ahélya ! Eva ! Il me semble que vous aurez tout le temps de discuter plus tard. »

Je baissai la tête. Eva se tut. Il était assez rare que notre professeur hausse la voix. Quelques minutes plus tard, je chuchotai :

« L’échange aura lieu là où tout a commencer. »

Eva voulut m’interroger sur ce lieu mais je préférai garder le silence pendant le reste de la journée ce qui ne m’arrivait jamais lorsque j’étais encore en vie. En fait, il n’y avait pas plus bavarde que moi à cette époque.


Il n’y eut rien de nouveau pendant le reste de la journée. A la tombée de la nuit, je revêtis la tenue d’apparat des Gardiennes pour ensuite me rendre à la salle souterraine, là où tout avait commencé comme je l’avais dit à Eva, l’endroit où nous procéderions à l’échange le lendemain.

La salle n’avait pas changée. On aurait dit que personne n’y était revenu depuis l’invasion du Clan. Tout ceci me revint en mémoire. Il s’était passé tellement de chose dans cette salle. Je passai lentement la main sur l’autel de pierre où j’avais été transformée en Vampire. Tout ceci me semblait si éloigné maintenant. Bientôt cinq mois que j’étais devenu Vampire et pourtant… J’avais l’impression que je l’avais toujours été. Ma vie humaine me semblait si loin maintenant que je me trouvais ici. C’est pour cette raison qu’ils voulaient que nous soyons jeunes, à peine sorti de l’adolescence et à peine entré dans l’âge adulte. Au fil des siècles, j’allais oublier ces presque dix-huit années de vie humaine. Les souvenirs seraient toujours là bien sûr mais… Ils seraient trop flous et trop éloignés de moi. Je le voyais déjà. Mon instinct de Vampire avait pris l’avantage sur mes habitudes humaines. Les morts et les blessées occasionnées par mes pouvoirs ne me bouleversaient pas le moins du monde. Seul le reste de scrupules hérités de mes habitudes humaines m’empêchaient de me moquer totalement de ce que j’avais provoqué. Mes amis étaient saufs. C’était le principal. Je n’avais pas failli à ma mission et peu m’importait les conséquences. Je n’avais pas failli. Pas comme pour Shiva…

Ishta avait raison. Je commençais à me souvenir des autres fonctions des Gardiens. L’une des plus importantes est notamment la protection du Premier. Les Gardiens auxquels il dévoilait sa véritable identité formaient en quelque sorte sa garde personnelle. Shiva choisissait les meilleurs Gardiens pour former sa garde. Je me souvenais également qu’avant d’avoir été des éditeurs de lois, les Gardiens avaient été des guerriers. C’est de là que venaient mes capacités au combat. Je n’avais jamais compris pourquoi les prêtres mêlaient la magie noire et la magie blanche lors de la cérémonie d’initiation des Gardiens mais en revenant dans cette pièce, il me semblait que cette magie s’expliquait d’elle-même. Elle servait à la création de l’arme personnelle du Gardien, à sa connexion avec elle, au lien qu’il partage avec son jumeau mais aussi à la conservation de la mémoire résiduelle des Gardiens que je possédais moi-même. Je sentais l’énergie de cette magie ici. L’air en était saturé. Mais ici, je ne sentais pas la présence des autres Gardiens. Sans doute parce qu’ils n’avaient jamais vécu ici. Les Refuges… j’en avais vu des images. J’aurais aimé savoir ce que cela faisait de vivre avec tous les autres Gardiens… Comme une famille.

Je me rendis ensuite dans les cellules des criminels Vampires. Elles étaient vides maintenant. Tout était si vide ici maintenant. Mais ce n’était pas ces cellules qui m’intéressaient. Je me dirigeai tout de suite vers celle qu’avait occupé Ishta. Je sentais son esprit dans sa cellule. Je sentais sa présence. Cette étrange sensation de paix qui ne m’envahissait que lorsqu’il était près de moi s’empara alors de moi. Ishta était là. Pas physiquement bien sûr mais il était là ! Il avait occupé ce genre de cellule pendant la plus grande partie de son éternité. Il y avait fait des séjours qui variaient entre quatre ans et une centaine d’année. Ishta… L’enfant terrible des Gardiens… Voilà ce qu’il était !

La planche d’argent n’était plus là. A la place, je trouvais une sorte de porte. Je posai à plat la main sur cette porte. Je sentis le bois se réchauffer. Du pouvoir se dégageait de lui. Des signes pratiquement effacés couvraient toute la porte. Je me penchai pour mieux les voir. Je reconnus tout de suite des lettres vampiriques. Je commençai à déchiffrer rapidement le texte qui y était inscrit. Il s’agissait d’un vieux mythe égyptien sur Râ et Isis. Le Dieu Soleil avait distribué tous les talismans, tous les charmes qu’il possédait aux humains. Bientôt, il ne lui en resta plus qu’un seul. C’était son nom… Celui que son père et sa mère lui avait donné à sa naissance et qu’il cachait au plus profond de son cœur. Même s’il était un Dieu, Râ se mit à vieillir. Il s’affaissa et dut bientôt s’appuyer sur un bâton pour marcher. Isis, elle, était alors une simple servante mais elle était plus rusée que des milliers d’hommes. Elle voulait le secret de Râ. Elle imagina donc un stratagème pour lui prendre son talisman. Quand un homme ou même un Dieu était malade, on devait utilisait un charme qui contenait son nom pour le soigner. Avec un peu de boue mélangée à la bave sacrée du Dieu, elle créa un petit serpent et lui donna la vie. Isis le cacha sur le chemin qu’empruntait Râ chaque matin. Le serpent mordit le Dieu au talon. Râ, empoisonnée, s’écroula à terre. Les autres Dieux ne tardèrent pas à accourir mais personne ne réussit à soulager Râ de ses souffrances. Isis proposa ses soins. Elle dit qu’elle connaissait un charme puissant qui le guérirait mais il fallait que le nom secret de Râ soit utilisé pour que le sort fonctionne. Le Dieu commença par refuser et lui énuméra les noms qu’on lui donnait habituellement. Isis tenta de réciter sa formule avec ces noms mais il n’y eut aucune guérison. La douleur était si forte que Râ se rendit enfin. Son cœur livra son secret et Isis connut son nom. Elle soigna Râ. Grâce à ce nom, elle devint toute puissante.

Après cette histoire était inscrit :

« Toi qui désires entrer ici, donne-nous ton nom, ce nom secret, enfoui au plus profond de toi par celui qui t’a fait devenir ce que tu es aujourd’hui. »

Je prononçai tout fort mon prénom mais la porte ne s’ouvrit pas. J’essayai de la forcer mais la porte ne bougea pas d’un pouce. Je renonçai. Je me laissai glisser contre elle et je m’endormis du lourd sommeil des Vampires.

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Un capharnaüm dans ma tête
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